Inventaire des archives du Couvent des Soeurs grises ou Franciscaines de Soignies, 1507-1953 (1980)

Archive

Name: Couvent des Soeurs grises ou Franciscaines Soignies

Period: XVIe - XXe siècles

Archive repository: State archives in Mons

Heading : Abbeys, monasteries and commanderies

Inventory

Authors: Niebes, Pierre-Jean

Year of publication: 2022

Code of the inventory: AEM.02.203

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Producteur d'archives

Nom

Religieuses du tiers ordre de saint François (1632)
Couvent des Sœurs grises ou Franciscaines de Soignies

Historique

François d'Assise (1182-1226), fondateur de l'ordre des frères mineurs, crée un mouvement religieux également suivi par des laïcs.
La règle du tiers ordre est, à l'origine, destinée aux laïcs qui veulent suivre le mode de vie franciscain sans vivre cloîtré. Ils cherchent à assurer leur salut par l'accomplissement d'œuvres de charité. Leur action concrétise l'aspiration de ce temps à vivre la pauvreté évangélique : béguines, cellites ou vaudois sont autant d'expressions de ce vaste courant religieux inspiré par l'idéal de la Vita apostolica.
La bulle Supra montem du pape Nicolas IV (lui-même frère mineur) datée du 18 août 1289 approuve cette règle et fournit donc un cadre juridique à ce mouvement. Les tertiaires adoptent une vie commune puis régulière : les membres de ces communautés professent bientôt les trois vœux d'obéissance, de pauvreté et de chasteté. Les couvents féminins du tiers ordre se multiplient à la fin du XIVe siècle dans nos régions : des fondations ont lieu à Bruges en 1342, à Anvers en 1350, à Tournai en 1380. Ces religieuses appelées sœurs grises ne vivent pas cloîtrées et soignent les malades à domicile ou dans les hôpitaux. Au XVe siècle, les communautés de sœurs grises hospitalières se regroupent en congrégations.
Les sœurs grises sont également actives dans le domaine de l'enseignement, plus précisément de l'éducation des filles. Elles sont présentes notamment à Chièvres dès 1435, à Brugelette (Wisbecq) à la même époque, avec l'aide de religieuses venues de Saint-Omer. Ce couvent de Brugelette (Wisbecq) est très actif puisqu'il est à l'origine des fondations d'Avesnes (1450), Mons où elles prennent en charge l'hôpital (1470), Tournai (1483), Beaumont (1470), Le Quesnoy et Soignies. On ne connaît pas précisément l'année de l'arrivée des premières Sœurs grises à Soignies : le chroniqueur Brasseur cite 1489 comme date de fondation, l'auteur d'un manuscrit conservé à Chièvres 1494 et le chroniqueur Vinchant mentionne 1498. Heureusement une convention écrite rédigée en 1507 nous fournit de précieux renseignements.
Par cette convention datée du 10 janvier 1507 conclue entre un représentant de l'ordre franciscain et les autorités de la ville, la gestion de l'hôpital Saint-Jacques situé extra-muros, au faubourg de la porte de Mons à Soignies (son existence est mentionné dès 1255) est cédée aux sœurs grises ou sœurs du tiers ordre de saint François. Elles sont déjà présentes à l'hôpital depuis 1498 en remplacement des béguines (1) et se consacrent aux soins des malades à l'hôpital (deux sœurs résident à l'hôpital en permanence) et à domicile. Les six premières sœurs sont originaires de Mons, Nivelles et Brugelette.
La même évolution est constatée à Braine-le-Comte. Le béguinage de Braine-le-Comte, muni d'une chapelle dédiée à sainte Élisabeth, est mentionné dès 1304 (2). L'hôpital Saint-Nicolas, fondé un siècle plus tard, en dépend. Il est situé près de la porte de Nivelles, le long des murailles de la ville (3). Les béguines y soignent les malades. À la fin du XVe siècle, les béguines sont remplacées par des sœurs grises hospitalières (4).
S'occuper des malades, c'est aussi être confronté aux épidémies. Les comptes de la massarderie mentionnent des cas de peste à Soignies en 1515-1516, 1550-1551, 1556-1557 et 1579-1580 (5). Le rôle de la puce dans la transmission de cette maladie est ignoré. La peste pulmonaire se transmet par les gouttelettes de salive mais on l'attribue à la pollution de l'air, d'où le port d'un masque en forme de tête d'oiseau dont le bec était rempli de substances odoriférantes. En 1554, lorsque la peste ravage le hameau de Cognebeau, elles sont présentes. En 1556, cependant, la ville leur reproche d'avoir refusé d'accueillir un pestiféré à l'hôpital. Vers 1560, une requête adressée au roi par un supérieur de l'ordre franciscain, visiteur des couvents de la province, proteste contre l'accueil des pestiférés à l'hôpital, qui a provoqué la fuite de leurs tablières (dames âgées) et fillettes, soit leurs pensionnaires qui constituent alors leur principale source de revenus (6).
En effet, les sœurs grises sont aussi actives dans le domaine de l'enseignement via un pensionnat pour jeunes filles et une école élémentaire (primaire) où elles enseignent l'écriture, la lecture et l'arithmétique aux petites filles de Soignies et des villages voisins. En 1784, le pensionnat accueille environ soixante-cinq jeunes filles et l'école environ septante-cinq élèves externes. À partir de l'installation des Oratoriens à Soignies en 1629, ceux-ci fournissent un confesseur à la communauté. Ils créent un collège d'humanités pour garçons.
La chapelle des Franciscaines, adjointe à l'hôpital, est consacrée par l'archevêque de Cambrai en 1617. Les religieuses sont au nombre de vingt-quatre vers 1680. À la fin de l'Ancien Régime, cette communauté compte trente-deux membres et vit essentiellement des biens-fonds qu'elle possède à Soignies, Feluy, Naast, Jurbise et Petit-Rœulx suite à divers dons.
En 1755, elle ont acquis l'auberge du Dauphin, tenant au chemin de Billaumont. C'est sur cet emplacement qu'elles vont construire leur nouveau couvent à partir de 1761. Le 12 mai 1761, le prévôt du chapitre Saint-Vincent, Albert-Antoine de Bacre, pose la première pierre du nouveau couvent qui va remplacer les constructions de 1500. Une nouvelle cérémonie a lieu le 21 septembre 1762, la première pierre de l'église dédiée à saint Joseph et sainte Elisabeth est posée par l'abbé de Saint-Denis en Broqueroie. " Cette pierre est posée dans le coin qui regarde les édifices de notre couvent le long de la chaussée ".
En août 1761, le chapitre de Soignies permet aux Franciscaines d'exploiter une carrière de pierre bleue pour la construction du cloître.
Le chronogramme (1763) gravé en haut du pignon de la façade de l'église est formé par ces mots : " PatrIarCha paVperVM aDesto CLIentI " soit " Protecteur des pauvres, secourez les malheureux ", " Deo trIno Ac ELIsabeth saCraVIMUs ", " Nous avons dédié cette église à la sainte Trinité et à sainte Élisabeth ".
En 1765, les voûtes de l'église sont posées et " le dernier corps de bâtiment qui contient la place proche de la cuisine, le réfectoire, l'ouvroir et les deux places joignant l'église a été achevé pour la maçonnerie et la couverture " (7). L'année suivante, l'église, avec son clocheton à bulbe, est achevée et bénite par le prévôt du chapitre le 9 septembre 1766.
Le quartier des pensionnaires est bâti en 1767, le bâtiment de l'hôpital est construit de 1768 à 1770. En 1769, elles obtiennent un prêt de 200 pistoles de l'abbaye Saint-Denis en Brocqueroie " pour nous assister à faire les officines de notre nouveau couvent " (8).
Les pères Capucins, un groupe constitué au sein de l'ordre des franciscains en 1528, sont installés à Soignies depuis 1616, ils donnent des cours de catéchisme et sont en concurrence avec les Oratoriens pour l'enseignement des garçons. Ils ont collaboré à cette édification.
Nous connaissons le nom des artisans du couvent et de l'église. L'architecte du couvent et de l'église est le frère Walter Forthomme du couvent des Capucins de Soignies. Les tailleurs de pierre sont les frères Didace Batat et Quintin. Les charpentiers sont les frères Bernard Blanchard et Norbert ; les vitriers, frères Gérard et Henri, les menuisiers, frères J.-B. Joachim et Simon Lecocq ; le ferronnier, frère Pierre Minet, le sculpteur pour l'autel, Nicolas Dumoulin d'Écaussinnes. L'autel de la chapelle est achevé en 1770.
En 1784, elles obtiennent l'autorisation du gouvernement autrichien de compter jusqu'à 33 religieuses. Dans leur requête datée de 1782, elles évoquent les services rendus aux soldats des troupes alliées à la Maison d'Autriche en route vers le Hanovre, accueillis à l'hôpital durant les guerres de 1753 à 1763. Elles précisent aussi que le nombre des religieuses enseignantes est réduit à quatre (9). En 1787, les sœurs sont au nombre de 27.
Le 22 août 1796, les religieuses rédigent et signent une protestation contre la suppression de leur couvent.
En 1798, toutes les communautés religieuses sont supprimées et leurs biens confisqués sont vendus comme " biens nationaux ". Nicolas Warocqué (10), propriétaire à Morlanwelz, fait l'acquisition du couvent des sœurs Franciscaines.
En 1806, la Commission des hospices civils de Soignies rachète le couvent à Nicolas Warocqué en lui proposant en échange d'autres propriétés (jardins légumiers sis près du lieu-dit de Saint Antoine à Soignies, terres sises à Petit-Rœulx, rentes perçues sur des maisons) des sœurs grises.
Une loi impériale datée du 30 avril 1806 officialise cet échange concrétisé par un acte passé devant le notaire Pierre-Joseph Plétain à Soignies, le 16 septembre 1806.
Par décret de l'empereur Napoléon en date du 15 novembre 1810, les Franciscaines sont reconnues comme hospitalières en même temps que les couvents de Franciscaines d'Hautrage et de Blicquy. Ces congrégations sont jugées utiles et favorisées vu leur action dans les domaines de l'enseignement et du soin des malades. En 1811, la commission des hospices civils de Soignies emploie 21 hospitalières au service d'une population qui s'élève à 4.668 habitants. Un document de 1806 précise " leurs fonctions consistent en l'administration des hospices, des dépenses courantes, achats des viandes, manutention du pain, surveillance générale sur tous les objets et de faire la cuisine. Elles sont deux constamment à la salle et dans les fortes maladies autant que les besoins de l'hôpital le requiert. Le restant est employé à aller soigner les malades en ville et à tenir une école publique et gratuite pour les pauvres filles " (11).
En 1820, elles utilisent une de leurs maisons (anciennement occupée par la veuve Rombaux) qui borde le couvent, rue de la Station, pour créer une école primaire à destination des filles pauvres (12). Par arrêté royal du 30 juillet 1847, cette école devient une école subventionnée puis adoptée tenant lieu d'école communale. Elle fonctionne jusqu'en 1880. En effet, suite à la loi Van Humbeek qui entre en application le 10 juillet 1879, la ville va organiser son propre enseignement dans un bâtiment racheté sis à la rue Saint-Antoine. Cette loi appelée " loi de malheur " par les catholiques va provoquer la guerre scolaire (13). Le couvent abrite également un pensionnat pour jeunes filles, cette école pour filles accueille également des externes et compte plus de 150 élèves en 1841 (14). Suite à la " loi de malheur ", il est désormais interdit d'utiliser le cimetière privé sis dans le jardin du couvent : les religieuses défuntes sont désormais enterrées au " Vieux-Cimetière ". En 1891, elles obtiennent une concession au nouveau cimetière.
Lors de l'épidémie de choléra survenue à Soignies en 1866, les religieuses soignent les malades. Une religieuse âgée de 27 ans, sœur Stanislas, y succombe. En remerciement, les hospices civils font don d'un calice en vermeil à leur église. En 1877, elles se dévouent durant l'épidémie de petite vérole tant à l'hospice qu'à domicile.
En 1878, de nouveaux bâtiments scolaires sont construits dans la ruelle Scaffart et rue du Lombard. Il y existait un " externat " ou école primaire privée pour filles dirigée par deux sœurs, les demoiselles Scruel. L'une d'elles, Joséphine (née à Soignies le 10 février 1814, fille de Benoît Joseph et de Catherine Ghisbin, y décédée le 27 septembre 1891) entre au couvent en 1859 et fait sa profession religieuse l'année suivante sous le nom de Marie de Jésus. Elle est élue supérieure en 1868 et le reste durant 21 ans. En 1878, l'acquisition de la maison de Dieudonné Lechien, sise rue du Lombard permet de démolir l'école dont la supérieure a fait don au couvent et de reconstruire un nouvel " externat " inauguré en 1879. En 1900, il devient une école des arts ménagers et un pensionnat pour jeunes filles sous le nom d'Institut de l'Enfant Jésus.
De nouvelles classes d'école sont aussi construites au hameau des Carrières en 1880, la première école maternelle (gardienne) de Soignies y ouvre ses portes en 1880 et l'année suivante une école primaire pour filles (l'école pour garçons est créée en 1904). Cette même année, les religieuses sont remplacées par des institutrices laïques dans les nouvelles écoles primaires communales. Une école primaire libre est construite d'urgence à la rue Saint-Antoine (15), à proximité de la chapelle Saint-Roch par le doyen François, propriétaire du lieu. En 1890, l'école Saint-Antoine déménage car suite au décès du doyen, ses héritiers ont hérité de cette propriété. L'administration communale la rachète et y installe l'école communale des filles. Le cercle Léon XIII nouvellement construit rue de Braine (16) accueille l'école rebaptisée Léon XIII à l'étage. En 1895, les sœurs Franciscaines y sont remplacées par les Sœurs de la Providence de Gosselies.
Les Franciscaines sont aussi présentes au nouveau collège Saint-Vincent qui ouvre ses portes en 1881 : deux sœurs y sont chargées de la surveillance des élèves et de l'économie domestique.
Dans le domaine caritatif, les Franciscaines assurent la gestion de l'orphelinat et deux religieuses rejoignent le nouvel hospice des vieillards fondé en mars 1880 à la chaussée de Braine par la commission des hospices civils (17). Elles restent actives dans l'hôpital Saint-Jacques, construit par la ville entre 1768 et 1770, à côté du couvent. Il compte 13 lits en 1781. Il est vendu et démoli en 1893 et les malades transférés dans un bâtiment voisin de l'hospice des vieillards, construit grâce à un généreux donateur : monsieur Éloy-du Bois. Les orphelines y ont été également transférées en octobre 1891 tandis que les garçons orphelins sont placés dans des familles. Les Franciscaines dirigent cet orphelinat : Sœur Augustine du St-Sacrement est nommée directrice en 1889. En cette période de tension entre cléricaux et anticléricaux, la présence des Franciscaines à la tête d'établissements des Hospices civils (hôpital et hospice) est contestée : " plusieurs tentatives d'exclusion dirigées contre elles ont soulevé dans la ville une telle émotion et des protestations si vives que les promoteurs de cette offensive incongrue jugèrent prudent de ne pas insister " selon la chronique.
Le 8 novembre 1886, les religieuses rachètent en vente publique le couvent à la Commission des hospices civils de la ville pour 100.000 francs. Il est décrit comme " un immeuble comprenant divers bâtiments, église, cour, jardin et dépendances, le tout d'un ensemble tenant à la rue de la Station, au chemin de Billaumont et au dit Hospice " (18). L'année suivante débutent des travaux de restauration, on place de nouveaux vitraux et quatre statues dans la chapelle.
L'école primaire des Carrières est fort fréquentée et une école ménagère y est organisée dès 1901. Elle a été construite en 1899 sur un terrain donné par la famille de Savoye. Cette école bénéficie d'une nouvelle construction en 1931. En 1938, un cours spécial de coupe et de confection est organisée pour les élèves les plus âgées ainsi que les anciennes.
En 1901, elles accueillent pendant six mois les Carmélites françaises venue de Riom (Puy-de-Dôme), exilées suite aux lois de la IIIe République contre les congrégations. Elles s'installent par la suite rue de la Station, dans une maison voisine du notaire Hachez pendant la construction de leur Carmel, au chemin du Tour Bras de fer (19).
En 1903, à la demande de l'évêque Walvarens, les quatre couvents franciscains de son diocèse (Blicquy, Hautrage, Everbecq et Soignies) sont réunis en une seule congrégation religieuse avec Soignies comme maison-mère. La supérieure locale de Soignies est la supérieure générale. La communauté d'Everbecq, fondée en 1844 " pour le soulagement des pauvres infirmes de la commune ", a adopté les constitutions du tiers ordre franciscain en 1846 lorsque Sœur Scholastique, du couvent de Soignies, y a été désignée comme supérieure. La communauté s'est unie à celles de Soignies, Blicquy et Hautrage en janvier 1903 à la demande de l'évêque Walvarens. En 1938, cette maison a été cédée aux Franciscaines d'Opbrakel.
Survient la Première Guerre mondiale : les Allemands pénètrent à Soignies le 21 août 1914. Le 26 août, les premiers blessés allemands, anglais et français sont accueillis dans le pensionnat du couvent transformé en ambulance pour la Croix-Rouge jusqu'au 15 octobre suivant. Le pensionnat est alors occupé par un lazaret (hôpital) allemand. En février 1918, le couvent est réquisitionné par l'armée allemande qui occupe également les classes de l'école des Carrières et l'Institut de l'Enfant-Jésus. Quinze religieuses Franciscaines dont toutes les novices se réfugient au Carmel (20). Le pensionnat réquisitionné va abriter le bureau de déportation des chômeurs sonégiens responsable des départs vers le camp de Soltau en novembre 1917. La plupart des religieuses sont employées dans les ambulances établies en ville et au couvent, à l'hôpital et à domicile. Les maîtresses de classe aident les sœurs infirmières et vont visiter les malades à domicile. En 1918, la communauté compte 50 religieuses.
Durant l'entre-deux-guerres, les Franciscaines restent très actives dans le domaine de l'éducation : les écoles des carrières accueillent une centaine d'élèves, le pensionnat pour jeunes filles se développe, on y organise des expositions de peinture et des concours musicaux. On y enseigne le piano, le solfège et les beaux-arts. Il compte 124 inscriptions en 1937 et des sections commerciale et ménagère sont créées. En 1938, la maison Sainte-Anne est construite spécialement pour accueillir 16 élèves, âgées d'au moins 17 ans " elles y seront initiées aux devoirs de la maîtresse de maison et de la mère de famille ". Une section de la J.E.C. (Jeunesse étudiante catholique) est fondée au pensionnat en 1932 et animée par le chanoine Scarmure.
L'Institut de l'Enfant Jésus, ouvert en 1900, dans la rue Scaffart, change d'affectation. En 1929 y est créé le Juvénat c'est-à-dire un pensionnat préparatoire au collège Saint-Vincent qui accueille des garçons de 6 à 10 ans, au nombre de quarante en 1938. Les enfants qui y sont pensionnaires sont élèves de l'école primaire voisine des Frères des écoles chrétiennes. Durant la Seconde Guerre mondiale, les locaux du Juvénat sont occupés par les élèves du collège et de l'Athénée.
En mai 1940, au moment de l'invasion, les caves du couvent, aux voûtes solides, servent d'abri lors des bombardements : plus de 500 Sonégiens y trouvent refuge ainsi que des " évacués " qui traversent la ville. La Croix-Rouge s'installe dans le pensionnat. Des religieuses y soignent des blessés civils et militaires. Le Juvénat, jugé dangereux vu sa proximité avec l'usine de tannerie, est déserté. Des enfants et des jeunes religieuses sont évacuées en voiture vers Blicquy et de là elles tentent de rejoindre le Nord de la France à pied, sous les bombardements, mais elles sont rattrapées à Douai par l'avancée de l'armée allemande et rentrent à Soignies. Avec la laine fournie par la Croix-Rouge, les sœurs et les élèves tricotent écharpes, gants, gilets et chaussettes pour les colis envoyés aux soldats prisonniers.
En 1945, les études gréco-latines sont organisées au pensionnat jusqu'à l'homologation (dernière année des humanités soit 18 ans), avec la possibilité d'accueillir des élèves externes. Notons que c'est assez tardif : l'Institut du Sacré Cœur à Mons a organisé le premier collège d'humanités gréco-latines pour jeunes filles de la province de Hainaut 20 ans plus tôt soit en 1925 : " Désormais, ces privilégiées pourront parler avec leurs maris des chefs-d'œuvre de l'esprit humain en littérature grecque et latine, aider et corriger leurs fils et leurs filles peinant sur les versions grecques ou les thèmes latins. Et elles seront devenues plus femmes et plus mères encore parce que plus humaines ! " (21).
En 1949, le pensionnat accueille 34 internes et 56 externes. En 1950, une formation professionnelle d'auxiliaire familiale est ajoutée aux sections commerciale et familiale. Il s'agit de former non plus uniquement des femmes au foyer mais des diplômées capables de jouer un rôle social, dans les cliniques, homes et " pouponnières ". Durant ces mêmes années 1950, la " discipline d'internat " ne fait plus recette : le nombre de pensionnaires diminue : elles sont au nombre de 27 en 1950 mais 45 en 1953. En 1952, l'organisation des cours est revue au pensionnat : la section d'humanités gréco-latine passe sous la supervision du collège Saint-Vincent qui y envoie ses professeurs, il existe aussi une section moderne et une section complémentaire ou familiale. Deux surveillantes laïques veillent désormais à la discipline. Notons que dans l'éducation des filles à cette époque, la spécialisation intervient souvent plus tôt que chez les garçons : après les trois premières années, les trois moyennes, on rejoint une filière spécialisée : école normale, école d'infirmières, etc.
Par acte de vente passé devant le notaire Hachez, le 5 juillet 1947, le Juvénat est vendu et transféré dans l'ancienne maison de maître Van Cutsem de la rue de la Régence et de son vaste parc, acquise par la communauté. Plusieurs éléments ont joué : le manque d'espace, l'absence de cour de récréation ou de jardin, la proximité de la tannerie et de ses " émanations malsaines ", la proximité de la rue de la Régence avec l'école des Frères. Des travaux d'aménagement sont nécessaires pour créer un dortoir, une salle d'étude et un réfectoire. Ce pensionnat accueille jusqu'à 80 jeunes garçons en 1948 et 73 en 1953. Deux religieuses et trois laïques veillent sur eux.
L'école des carrières accueille une centaine d'élèves en 1949. Les Franciscaines sont aussi présentes à Maffles dans l'enseignement primaire paroissial depuis 1938 et jusqu'aux années 1950.
L'école primaire du pensionnat est fermée car les Franciscaines succèdent aux Sœurs de la Providence à l'école Saint-Vincent en septembre 1952. Elles reprennent aussi la section secondaire professionnelle.
Du point de vue hospitalier, les religieuses sont actives à l'hôpital et à l'hospice des vieillards où elles sont respectivement au nombre de 5 et 2 en 1941. Lorsque la mutuelle Saint-Vincent ouvre une nouvelle polyclinique en juillet 1951, les religieuses sont sollicitées pour participer à cette " œuvre catholique " : sœur Égide y est désignée comme première infirmière. Le couvent accueille aussi une vingtaine de dames pensionnaires en 1949 dans le quartier des dames.
Mais l'âge d'or des congrégations religieuses féminines actives appartient désormais au passé : le recrutement devient problématique, on évoque une crise religieuse et morale. La congrégation a désormais recours à des " demoiselles professeurs ", au pensionnat et dans les écoles en ville, certaines de ces laïques bénéficient d'une chambrette au couvent. En 1950, en raison du manque d'effectifs, le service d'assistance des sœurs aux funérailles, en accompagnement du deuil des familles, est supprimé et les décors funèbres employés en ces occasions sont vendus. La même année, date symbolique, la célébration des matines et des laudes est supprimée pour les religieuses trop chargées de cours ou du soin des malades.
Au début des années 1980, au moment où les Sœurs de la Charité transfèrent la gestion de la maison de repos de Neufvilles à la nouvelle asbl Maison Marie Immaculée (MMI), tout en y restant associées, les Sœurs Franciscaines de Soignies sont préoccupées par le devenir de leurs bâtiments conventuels et de leur chapelle. Ceux-ci constituent en effet, au cœur même de la ville, un remarquable et vaste complexe du XVIIIe siècle, classé depuis 1959 mais devenu désert. Consciente de la charge historique de cet ensemble, la communauté, réduite à quelques religieuses, voudrait lui trouver une nouvelle utilité sociale, puisque telle a toujours été sa vocation.
En 1983, observant avec quelques années de recul l'expérience menée au Grand Chemin à Neufvilles, les religieuses franciscaines prennent contact avec l'asbl MMI (dirigée par Guy Hollogne) pour que ses gestionnaires réfléchissent avec elles à la question qui les préoccupe. En effet, entre celles qui ont longtemps été appelées Sœurs Grises hospitalières, du tiers ordre franciscain, et les Sœurs de la Charité, apparues au 19e siècle, il y a une parenté en termes de projet de vie, même si les deux congrégations sont très différentes à d'autres égards.
En octobre 1984, Cette asbl s'installe dans le cloître, partie alors inoccupée du couvent et le parc est mis à disposition du premier "Cantou" de Belgique (" Centre d'activités naturelles tirées d'occupations utiles "; âtre, coin du feu), pour personnes désorientées valides ou semi-valides. Une structure spécifique à ambiance familiale est créée dans le cloître, au rez-de-chaussée, pour 16 résidents dans des chambres à quatre lits, axés sur les tâches du quotidien. Cette structure est par la suite reconnue et agréée par la Région Wallonne comme service " Alzheimer ".
Le 21 août 1986, les chapitres généraux des sœurs Franciscaines de la Propagation de la Foi et des sœurs Franciscaines de Soignies (Belgique) ont voté la fusion des deux Instituts. Le décret de fusion a été signé à Rome le 20 mai 1987. La congrégation des Sœurs Franciscaines de la Propagation de la Foi (siège à Lyon) est née dans la région lyonnaise, à Couzon-au Mont-d'Or, en 1836. Elle a été fondée par le Père Jean-François Moyne, alors curé de cette petite paroisse. L'objectif était de préparer des missionnaires.
Le 7 octobre 2000, une résidence-services de 40 appartements (transition entre le domicile et la maison de repos et de soins) est inaugurée. Il s'agit d'un projet novateur qui anticipe la pénurie de places en maisons de repos et tient compte du désir de rester le plus longtemps possible autonome.
Dans les années 2000, le MMI rachète l'Institut Sainte-Claire au collège Saint-Vincent dans le but d'ouvrir une deuxième résidence-services, une garderie extrascolaire et une crèche de 28 places et un bureau pour les services extérieurs APPA (22) (repas chauds à domicile, service aides-ménagères, télévigilance, gardes-malades, centre de jour).
L'acte notarié relatif au transfert gratuit de la propriété du couvent des Franciscaines à l'asbl MMI est signé le 30 octobre 2009.
En 2010, la propriété Paul (70A, rue de la Station) est acquise pour y construire une nouvelle résidence-services constituée de 47 appartements.
En conclusion, les Franciscaines en tant que communauté religieuse féminine ont joué un rôle social et pédagogique majeur dans l'histoire de Soignies. Durant cinq siècles, elles ont été présentes et ont fait preuve de résilience puisque la communauté a traversé la période révolutionnaire puis s'est redéployée avec beaucoup de succès au XIXe et en renforçant même sa présence dans le domaine de l'éducation des filles et des garçons au XXe siècle.

Archives

Acquisition

Le contrat de don d'archives a été conclu le 23 mai 2008 entre l'archiviste général du Royaume et la congrégation des Sœurs Franciscaines de la Propagation de la Foi, représentée par Élisabeth Le Charlier, en religion sœur Claire-Marie, religieuse du couvent de Soignies, domiciliée au couvent d'Hautrage. Quelques pièces provenant de la collection Archives locales des AÉMons ont été intégrées au fonds : elles portaient les numéros P/1727, C/2645, C/2646, C/2647, C/2648, C/2652.

Contenu

L'inventaire débute par des chapitres relatifs à la fondation du couvent et à son historiographie. Les chapitres suivants concernent les relations avec les autorités civiles, ecclésiastiques (paroisse, chapitre, évêché et papauté) et monastiques. Les documents relatifs à la vie communautaire sont ensuite rassemblés, puis ceux relatifs au personnel : généralités, contrats de dots, décès, professions religieuses et testaments). Le chapitre relatif à la spiritualité ne contient que quelques documents d'ordre général et l'un relatif à la liturgie. Le chapitre relatif au temporel est important et structuré en plusieurs subdivisions : gestion quotidienne, titres de propriétés, travaux et gestion des biens. La gestion des biens se divise elle-même en généralités (comprenant les chassereaux soit l'état général des rentes et les actes spécifiques aux rentes) suivies de la liste alphabétique des localités où le couvent avait des biens ou percevait des rentes.

Sélections et éliminations

Lors de l'inventoriage de ces archives, aucun tri n'a été effectué.

Accroissements / compléments

Un versement complémentaire est possible.

Mode de classement

Nous avons structuré cet inventaire selon le cadre défini en 1974 (23) par Charles Molette, président de l'association des archivistes de l'Église de France, pour les congrégations féminines créées au XIXe siècle. Ce cadre définit différentes séries : série A : fondation ; série B : archives anciennes jusqu'à la Révolution ; série C : congrégations intégrées et fondations fermées ; série D : relations avec les autorités ecclésiastiques ; série E : relations avec les Unions de religieuses et les autres instituts ; série F : relations avec les autorités civiles ; série G : administration générale ; série H : relations à l'intérieur de la congrégation ; série J : personnel ; série K : formation ; série L : spirituel ; série M : activités de l'Institut ; série N : rayonnement spirituel de la congrégation ; série P : bulletins et publications à usage externe ; série Q : temporel ; série R : varia ; série S : objets et souvenirs. Ce cadre de classement a été adapté aux spécificités de ce fonds d'archives.

Conditions d'accès

La plupart des documents du fonds peuvent être consultés librement. Toutefois, les archives de plus de 30 ans sensibles du point de vue de la vie privée ne sont consultables que sur demande écrite à adresser aux Archives de l'État à Mons qui détermineront, en fonction des numéros d'inventaire demandés, si la demande nécessite l'autorisation du déposant. En outre, le chercheur remplira une déclaration de recherche (24).

Conditions de reproduction

Pour la reproduction des archives, les règlements et les tarifs en vigueur aux Archives générales du Royaume sont d'application.

Documents apparentés

Les archives des couvents d'Hautrage et de Blicquy ont fait également l'objet d'une donation aux Archives de l'État à Mons et d'inventaires. Les archives des institutions de bienfaisance à Soignies sous l'Ancien Régime ont également fait l'objet d'un inventaire.

Bibliographie

CARNIER Marc, De communauteiten van tertiarissen van Sint-Franciscus. Monasticon. I. De grauwzusters, Bruxelles, 2002, p. 97-102 (Bibliografische inleiding tot de belgische kloostergeschiedenis voor 1796, n° 56).
DEGAVRE, Aimable, Sept siècles de Charité, Soignies, 1926 (25).
DEMEULDRE Amé " Le chapitre de Saint-Vincent à Soignies. Ses dignitaires et ses chanoines " dans Annales du cercle archéologique du canton de Soignies, t. III, Soignies, 1902, p. 187-188.
DEMEULDRE Amé, " Glossaire toponymique de la ville de Soignies ", dans Annales du cercle archéologique du canton de Soignies, t. V, 3e livraison, 1925-1926, p. 187-357.
DEMEULDRE Amé, " La bienfaisance à Soignies avant la Révolution française. Histoire de nos établissements de charité ", dans Annales du cercle archéologique du canton de Soignies, t. V, 2e livraison, 1924, p. 145-164.
DESTRAIT Léon, " Les Sœurs Franciscaines de Soignies. Quelques glanures ", dans Annales du Cercle archéologique du canton de Soignies, t. VII, 1ère livraison, 1936, p. 88-90.
DESTRAIT Léon, " Échos d'un procès entre les Sœurs franciscaines, la Ville et le Chapitre de Soignies au XVIe siècle ", dans Annales du Cercle archéologique du canton de Soignies, t. XIII, 1953, p. 24-26.
DESTRAIT Léon, " Les Hospices de Soignies " dans Annales du Cercle archéologique du canton de Soignies, t. XV, 1955, p. 44-48.
DESTRAIT Léon, " Dons au couvent des Sœurs Franciscaines de Soignies ", dans Annales du Cercle archéologique du canton de Soignies, t. XXIII, 1964, p. 77.
DE VROEDE M., Religieuses et béguines enseignantes dans les Pays-Bas méridionaux et la principauté de Liège aux XVIIe - XVIIIe siècles, Leuven, 1996.
LEJEUNE Théodore, Mémoire historique de la ville de Soignies, Mons, 1870 (Mémoires de la Société des Sciences, Arts et Lettres du Hainaut, t. 4).
NIEBES Pierre-Jean " Chronique d'une ville occupée " dans JACQUEMIN Madeleine, NIEBES Pierre-Jean (dir.), Soignies et sa région dans la Grande Guerre, Soignies, 2014, p. 9-55.
PIERART Christine, L'évolution de l'enseignement dans la ville de Soignies, 1852-1884, UCL, mémoire de licence inédit, 1995.
RICHE R., " Les institutions de bienfaisance à Soignies ", dans Annales du Cercle archéologique du canton de Soignies, t. IX, 1943, p. 96-149.
RICHE R. La vie à Soignies hier et aujourd'hui, Mouscron, 1947.
VAN DEN ABEELE Jean-Pol, " Histoire de l'enseignement primaire à Soignies de 1830 à 1914 " dans Annales du Cercle archéologique du canton de Soignies, t. 32, Soignies, 1983-1985, p. 35-45.

Contrôle de la description

Cet inventaire a été réalisé en janvier et février 2021 par Pierre-Jean Niebes.

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Liste des supérieures du couvent

Marie du Joncquoy † 1507
Jeanne Nicaise †1508
Barbe Dieu †1515
Françoise de Poplimont †1560
Agnès Meuran †1578
Isabeau Willot †1583
Catherine Plomez †1589
Julienne Marcy †1622
Catherine Willot †1609
Claire Otton 1622 †1635
Catherine Ernoult †1667
Julienne Flamen †1651
Françoise Bayart 1665 (†1667)
Cécile Wargnies 1666 †1670
Guilaine de Wanne 1669 †1675
Marie Françoise Legros †1686
Marie Barbe Resteau 1688 †1712
Marie Jacqueline Bastien †1723
Marie Joseph Waternau 1714 †1729
Marie Bonaventure ditte de La Roche †1735
Marie Ignace Waternaux 1745-1775 †1792
Léopold Manfroid 1807 †1812
Rose Hulin †1815
Bernardine Leroy 1820 (†1822)
Marie Michelle Robert 1776, 1782 († 1822)
Benoîte Lepoint †1846
Félicité Carlier † 1859
Léopold née Félicité Julie Trufin †1868
Marie-Claire Van Belle † 1871
Marie de Jésus née Joséphine Scruel †1891

1Copie du contrat passé entre le doyen et le chapitre de Saint-Vincent, le mayeur et les échevins de la ville et le franciscain Guillaume Blondeel relatif à l'admission des sœurs grises à l'hôpital de Soignies. 10 janvier 1507.1 pièce
2Inventaire du mobilier et des objets de l'hôpital (hostel-dieu) des sœurs grises de Soignies, réalisé en présence du doyen de la collégiale Saint-Vincent, Georges de Gheet assistés de deux chanoines, de Guillaume Blondeel, frère mineur de l'observance de la province de France et des supérieures des couvents de sœurs grises de Beaumont, Colette Desprets, de Mons, Gertrud Louche, de Nivelles, Gertrude Delannoy et des mambours de l'hôpital. 11 janvier 1507.1 pièce
3Copies de la convention du 10 janvier 1507. [XVIIIe siècle].1 chemise