Inventaire des archives du château de Modave

Archive

Name: Château de Modave

Period: 1233 - vers 1920

Inventoried scope: 64 linear meters

Archive repository: State archives in Liège

Heading : Families and Persons

Inventory

Authors: Dumont, Bruno

Year of publication: 2001

Code of the inventory: Y12

...

Producteur d'archives

Nom

Château de Modave.

Historique

Huy, le Hoyoux, Modave

Tout d'abord, une ville mosane, Huy, la première " bonne ville " de la principauté épiscopale de Liège; ensuite, le bassin industriel d'une rivière au débit souvent torrentueux, le Hoyoux; le plateau du Condroz, enfin, avec Modave, cette place-forte médiévale érigée en sentinelle, aux portes de la cité hutoise, sur un abrupt dominant de 60 mètres la vallée de ce même Hoyoux, forteresse bientôt transformée par la grâce du puissant comte de Marchin, en magnifique château de plaisance : ces trois éléments se conjuguent pour former la trame du décor dans lequel se meuvent les acteurs qui ont donné naissance au fonds d'archives du château de Modave.

Huy et le Hoyoux inférieur

La famille qui va tenir le premier rôle et le rôle principal, ce sont les de Ville.
Les de Ville (1) sont peut-être originaires du hameau de Ville en Ardenne, qui constituait, sous l'Ancien Régime, un fief de la principauté abbatiale de Stavelot-Malmedy, relevant de la Haute Cour de Stavelot (2). La présence de la famille de Ville (3) est attestée à Huy dès le XVe siècle (4).
Avec Jean (I) de Ville, rentier de la Ville de Huy, qui épousa en 1485 Marie Clenchart, est inaugurée une longue lignée de Jean de Ville (5). Son fils sans doute, Jean (II), était bourgeois de Huy - il demeurait Sous le château (paroisse Saint-Remy), dans une maison appelée " Au Haulme "; lui, il fut bourgmestre de la ville (6).
De son mariage avec Jehenne Masse, naquit Jean (III), le premier de Ville pour lequel nous disposions de renseignements plus substantiels. Dans cette première moitié du XVIe siècle, les lignes de force du futur patrimoine de la famille semblent déjà esquissées : propriétaire de forges au lieu-dit " Sur les forges ", au bord du Hoyoux, entre Huy et Marchin, leur vocation de métallurgiste est sans doute déjà bien affirmée. Détenteur de rentes sur plusieurs maisons à Huy et sur des terres en Hesbaye et au Condroz, il apparaît déjà comme un solide rentier de la terre. Bourgmestre de sa ville avant 1570, gouverneur du métier des bouchers, et, à ce titre il fait partie des " Onze hommes " qui administrent le " Grand Hôpital " de Huy (7), il épousa Isabeau Seuxhier († 1616) et mourut en 1587, paroisse Saint-Mort (8).
Avec son fils Jean (IV), les de Ville prennent véritablement leur essor. Jean (IV) est souvent qualifié de " marchand-maître de forges " : il se lance dans l'extraction de minerai fer à Vedrin, de plomb dans la Terre de Beaufort, l'ancienne commune de Ben-Ahin, le commerce de bois, de charbon de bois, de gueuses, il exploite forges, moulins et hauts-fourneaux (dont ceux de Lovegnée dans la Terre de Beaufort) (9). C'est sans doute cette diversification dans sa production et dans ses sources d'approvisionnement en matières premières qui lui permet de faire face au renversement de la conjoncture que l'on observe partout à cette époque-là dans les Pays-Bas et le Pays de Liège, et particulièrement dans le vallée du Hoyoux (10). Par ailleurs, lui aussi exerce la charge de rentier de la Ville de Huy. Un signe qui ne trompe pas sur l'accumulation de ses richesses et son souci, d'autre part, de veiller à leur gestion : en 1599, il fait recopier dans des registres appelés " stocks " tous les titres de propriété de ses biens meubles et immeubles (11). Il a acquis des censes importantes qu'il donne en métayage. Elles sont implantées tant dans la riche Hesbaye que dans le Condroz. Dans la première, ce sont les censes de Bohissaux à Coutisse, de Crehen, de Termogne à Celles-lez-Waremme, de Froidbise à Huccorgne; dans le second, on dénombre les censes de Lovegnée et de La Sarte à Ben à Ben-Ahin, celles de de Denville à Havelange, de Jallet et les censes de Lize et de Pierpont à Marchin. En outre, il est propriétaire ou a des droits sur plusieurs maisons à Huy où il demeure en sa maison située d'abord paroisse Saint-Mort, puis, à partir de 1603, en Grienge, au coin de la rue des Esses. Sa femme, quant à elle, Marie de Tru, est issue du même milieu des maîtres de forges. Il meurt le 15 mars 1618 (12).
Son fils, Jean (V), que semble-t-il il avait associé à la direction de ses affaires de son vivant, lui succède et poursuit sur sa lancée. Comme son grand-père, il fut bourgmestre de Huy et administrateur du Grand Hôpital (13). En 1604, il s'établit En Rioul, paroisse Saint-Georges, à l'enseigne de " L'Escu d'or ", à proximité du couvent des Augustins (14). À sa mort, en 1648, sa veuve - Jeanne Overbrouck, elle-même fille d'importants maîtres de forges - et son fils Winand, se retrouvent à la tête d'un patrimoine mobilier, immobilier et industriel considérable (15). Des rentes en argent pour un montant de 1735 florins, en mouture pour un total de 190 setiers et en grains pour près de 8 muids, de nombreuses maisons et des vignobles à Huy, les fermes de Hesbaye et de Condroz auxquelles est venue s'ajouter la cense de Tihange, des moulins (A Postice à Huy, à Lovegnée) et des forges (forges Coileau, Delle Xhaille, Delle Thour) à Huy, à Marchin, des forges et fourneaux en la Terre de Beaufort.
L'impression d'ensemble que laisse Winand de Ville (1623-1694 (16)) est celle de la gestion de l'acquit. Une gestion tranquille qui se contente de percevoir les revenus des investissements réalisés précédemment (17). Sur le plan social, par contre, l'ascension se poursuit : il épouse une fille de la noblesse hennuyère, Catherine-Élisabeth de Lerneux (18), fille du seigneur de Presles (19), il accède au titre convoité de seigneur par héritage pour la seigneurie de Celles-lez-Waremme (20), par acquisition pour celle de Biesmerée dans l'Entre-Sambre-et-Meuse (21), et, grâce à l'entregent de son fils Arnold, il peut, à partir de 1686, s'enorgueillir du titre de baron libre du Saint-Empire (22).
Arnold de Ville est, sans conteste et à juste titre, le personnage le plus célèbre de la famille. Baptisé à Huy en l'église Saint-Georges le 15 mai 1653 (23), après des humanités qu'il entame au collège des Jésuites de sa ville natale et que, fuyant une épidémie de peste il achève à Paris (24), il étudie le droit à Louvain, obtient sa licence en 1674 et prête serment comme avocat par-devant l'Officialité de Liège en mars 1676 (25). Quatre ans plus tard, il décroche un poste d'échevin de Liège (26). Entre temps, il avait quitté le pays de Liège et il séjournait, à Paris, depuis 1678 au moins (27). C'est que l'étonnante entreprise de la machine de Marly avait débuté...
Tout son destin semble bien avoir reposé dans les mains du comte Jean-Ferdinand de Marchin, le fils de Jean-Gaspard-Ferdinand, le constructeur du château de Modave. La tradition le dit lié d'amitié au premier. En tout cas, sa mère, Catherine-Élisabeth de Lerneux, dès 1666, était en rapport avec les Marchin (28) et, dès la mort du célèbre comte Jean-Gaspard-Ferdinand, en 1673, on le voit intervenir dans le règlement de la succession (29). Sans doute, par l'intermédiaire de celui-ci, a-t-il été mis en contact avec l'entourage du Roi-Soleil. Toujours est-il qu'il remplit en France des missions diplomatiques comme représentant de la principauté de Liège et qu'en 1686, peu après l'achèvement de la machine, le prince-évêque Maximilien-Henri de Bavière lui accorde un congé de son office d'échevin de Liège (30). Désormais, il sera à titre privé le " consultant " avisé des ministres français sur les affaires liégeoises (31). Personnalité étonnante, destin prodigieux, son aventure extraordinaire de la machine de Marly, maintes fois évoquée, est loin cependant d'avoir livré tous ses secrets (32).
Du " Pavillon de la Machine ", de Versailles ou de Paris, Arnold de Ville gardait toutefois un œil sur la gestion, paternelle et qu'il jugeait trop débonnaire, du patrimoine familial (33). Sous la Régence, il revient régulièrement au pays. À Liège, à Biesmerée où il séjourne souvent, fait faire de gros travaux et surveille, en agronome précurseur, troupeaux, cultures et plantations. Son autre lieu de séjour favori est devenu le château de Modave.
Pour comprendre à la suite de quelles circonstances, un long retour en arrière sur la dévolution de la seigneurie de Modave s'impose.

Modave et le Hoyoux supérieur

Telle une sentinelle avancée de la " bonne ville " mosane, à l'orée du plateau du Condroz, le château de Modave, posé au sommet d'une falaise calcaire dominant de quelque soixante mètres la vallée du Hoyoux, se présente comme un " château de plaine vers l'est, vrai nid d'aigle vers l'ouest " (34).
Chargés de la défense de la ville proche, les détenteurs de " la terre, seigneurie, château et forteresse de Modave " apparaissent pour la première fois en 1233 en la personne de " Walterus de Modalve ". Conséquence logique de leur fonction, ils tiennent leur charge en fief de l'avoué de Huy, dont le titulaire, dès le XIVe siècle, appartient au lignage des Barse, puis, jusqu'à la fin de l'Ancien Régime, à celui des Vierset (35). Au départ, le complexe se limite sans doute à un donjon implanté à l'extrémité du piton rocheux et entouré de murailles.
Du XIIIe siècle au milieu du XVIe, la forteresse et la terre de Modave sont l'apanage de la famille de Modave. À la mort de Jeanne de Spontin, en 1558, l'épouse de Jean (II) de Modave, qui était aussi grand bailli du Condroz, elles échurent à son neveu, Jean de Haultepenne, dit de Barvaux. Par le mariage, en 1571, de sa fille Catherine avec Nicolas (Ier) de Saint-Fontaine, elles passèrent dans les mains de cette famille. Agrandis progressivement, les bâtiments forment, à cette époque, un ensemble organisé en un quadrilatère autour de l'actuelle cour intérieure et ponctué de plusieurs tours carrées et d'une ronde (36); il se prolonge, vers le nord, par une basse-cour.
En 1642, Nicolas (II), le fils de Nicolas (Ier), vendait le château et la seigneurie de Grand-Modave (37) à Jean de Marchin, lieutenant-gouverneur et capitaine du château de Huy, qui agissait au nom de son fils, Jean-Gaspard-Ferdinand (38). Issu de la petite noblesse condruzienne (39) -il était seigneur de Ramezée (hameau près de Barvaux-en-Condroz) et avoué de la petite localité de Fosse-sur-Salm-, il avait épousé Jeanne de la Vaulx-Renard, famille importante de la principauté de Stavelot-Malmedy. Son fils, Jean-Gaspard-Ferdinand, d'abord colonel d'un régiment liégeois de chevau-léger, se révéla un militaire et un diplomate de grand format, longtemps au service de la France, bras droit et ami fidèle de Louis II de Bourbon, le Grand Condé, passé ensuite à l'Espagne, puis à l'Empire, sans oublier l'appui qu'il apporta à Charles II d'Angleterre (40). C'est donc à lui que l'on doit, après les dévastations commises par les troupes du duc de Lorraine en 1651 et 1653, l'édification du château actuel (41). Par son architecture novatrice, le luxe de sa décoration intérieure, la splendeur de ses jardins (42), par le modèle que constitua une " machine " qui élevait l'eau du Hoyoux pour la consommation domestique et l'alimentation des bassins des jardins, cette demeure témoigne du prestige qu'avait acquis ce personnage " d'une stature véritablement européenne " (43). Il avait épousé, en 1651, Marie de Balsac d'Entragues, fille d'un conseiller du roi de France (44). Quelques mois après le décès de son mari, survenu à Spa le 21 août 1673 (45), elle quittait définitivement Modave et Huy pour la France (46).
Jean-Ferdinand, leur fils unique (47), était promis à un bel avenir dans la carrière des armes : déjà naturalisé en France depuis 1661 par son père (48), émancipé à la mort de celui-ci (49), il abandonna rapidement Modave, se couvrit de gloire sur les champs de bataille, fut fait, en 1703, maréchal de France, avant de trouver la mort, trois ans plus tard, lors du siège de Turin (50). Sa disparition sans laisser de descendance signifia aussi celle de cette illustre branche de la famille de Marchin : sa succession fut recueillie par son cousin sous-sous-germain de la branche aînée, Philippe-Jacques de Marchin, de Verlée (51).
Sans attaches, semble-t-il, au pays de Liège, à l'exception d'Arnold de Ville, sans doute pressé par des besoins d'argent pour financer ses campagnes (52), Jean-Ferdinand de Marchin s'était résolu, en 1682, à aliéner le château de son père et la seigneurie de Grand-Modave que son grand-père avait acquise quarante ans plus tôt seulement.
L'acheteur était de qualité puisqu'il s'agissait du prince-évêque de Liège et archevêque-électeur de Cologne, Maximilien-Henri de Bavière (53). Tout de suite, cependant, celui-ci en cédait la jouissance, à titre viager, à son grand bailli du Condroz, le baron Ferdinand de Haultepenne, qui était aussi capitaine-lieutenant de ses gardes (54).
Deux plus tard seulement, le 16 novembre, le prince-évêque, à titre onéreux, cédait le tout-soit le château, la seigneurie de Grand-Modave à laquelle s'ajoutait la recette du ban de Havelange (55) -au célèbre prince Guillaume-Égon de Fürstenberg, qui, depuis la mort, en 1682, de son frère, François-Égon, était devenu son principal ministre et conseiller (56). En 1686, d'abord, Guillaume-Égon arrondissait son domaine condruzien par l'acquisition de la seigneurie de Petit-Modave (57). Puis, à ce même personnage, dont il était un fidèle soutien, Arnold de Ville vendait, en 1687, les biens dont ses parents lui avaient fait donation entre vifs et qui étaient situés dans des localités limitrophes de Modave. C'était une des deux censes-celle de Lise-que cette famille possédait à Marchin, celle de Dinville à Havelange, et les droits que les de Ville détenaient sur d'autres biens-fonds, soit une autre cense de Marchin-celle de Pierpont-, une à Vyle, de même qu'une créance sur la communauté de cette localité, et le moulin de Ramelot (58).
Guillaume-Égon de Fürstenberg, déjà administrateur de l'abbaye de Stavelot-Malmedy, évêque et prince de Strasbourg depuis 1682, créé cardinal en 1686, était le candidat de Louis XIV au trône épiscopal de Liège comme au siège métropolitain de Cologne. Dans le contexte européen des guerres hégémoniques menées par le Grand Roi, cette candidature devait lui permettre de prendre pied dans la principauté de Liège, pourtant théoriquement neutre, et étendre ainsi son contrôle à l'ensemble de la région Rhin-Meuse (59).
Désireux de se constituer, à partir de Modave et de son château, un vaste domaine à la hauteur de ses ambitions princières, Guillaume-Égon de Fürstenberg avait trouvé en la personne d'Arnold de Ville un vendeur complaisant dont il n'avait sans doute pas apprécié à sa juste mesure l'appétit (60). Pour lors, il se lança dans une vaste campagne de travaux d'agrandissement et d'embellissement de sa nouvelle demeure condruzienne (61).
Toutefois, la donation que lui avait consentie en 1684-1686 Maximilien-Henri de Bavière était assortie de deux hypothèques : le payement en faveur de la Chambre des comptes de Liège d'une rente de 1000 écus à prendre sur la recette du ban de Havelange et le payement en faveur de la cathédrale Saint-Lambert d'une rente de 600 écus destinée à la célébration de l'anniversaire du décès du prince-évêque. L'impécuniosité de Guillaume-Égon allait offrir une brèche dans laquelle Arnold de Ville ne manquerait pas de s'engouffrer.
Mais les choses se compliquèrent encore : dès 1684, Guillaume-Égon de Fürstenberg avait cédé l'ensemble de ses biens immeubles à son neveu, le comte Emmanuel-François-Égon de Fürstenberg et à son épouse Marie-Catherine-Charlotte de Wallenrode, douairière de La Marck; à cette dernière, avec laquelle il entretenait une relation suivie et intime, il avait en outre cédé l'usufruit de ces biens, ce qu'il lui confirmait, le 13 novembre 1688, après la mort de son mari (62). Sitôt cette donation confirmée, la comtesse, douairière de La Marck et de Fürstenberg, prenait possession du château et de la seigneurie de Modave (63) et y poursuivait les travaux entrepris par le cardinal (64).
Dès 1697, Arnold de Ville entamait une procédure en justice en vue d'être satisfait du prix de la vente des biens qu'il avait consentie en 1687 à Guillaume-Égon. Celui-ci, entre temps, avait échoué dans sa conquête de l'électorat de Cologne et de l'évêché de Liège et avait été contraint, lorsqu'éclata la guerre de la Ligue d'Augsbourg, de se réfugier en France où Louis XIV le nomma abbé commendataire de Saint-Germain des Prés. Après une incroyable et interminable procédure qui avait vu Arnold de Ville affronter tour à tour ce dernier, ensuite l'abbaye de Saint-Hubert-en-Ardenne, l'abbaye de Stavelot-Malmedy, et même le chapitre cathédral de Saint-Lambert de Liège, sans oublier la Chambre des comptes du prince-évêque-et cette procédure l'avait mené devant les Échevins de Liège, le Tribunal des XXII, le Tribunal impérial de Wetzlar, le Grand Conseil du Roi de France, le Tribunal du Châtelet à Paris, le Conseil aulique à Vienne (65)-, enfin, le 24 novembre 1706, Arnold de Ville entrait en possession du château et du domaine de Modave (66).
Aussitôt, il fait procéder aux aménagements les plus urgents (67). Entre temps, il a hérité de toute la fortune (68) immobilière de ses parents-son père Winand est mort en 1694, sa mère, Catherine-Élisabeth de Lerneux, en 1698 (69). Bientôt lui, puis sa veuve recueilleront également les biens meubles dévolus à ses deux sœurs : Marie-Catherine, célibataire, sans doute faible d'esprit, décédée en 1715 (70); Anne-Marie, qui fit un mariage malheureux avec le comte Joseph-Philibert de Lecherenne et mourut en 1732 (71).
Lui-même épouse, en 1708, Anne-Barbe de Courcelle, la fille d'un écuyer français, secrétaire du roi et qui était directeur général des postes d'Alsace et de Strasbourg (72).
Dire qu'il gère cet énorme patrimoine en gestionnaire avisé serait un euphémisme. Juriste pointu, esprit systématique mais procédurier, administrateur vigilant et infatigable, il inspecte ses propriétés, établit des programmes de travaux-pour le travail des champs de ses fermiers, pour la construction ou la réparation de ses bâtiments agricoles, de son château, de ses demeures, de ses maisons-, il écrit à ses receveurs et à ses censiers, attend leurs lettres, contrôle de près leur comptabilité, il annote le moindre document, dresse des inventaires raisonnés de ses titres de propriété, fait relier les "stocks" anciens et établir de nouveaux, scrute la moindre rente négligée, traque toutes les impayées, poursuit tout débiteur défaillant, houspille ses avocats et procureurs, supervise leurs mémoires ou les rédige lui-même de son écriture caractéristique mais à la syntaxe et à l'orthographe singulièrement défaillantes (73). Bref, rien ne semble lui échapper.
De son mariage, il n'eut qu'un seul enfant : une fille, Anne-Marie-Barbe (74). Et il n'eut pas le bonheur de voir le couronnement de sa réussite sociale : en 1730, sa fille contractait une des alliances les plus prestigieuses dont il aurait pu rêver : le fils du chef de file d'une des maisons les plus en vue de la noblesse française : Anne-Léon, duc de Montmorency, bientôt premier baron chrétien de France (75). Lui, il s'était éteint, en son château de Modave, le 12 février 1722.
La réussite sociale fut brillante, certes, mais le caractère plutôt vaniteux du personnage fait immanquablement songer à l'observation acide que faisait Saint-Simon à propos de l'ami d'Arnold, le comte de Marchin : " Monsieur de Marsin qui est propriétaire d'une ferme dans le pays de Liège... " (76).
Sa veuve, de près de 30 ans sa cadette, lui survécut plus de cinquante ans. Comme Marie de Balsac un demi-siècle plus tôt, elle se retire en France, à Metz, sa ville natale, puis auprès de son beau-fils, en son château de La Brosse, près de La Ferté-sous-Jouarre en Seine-et-Marne. À Modave, elle ne fera plus que de brefs séjours mais elle entretiendra une correspondance suivie avec ses receveurs généraux et avec le chapelain du château. Toutefois, un autre drame va la frapper : en 1731, sa fille unique meurt en couches après lui avoir donné un petit-fils, un autre Anne-Léon (77). Au décès de sa grand-mère, le 10 mars 1772, celui-ci sera son unique héritier (78).
Modave et tout le patrimoine des de Ville passent donc dans les mains de la famille de Montmorency. Pour Anne-Léon, premier baron de France et " premier baron de la chrétienté ", haut officier militaire, détenteur d'une dizaine de seigneuries (79), devenu, par son remariage en 1767, avec Charlotte-Anne-Françoise de Montmorency-Luxembourg, bientôt unique héritière de ses parents, duc de Montmorency, chef du nom et d'armes de la maison, connétable héréditaire de Normandie, le château condruzien n'est qu'une lointaine possession. Ses passages y sont exceptionnels. Toutefois, à l'exemple de sa grand-mère, le duc noue des relations épistolaires régulières avec ses receveurs. Son receveur général, Denis Lhonneux, devient vraiment son homme de confiance. Après son décès, en 1789, il trouvera dans sa veuve Catherine Namur, une femme énergique et d'un dévouement total.
Bientôt, les épreuves de la Révolution feront de Modave, de Huy, de Liège, où le duc avait acquis un hôtel particulier, et de Maastricht, des étapes appréciées sur le chemin de l'émigration. Probablement avait-il conçu le projet de trouver refuge au pays de Liège puisqu'en 1792 il fait l'acquisition des mains du baron de Wal de la seigneurie voisine de Vyle (80). Mais, après la victoire, en 1794, des troupes de la République, il se résout à émigrer en Allemagne et l'ensemble des biens des Montmorency est confisqué, mis sous séquestre, loué ou mis en vente (81). C'est alors qu'intervient Catherine Lhonneux : elle entre en possession, par bail locatif, du château et du parc de Modave (82), comme de la cense Delle Basse à Marchin (83), et, par acquisition, de la ferme du château et de celle de Petit-Modave (84), de celle de Froidbise à Huccorgne (85) ainsi que de la maison familiale de Huy. En 1809, elle rétrocède les deux fermes de Modave aux Montmorency (86) mais conserve la demeure de Huy (87). Sous l'Empire, les Montmorency obtiennent la levée du séquestre des biens qui n'avaient pas été mis en vente : ils récupèrent ainsi le château de Modave et son parc, les bois de Biesmerée et de Vyle (88). Les autres possessions-les censes de Hesbaye et du Condroz, de Ben-Ahin et de Tihange-avaient été vendues comme biens nationaux (89) ou seront bientôt aliénées par la famille (90).
Entre temps, le duc de Montmorency, le petit-fils d'Arnold de Ville, est mort en Allemagne le 1er septembre 1799 tandis que ses enfants bénéficient des mesures d'amnistie en 1803. Mais les héritiers songent à se défaire de leur domaine condruzien. Ils devront toutefois attendre jusqu'en 1817 avant de trouver un acquéreur en la personne d'un important industriel liégeois, Gilles-Antoine Lamarche (91), le fondateur de la Fabrique de fer d'Ougrée, incorporée actuellement dans le groupe Cockerill-Sambre.
Celui-ci fait aussitôt procéder à la réalisation d'un bel atlas terrier de l'ensemble de son nouveau domaine (92) et exécuter des travaux d'aménagement au château et au parc (93). Non content d'arrondir son domaine, il semble n'avoir de cesse de devenir propriétaire de toute la commune et des communes limitrophes : il multiplie les achats de terrains, de fermes et de maisons (94). Parallèlement, il s'installe, dès 1825, à la direction politique de sa commune d'adoption (95).
Après son décès, survenu à Liège le 8 décembre 1865 (96), son beau-fils Frédéric Braconier (97), industriel comme lui, député libéral de 1861 à 1872, puis sénateur jusqu'en 1900, bourgmestre de Modave à partir de 1879 (98), reprend la propriété et continue à résider à Modave (99). De 1912 à 1928, le château est occupé par ses deux fils, Ivan et Raymond Braconier; sa jouissance échoit ensuite à leur neveu Jacques-Antoine Van Hoegaerden (100), arrière-petit-fils de Gilles-Antoine Lamarche. En 1928, est créée la " Société anonyme Domaine de Modave "; en 1936, celle-ci fait place à la " Société immobilière et de gestion " et rachète aux héritiers Van Hoegaerden le château et le domaine (101).
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, l'abondance et la qualité des ressources en eau potable que constitue toute la zone des sources du Hoyoux suscitent l'intérêt. Dès les années 1880, Paul Van Hoegaerden (1858-1922), le père de Jacques-Antoine, député, puis sénateur, avocat, industriel et financier, administrateur de sociétés, dont la résidence habituelle était à Bruxelles, avait attiré l'attention sur les possibilités d'alimentation en eau qu'offrait le bassin du Hoyoux. En 1887 déjà, il publiait un opuscule de 26 pages, intitulé Agglomération bruxelloise. Distribution d'eau. Projet du Hoyoux (102). En 1905, la Compagnie intercommunale bruxelloise des eaux se rend propriétaire des sources du Hoyoux. En 1936, la moitié du domaine, soit 600 ha, lui est cédée. Celle-ci souhaite établir une zone de protection et de captage de cette richesse aquifère. Déjà propriétaire de nombreuses parcelles, en mars 1941, elle se porte acquéreur du château et du reste du domaine de Modave. La réserve naturelle des sources du Hoyoux est délimitée et aménagée, au prix notamment de la démolition du hameau de Petit-Modave et de sa ferme-château. La C.I.B.E. est ainsi en mesure d'assurer l'alimentation en eau potable de l'agglomération bruxelloise.
Parallèlement à cette activité économique, une politique culturelle, éclairée et dynamique, vise à mettre en valeur le site patrimonial exceptionnel que représente l'ensemble castral de Modave. En 1946, le château et le domaine sont classés comme monument et comme site. La C.I.B.E., avec le soutien financier de la Région wallonne, a entrepris la restauration de l'ensemble des bâtiments et le donne à visiter à un public toujours plus nombreux et plus intéressé.

Archives

Historique

Les archives du château de Modave représentent un linéaire de 57 mètres environ; elles débutent en 1233 pour s'achever vers 1920, elles couvrent donc une durée de quelque sept siècles.
Comme c'est très souvent le cas en matière d'archives privées, les archives de Modave nous sont parvenues dans un complet désordre. Pire : elles ont fait l'objet de versements, ou de dépôts, ou d'achats, distincts et à des époques bien éloignées l'une de l'autre. Ce fonds est donc constitué du rassemblement de lots d'archives disparates et dont les propriétaires actuels sont différents.
Actuellement, ce sont les Archives de l'État et la Compagnie intercommunale bruxelloise des Eaux (C.I.B.E.). C'est en 1972 que celle-ci a déposé aux Archives de l'État à Huy les documents qui étaient alors encore conservés au château de Modave. Cette convention, adoptée le 8 novembre de cette année pour un délai de vingt-cinq ans, est en bonne voie de renouvellement (103).
Ce dépôt est venu compléter un premier versement qui a dû avoir lieu dans les années 1890, déjà, aux Archives de l'État à Liège, et un second versement, en provenance celui-là, de la Ville de Huy et effectué, vers 1975, par les soins de nos collègues Edmond Tellier et Pierre Bauwens.
Ce dernier versement fut répertorié sur fiches manuscrites, aux Archives de l'État à Huy, par Edmond Tellier, dans la série des fonds de famille sous le nom " de Ville ", tandis que précédemment, aux Archives de l'État à Liège cette fois, Juliette Rouhart-Chabot avait constitué, de manière il faut bien le dire parfois arbitraire, un autre fonds de famille " de Ville "; elle avait fait dans les années 1950 un classement fort sommaire.
Sylvain Balau a eu l'occasion de découvrir d'autres documents à Huy, chez Thimoléon de Lhoneux (104), le fils du dernier receveur des de Ville, tandis qu'une dizaine d'années après la publication de son Histoire de la seigneurie de Modave, V. Dwelshauwers-Dery signale la découverte de dessins, en copie, de la machine de Modave, dans le grenier de l'ancienne propriété des Montmorency à Huy, rue des Augustins (105). Selon toute vraisemblance, il s'agit du même immeuble que celui signalé par S. Balau et qui fut d'abord la propriété des de Ville. Les papiers retrouvés à l'hôtel de ville de Huy auquel il a été fait allusion précédemment provenaient très probablement du même endroit.
Parmi les archives du château, se trouvaient encore au début du XXe siècle, selon les informations de V. Dwelshauwers-Dery, sept planches de dessin de la machine de Modave. Elles étaient numérotées de 91 à 97 de la main d'Arnold de Ville. Destinées sans doute à un projet de reconstruction de la machine, elles faisaient partie d'une collection plus importante dont Arnold de Ville avait souhaité la publication (106). Paul Van Hoegarden a présenté un exemplaire de la planche cotée 93 à l'Exposition universelle de Liège de 1905 et Frédéric Braconier, le propriétaire de l'époque du château, les a communiquées à V. Dwelshauwers-Dery, pour sa communication au Congrès international de Liège de 1905 (107). Malheureusement nous ignorons le sort qui fut réservé à ces documents.
Par ailleurs, des documents relatifs à la famille de Ville furent incorporés, sans aucune raison logique, par Fernand Discry, au fonds des archives d'Ancien Régime de la Ville de Huy (108). Nous les avons réintégrés dans le présent inventaire.
Nous avons agi de même pour des documents dont la provenance du château de Modave était tout à fait assurée, comme ceux qui avaient été versés, aux Archives de l'État à Liège, dans la série des Cours de justice, sous la localité de Chaudfontaine, ou qui figuraient aux Archives de l'État à Huy, dans le fonds des Cours de justice de Ben-Ahin (109), de Marchin (110) et de Modave (111).
Divers achats auprès de libraires d'antiquariat, comme la librairie Paul Gothier à Liège, ont permis dans les années 1950 l'acquisition de quelques registres relatifs aux familles de Ville et de Lerneux (112).
De plus, au cours du classement, M. Michel Clavier, conservateur du château de Modave, a procédé au dépôt de différentes pièces d'archives qui étaient restées en possession de la C.I.B.E.
Cette extrême dispersion des archives de Modave n'a évidemment pas peu contribué à leur mélange total avec comme conséquence que pour un même procès, certaines pièces ont été retrouvées à l'hôtel de ville de Huy, d'autres ont été déposées par la C.I.B.E., d'autres encore font partie du versement fait précédemment aux Archives de l'État. Par conséquent, ce fonds est le fruit d'une reconstitution qui a été menée en application d'un des principes fondamentaux de l'archivistique, celui de provenance. En effet, un point commun unit tous ces documents : il s'agit des archives provenant des propriétaires successifs du château de Modave.
On le sait : les documents relatifs à l'administration d'un bien, d'une propriété, suivent la transmission de celle-ci. Cet usage se vérifie particulièrement dans le cas du château de Modave. Depuis la famille de Modave au Moyen Âge en passant par les Marchin au XVIIe siècle, les de Ville et les Montmorency au siècle suivant, jusqu'aux Lamarche et Braconier au XIXe et jusque dans les premières décennies du XXe siècle, on peut suivre la dévolution du domaine de Modave.
Néanmoins, on eût espéré, pour l'ensemble de la période antérieure au XVIIe siècle, une documentation mieux fournie. Mais les malheurs des temps, de tous les temps - jusqu'à la dernière guerre mondiale-, sans évoquer même la négligence, de tous les temps elle aussi, ont fait leur œuvre. En effet, la position stratégique de Modave lui valut quelques destructions-en 1256, 1483-ou quelques pillages-en 1651, 1653, encore en 1689.
Le sort des documents personnels et des papiers d'office fut plus inégal encore. Il a déjà été fait allusion au petit nombre de pièces relatives à l'entreprise de la machine de Marly; de même, à l'exception de quelques mémoires de l'extrême fin du XVIIe siècle et du début du siècle suivant (113), les activités diplomatiques d'Arnold de Ville ne sont guère représentées (114). Plus étonnant encore : les documents personnels des comtes de Marchin sont plutôt rares. Les circonstances de leur abandon progressif de Modave, puis l'extinction de cette branche expliquent cette particularité : en 1674, Marie de Balzac d'Entragues, qui vient de perdre son mari, le comte de Marchin Jean-Gaspard-Ferdinand, quitte définitivement Modave pour retourner en France et, en 1706, leur fils unique, le comte Jean-Ferdinand, meurt, célibataire, lors du siège de Turin (115). Quant aux papiers personnels et d'entreprises industrielles des propriétaires successifs du domaine aux XIXe et XXe siècles, les Lamarche, les Braconier, les van Hoegaerden, leur absence s'explique par le fait que Modave était essentiellement, pour eux, une résidence secondaire (116).
Inversement, les archives, tant celles relatives aux personnes que celles relatives aux biens, sont abondantes en ce qui concerne les de Ville. Deux remarques à leur propos : elles sont bien antérieures à leur acquisition de Modave, qui a lieu en 1706, et elles concernent tant leur activité de maître de forges que la gestion d'un patrimoine foncier dispersé un peu partout et dont Modave ne représente qu'une petite partie. La remarque peut paraître banale mais elle semble mériter devoir être faite tant il est vrai qu'un fonds d'archives de château est aussi, et même surtout, un fonds de famille et que loin de concerner les seuls propriétaires successifs d'un château et un seul domaine-en l'occurrence Modave-, il concerne, d'une part, tous les ascendants des propriétaires successifs et toutes les familles qui leur sont apparentées et, d'autre part, tout un ensemble de patrimoines familiaux, parfois bien éloignés géographiquement du château en question.

Mode de classement

Les archives du château n'ont jamais, semble-t-il, fait l'objet d'un inventaire. Certes, Arnold de Ville a dressé, occasionnellement, l'inventaire des pièces relatives à un bien-fonds ou à une rente : ce sont des inventaires détaillés mais limités à un objet et conçus uniquement à titre de preuves (117).
Par contre, sur la plupart des documents, une cote a été apportée au dossier Celle-ci commence toujours par les initiales : " M.L. n°x ". Cette opération semble avoir été faite au XVIIIe siècle mais, à de rares cas près, aucun critère rationnel ne semble avoir présidé à la numérotation adoptée. Une liste très partielle de ces numéros existe : elle doit dater du XIXe siècle mais il n'est pas possible d'établir à quoi elle peut correspondre.
Dans les années 1880, Sylvain Balau, curé de Modave, prépare sa monumentale et remarquable histoire de la seigneurie. Il a pu disposer des archives qui étaient conservées au château. Probablement même est-il à l'origine du versement qui eut lieu à la fin de ce siècle aux Archives de l'État à Liège.
De la masse des documents qu'il a alors consultés au château, il extrait, parfois même d'un dossier de procès (118), les documents qu'il juge les plus remarquables (119). Chartes, correspondances, pièces de comptabilité et actes estimés les plus dignes d'intérêt, dont des papiers personnels concernant les propriétaires successifs du château, furent ainsi rassemblés, rangés dans l'ordre chronologique et reliés de façon élémentaire sous forme de registres. Ceux-ci sont au nombre de sept et portent une cote en chiffres romains de I à VII. Ils sont constitués de deux plats en carton recouverts de toile noire; le dos porte, au sommet, une étiquette de couleur rouge avec la mention " Archives de Modave " et, à la base, une étiquette de couleur verte avec l'indication de la cote et des dates extrêmes.
Le premier de ces recueils factices contient des documents sur parchemin de 1411 à 1695 (120). Les deuxième, troisième et quatrième volumes sont composés de documents divers-papiers personnels, titres de propriété, pièces d'administration générale relatifs à la seigneurie et au domaine de Modave -s'échelonnant respectivement de 1384 à 1682- année de la vente de Modave à Maximilien-Henri de Bavière-, de 1682 à 1706-année de la prise de possession par Arnold de Ville-, et de 1706 à 1803. Dans le tome VI (121), Balau réunit diverses lettres d'Arnold de Ville, de sa veuve Anne-Barbe de Courcelles, du duc de Montmorency et de ses enfants ainsi que de nombreuses missives, soit expédiées soit reçues par les régisseurs de ces familles. À la fin de ce recueil, il joignit des mémoires et des dessins relatifs aux travaux de charpenterie de Jean Sianne Dupont. Le tome V (122), lui, réparti en deux volumes, contient les pièces d'un procès portant sur la collation de la cure de Modave, dont la copie sur papier du document le plus ancien du fonds du château : une charte de 1233 de l'évêque et prince de Liège, Jean d'Eppes. À la série de ces six recueils, Balau joignit un registre portant le titre de " Stock VIème de Messire Arnold de Ville ". Il s'agit d'un recueil constitué en 1698-1699 sur l'ordre du baron Arnold de Ville et qui contient tous les titres de propriété de biens meubles et immeubles que détenait celui-ci. Ce recueil constitue le septième volume de la série factice créée par Balau. Toutefois, il a gardé sa cote d'origine, VI (123). Cote que lui attribua logiquement Arnold de Ville puisqu'il était le sixième " stock " de la famille.
Reste le problème d'un éventuel huitième recueil. Sylvain Balau annonçait la présence d'un volume qu'il présentait comme le cinquième et comprenant " quelques comptes dont les indications peuvent être d'une certaine utilité ". Dans son Inventaire général, sous le n°186 (124), il le décrit comme suit : " 1749-1751. Comptes de Modave (V) " (125). Or ce volume n'a pas été conservé, ou plus probablement, n'a-t-il jamais été constitué en tant que tel. L'abandon du projet de constituer ce huitième recueil explique très probablement la discordance entre l'ordre numérique des volumes annoncé par Balau et la cotation en chiffres romains que portent les recueils; c'est pourquoi, les recueils, cotés par Balau, VI (cure) et VIII (correspondance), sont en réalité ceux numérotés, V et VI.
Ces recueils ont été laissés tels quels et font l'objet, dans le présent travail, d'un inventaire détaillé. Les pièces qui auraient dû figurer matériellement à leur emplacement logique dans l'inventaire sont indiquées à celui-ci par une cote en blanc. Le tome I a été versé dans le chartrier, les tomes II à IV et VI, portant essentiellement sur Modave, en tête du chapitre consacré à cette seigneurie, le tome V, relatif à la collation de la cure, dans ce même chapitre, sous la rubrique " collation de la cure ". Le " stock " d'Arnold de Ville a été inséré sous sa rubrique dans la première partie " Papiers personnels ".
C'est aux pièces contenues dans ces sept recueils que Sylvain Balau renvoie dans son Histoire de la seigneurie de Modave. Ces recueils furent pourvus, chacun, d'une table analytique, soignée par ailleurs. Ils sont foliotés au crayon et la table placée in fine mentionne, dans la seconde colonne figurant après l'analyse de chaque document, le folio où débute celui-ci (126). Une première colonne, restée vide, devait indiquer la cote que portent ces pièces dans un inventaire que Balau qualifie de " général ". Cet Inventaire général se réfère aux pièces contenues dans les six (127) recueils décrits précédemment et celles-ci sont désignées sous le nom d'" Archives du château de Modave ". Il consiste, en les reprenant sous une forme plus soignée, plus complète et précise, dans les données fournies par la table analytique de chaque volume. Ici cependant, les descriptions des pièces sont présentées dans un ordre chronologique, quel que soit le recueil dans lequel elles figurent; elles sont précédées d'une numérotation continue et suivies par l'indication, mentionnée entre parenthèses, de la cote du recueil où elles ont été placées. Le nombre total d'articles décrits dans cet inventaire est de 229; il figure aux pages 15 à 34 de l'Histoire de la seigneurie de Modave.
Le fil conducteur qui a été suivi dans le classement du fonds est constitué par les dix familles qui ont possédé le château de Modave. La distinction traditionnelle entre documents relatifs aux personnes et documents relatifs aux biens a été respectée. Toutefois, la pratique de l'inventoriage d'un fonds comme celui de Modave a tôt fait de révéler la part de théorie et d'arbitraire que ces distinctions comportent.
Prenons par exemple le cas du règlement des successions. Logiquement, les pièces relatives au règlement de la succession de telle personne sont classées au nom de celle-ci et de son conjoint. Fréquemment cependant, le règlement d'une succession s'étend sur des années et des années, parfois même des décennies et il arrive qu'il ne soit clôturé que près d'un siècle après la mort de l'intéressé. À nouveau, pour le lecteur non averti, cela peut paraître surprenant.
Un autre point mérite d'être signalé toujours à propos du règlement des successions : le payement de rentes, souvent importantes, qui sont gagées sur un bien, fréquemment une seigneurie. Le dossier est donc classé à la succession de l'intéressé. C'est logique, en partie du moins, si l'objet du différend porte sur le point de savoir qui des héritiers de l'intéressé peut prétendre au payement de la rente en question. L'est-ce toujours autant si l'objet du différend porte sur l'identification du bien sur lequel la rente est affectée?
Autre problème : les documents qu'on appelle de manière très vague les " manuels de gestion de biens ". Il y a tout d'abord les registres qu'on appelait dans le pays de Liège " stocks ". Ce sont donc des registres dans lesquels la personne possédant un certain nombre de biens en faisait rassembler les titres de propriété et les faisait transcrire, souvent en suivant un ordre topographique. Cette personne avait ainsi une vue d'ensemble de son patrimoine à un moment donné. Toutefois, de tels registres ou " stocks " sont fréquemment poursuivis et complétés par les héritiers. Dès lors, si, initialement, ces " stocks " sont le reflet du souci qu'apporte leur initiateur à la gestion de son patrimoine, par la suite ils perdent de leur valeur individualiste pour prendre un caractère plus collectif, commun aux détenteurs ultérieurs de ce patrimoine.
Les manuels de gestion de biens correspondent souvent dans le pays de Liège à des registres dans lesquels un personnage entreprend, chaque année, de noter, en deux colonnes, localité par localité, les données relatives aux redevances (rentes, cens, loyers parfois) qui lui sont dues. Utilisant une page par localité-il fait figurer en titre le nom de la localité-, il consigne, dans la colonne de gauche, le titre de la rente (son montant, son affectation, le nom du débiteur, sa qualité), dans la colonne de droite les payements qui lui sont faits. Témoignage de la gestion personnelle de ses biens par la personne en question, ce genre de registre est rangé sous le nom de cette personne. Or, fréquemment, un registre de ce type est poursuivi par la veuve de cette personne, ensuite par un de leurs enfants ou un de leurs héritiers, puis par les héritiers postérieurs, et ainsi de suite, le tout s'étendant parfois sur plus de deux siècles.
Pour respecter un schéma de classement devenu traditionnel, ces documents ont été classés dans la catégorie " documents relatifs aux personnes " et sous un seul nom. Il est à remarquer qu'il aurait été tout aussi logique, sinon plus judicieux, dès lors de classer de les verser dans la catégorie " documents relatifs aux biens ", quitte à reproduire dans cette catégorie la subdivision famille par famille.
La méthodologie à suivre dans le traitement de la correspondance a suscité également de nombreuses questions. L'intérêt documentaire de ce genre de source n'est plus à démontrer. C'est une des raisons qui nous ont poussé à en faire un classement analytique détaillé; celui-ci a consisté à répertorier chaque correspondant (nom, prénom, ou initiale de celui-ci), à l'identifier (profession, qualité) autant que possible, à relever les dates extrêmes, les lieux de provenance et la quantité de lettres conservées par correspondant. Ce traitement a été appliqué à chacune des lettres, qu'il s'agisse d'une lettre disséminée parmi les quelque cinq mille dossiers que contient le fonds, ou que ce soit une lettre conservée isolément. Travail certes considérable mais que justifiaient l'ampleur et la qualité de cette correspondance et aussi sa disparité. La partie la plus délicate de l'opération a consisté à établir des critères de classification. Tout d'abord, les lettres accompagnant une affaire-très souvent, il s'agit de procès-ont été laissées dans leurs dossiers respectifs. Si ce choix a pour lui la force de la logique archivistique, il ne devrait pas dissimuler le fait que ce type de lettre ne traite pas nécessairement uniquement de l'affaire à laquelle elle se rapporte essentiellement : un telle lettre peut, en effet, évoquer d'autres affaires, voire aborder, selon la qualité du correspondant, de tout autres sujets, familiaux par exemple. C'est là une autre raison de l'adoption d'un traitement aussi détaillé.
Les autres lettres ont donc été rassemblées et répertoriées séparément. Mais selon quel critère fallait-il les classer? Les ranger dans un chapitre distinct et les présenter dans l'ordre alphabétique? La formule a ses avantages, dont celui de la clarté et de la facilité de consultation. Finalement, le respect du principe de destination et celui des grandes subdivisions intellectuelles de l'inventaire nous ont paru de pas devoir souffrir d'exception dans le traitement de ce type de source.
Concrètement, le rangement de cette correspondance s'est déroulé comme suit : dans un premier temps, les lettres ont été réunies par correspondants, ensuite réparties par destinataires et, enfin, classées en fonction de leur teneur, soit dans la partie " documents relatifs aux personnes ", soit dans la partie " papiers d'office ", soit dans la partie " documents relatifs aux biens ". C'est ainsi que les lettres d'ordre familial, par exemple celles d'Arnold de Ville à son père Winand, figurent dans la première partie, celles que ce même Arnold de Ville a adressées, pendant qu'il était occupé à la construction de la machine de Marly à l'entrepreneur Siane Dupont, se trouvent dans la seconde partie, et celles qu'il a envoyées au régisseur de ses fermes de l'Entre-Sambre-et-Meuse dans la cinquième partie, à la rubrique " Biesmerée ", localité où se situaient les fermes en question.
Précisons encore à propos de ces régisseurs locaux que nous avons rangés la correspondance qu'eux-mêmes ont expédiée sous la rubrique de la localité où ils exploitaient leur cense : bien que dérogeant ainsi au principe de destination, cette méthode avait l'avantage de regrouper sous la même rubrique l'ensemble d'une correspondance qui traitait des mêmes propriétés.
Grâce à l'index des noms de personnes et de lieux, il sera aisé de localiser les différentes lettres d'un même correspondant, ou d'un même destinataire, voire même les divers lieux d'expédition.
Les archives, souvent appelés seigneuriales, -c'est à dessein que nous employons cette expression vague-nous semblaient devoir appeler un traitement différent selon leur nature.
Ainsi les registres de redevances dues au seigneur (cens et rentes) d'une localité donnée sont incontestablement de nature privée et doivent rester dans le fonds de famille concerné ou éventuellement y être réintégrées.
D'autre part, les documents -originaux- de collations d'offices seigneuriaux auraient pu être versés dans le fonds de l'échevinage visé. Nous avons préféré les placer avec les papiers relatifs au receveur général des biens en faveur duquel son employeur a procédé à cette nomination.
Par contre, à moins qu'il ne s'agisse des registres d'une cour de tenants-ces espèces de cours privées où le seigneur exerce lui-même la justice en tant que maire-tout ce qui est archives échevinales, telles registres aux œuvres, aux plaids, et même registres aux droits de justice, devraient reprendre place dans le fonds des échevinages. En effet, il ne s'agit pas d'archives émanant directement du seigneur, donc privées mais des archives de la cour de justice dont il ne fait que nommer les membres et qui rendent la justice seuls, c'est-à-dire sans son concours et seulement en son nom. Dans ce cas-ci, toutefois, comme des documents de cet ordre avaient déjà été incorporés avec d'autres de nature tout à fait différente, dans les recueils factices constitués au XIXe siècle, il nous a semblé préférable de les maintenir dans le fonds. Nous avons adopté la même solution pour les documents relatifs à la justice criminelle-essentiellement des dossiers de procès-puisque celle-ci, au pays de Liège, est directement de la compétence du seigneur hautain (128).
Par ailleurs, mentionnons une distinction qu'il nous a paru légitime d'introduire. De l'activité d'entrepreneurs industriels que furent les de Ville, et certaines familles qui leur sont alliées, comme les Overbrouck, le fonds de Modave garde de nombreux documents. Ce ne sont ni des papiers personnels, ni des papiers d'office. On aurait pu les ranger en tête de la rubrique " Biens " (129). Dans le but de bien en souligner le caractère particulier-il s'agit en fait d'archives d'entreprises-il nous a semblé préférable de regrouper tous ces documents en un chapitre distinct et que nous avons intitulé " Papiers d'entreprises industrielles ". Au sein de ce chapitre, nous avons adopté une présentation par familles, soulignant ainsi le caractère familial que conservait ce genre d'entreprises.
En qui concerne les documents que l'on qualifie habituellement de " papiers d'office ", nous y avons rangé sans hésitation certains comme ceux relatifs aux fonctions officielles de bourgmestre ou de rentier que les de Ville ont exercées à Huy, un registre de la sentencerie de l'Officialité de Liège dont Herman de Lerneux fut un des titulaires. Les quelques papiers subsistants relatifs à la machine de Marly y avaient également leur place comme étant le produit d'une activité dont le point de départ avait été une commission officielle, celle du roi Louis XIV. Toutefois, en raison de la connexité entre cette mission et l'activité de métallurgiste des de Ville, certains documents rangés dans la partie " Papiers d'entreprises industrielles " ou certaines lettres d'ordre familial contiennent également des éléments d'information sur cette entreprise demeurée célèbre.
La même remarque vaut, du moins en ce qui concerne leur place dans l'inventaire et la correspondance, pour les papiers d'un des receveurs généraux des de Ville, Grégoire Tavernier : en 1689-1692, il fut chargé pour la France d'une mission de collecte des contributions militaires en Hesbaye et Condroz.
Deux autres types de séries de documents nous ont semblé finalement devoir rester conservés dans le fonds de Modave : il s'agit des minutes notariales d'un des receveurs généraux des de Ville, Nicolas Massillon, pour les années 1729-1734 et des documents relatifs à l'administration de la commune de Modave dont G.-A. Lamarche fut bourgmestre au milieu du XIXe siècle.
Ces quelques remarques méthodologiques ayant été apportées, précisons que l'inventaire se présente selon un schéma devenu classique depuis qu'il a été inauguré et pratiqué avec brio par Ernestine Lejour et Andrée Van Nieuwenhuysen (130).
Les documents sur parchemin-mais la plupart ont perdu leurs sceaux-ont été regroupés en tête de l'inventaire et du fonds. Ils représentent 126 chartes conservées dans cinq boîtes à chartes. Ces chartes ont fait l'objet d'une numérotation indépendante selon l'ordre chronologique. Dans l'inventaire proprement dit, elles figurent à leur place logique et elles sont indiquées par une cote intellectuelle (cote en blanc). L'annexe I en reprend la liste, en mentionnant leur date et leur auteur.
Les trois premières parties de l'inventaire sont les suivantes : papiers personnels, papiers d'entreprises industrielles, papiers d'office. Chacune de ces parties est divisée en autant de chapitres qu'il y a de familles-importantes-représentées. Tous ces documents présentent peu ou prou la caractéristique d'être des documents relatifs aux personnes.
La quatrième partie, elle, contient les documents relatifs aux biens en général.
Ce sont d'abord les documents relatifs à la gestion générale de ces biens : documents de comptabilité générale (chapitre I), titres généraux de propriété (chapitre VI).
Ce sont ensuite les documents relatifs à la gestion d'un complexe seigneurial et domanial, soit les seigneuries et domaines de Modave, de Marchin, de Biesmerée et de Vyle. Le schéma qui a été suivi pour ces trois chapitres est inspiré du plan de classement établi par Herman Coppens (131).
Pour ce qui est du premier domaine, soit de Modave, le chapitre III de cette IVe partie contient tous les documents qui sont exclusivement relatifs à cette seigneurie et à ce domaine. Toutefois, le chercheur veillera à compléter cette documentation par celle où il peut également être question de cette localité, comme dans le chapitre consacré aux papiers personnels (chapitre I de la Ière partie) ou à ceux contenant la comptabilité générale et la gestion générale des biens (chapitres I et VI de la IVe partie).
Les recueils factices, cotés de II à VI, dont il a été question supra ont été classés en tête de ce chapitre consacré à Modave car ils concernent quasiment en totalité la seigneurie et le domaine. Le recueil, coté I et qui contient des chartes, a été placé dans le chartrier.
Dans ce même chapitre, nous avons placé, pour des raisons d'unité, l'ensemble de la correspondance de Grégoire-Joseph Defasque. Cet ecclésiastique fut chapelain en divers endroits et surtout au château de la Belle-Maison, chez Guillaume Van Buel, à Marchin, dont celui-ci était seigneur. Il entretint une correspondance abondante avec son maître. Passé au service de la veuve d'Arnold de Ville, il résida longtemps au château de Modave où il conservait manifestement toute sa correspondance.
Le chapitre VII de cette quatrième partie contient, dans l'ordre alphabétique des localités antérieures à la fusion des communes de 1976, les documents essentiellement relatifs aux biens-fonds, notamment des vignobles. Cette notion de biens-fonds englobe également des établissements industriels, comme des forges ou des moulins. Toutefois, le chercheur y découvrira aussi des documents relatifs à la gestion de ces biens, de même que des documents d'administration de seigneuries chaque fois que le peu d'importance de ceux-ci n'exigeait pas de faire l'objet d'un chapitre distinct.
La cinquième et dernière partie, enfin, rassemble des documents de nature diverse : manuscrits divers, documents officiels, livres, brochures et imprimés divers, journaux, documents sans rapport apparent avec le fonds.
Un index des noms de personnes et de lieux complète l'inventaire.

Recommandations pour l'utilisation

D'abord fonds de famille, le fonds d'archives du château de Modave permet en premier lieu d'illustrer de manière exemplaire l'évolution sociale d'une lignée, comme celle des de Ville : à l'origine maîtres de forge hutois, puis gros propriétaires fonciers et détenteurs de rentes à Huy même, en Hesbaye-Condroz, ils ne tardent pas à se faire anoblir, à acquérir des seigneuries, à devenir les châtelains de Modave et à s'allier, enfin, avec la plus haute noblesse française.
Parmi les détenteurs successifs de Modave, cette famille de Ville occupe d'ailleurs une place importante. Plusieurs dossiers de conflits surgis à l'occasion du règlement de successions, chez eux comme chez leurs alliés, les Lerneux, fourniront matière à études sur l'histoire du droit privé, en particulier pour tout ce qui touche au droit successoral. Dans le même ordre d'idées, la longueur, la complexité des procédures sous l'Ancien Régime, la compétence et le fonctionnement des instances judiciaires, depuis l'instance locale jusqu'aux tribunaux impériaux, en passant les juridictions typiquement liégeoises, telle celle des XXII, pourront être analysés au travers de la longue bataille judiciaire que mena Arnold de Ville pour arriver finalement à être mis en possession du domaine de Modave.
Ses mémorandums d'ordre politique et administratif révéleront un autre aspect de sa personnalité tandis que les quelques papiers qu'il a laissés à propos de la fameuse entreprise de la machine de Marly apporteront quelques informations nouvelles. En outre, la riche correspondance (132) qu'il a laissée fait découvrir aussi bien le courtisan de Versailles que le fin juriste et habile procédurier qu'il était, comme le gentleman farmer suivant de près la gestion de ses fermes de Hesbaye, du Condroz et de l'Entre-Sambre-et-Meuse mais aussi l'homme à la santé délicate à l'affût du moindre remède.
Sa veuve, Anne-Barbe de Courcelle, retirée après son décès en 1722, en Seine-et-Marne, chez son beau-fils, le duc Anne-Léon de Montmorency, en son château de La Brosse, près de La Ferté-sous-Jouarre, a entretenu une correspondance importante et pleine d'intérêt pour l'étude de la vie familiale et de la vie quotidienne dans la seconde moitié du XVIIIe siècle.
De ces Montmorency précisément, les documents, et surtout, à nouveau, la correspondance, permettent de suivre le destin chaotique au moment de la Révolution et le rôle joué lors de cette période troublée par l'épouse de leur receveur général, Catherine Namur, veuve de Denis Lhonneux.
Autant le destin des de Ville est exemplatif de l'évolution sociale d'une famille d'Ancien Régime, autant celui du château de Modave l'est des mutations de l'époque contemporaine.
Comment un membre important, riche et puissant, de la nouvelle bourgeoisie industrielle liégeoise est devenu à son tour le châtelain de Modave, s'y est implanté, sur le marché immobilier et dans la politique locale, les archives du château permettent de l'évoquer. Elles ne permettent pas, malheureusement, d'étudier dans quel contexte la Compagnie intercommunale bruxelloise des Eaux a fait l'acquisition du domaine de Modave pour le transformer en la précieuse réserve d'alimentation en eau que l'on connaît.
De son passé industriel et de ses alliances avec d'autres entrepreneurs industriels, comme les Curtius, la famille de Ville a laissé de nombreux témoignages. Ce n'est pas la moindre originalité, ni le moindre intérêt de ce fonds que nous livrer des archives industrielles évoquant toute l'activité de sidérurgistes mosans dès le XVIe siècle et durant tout le XVIIe. Production de fer, de plomb, extraction de houille, utilisation de bois et de charbon de bois, exploitation de forges, de fourneaux, comptes de la production métallurgique, transactions commerciales sont richement documentés. Même l'activité de munitionnaire de la famille Curtius est représentée.
Un autre apport, original et considérable de ce fonds de Modave, est à trouver du côté de l'histoire rurale. Pourvus dès le début du XVIIe siècle de censes importantes dans le Condroz et en Hesbaye, puis en possession des censes dépendant du château de Modave, les de Ville sont devenus de gros propriétaires fonciers. La gestion de ces domaines-censes, moulins ruraux ou urbains-, loués souvent en métayage, a donné lieu à de précieuses séries de comptes, de récoltes de céréales et de fourrages notamment, qui feront la joie des chercheurs en histoire rurale. La correspondance échangée avec leurs receveurs généraux et avec leurs receveurs locaux, la comptabilité que ceux-ci ont établie permettront d'appréhender le mode de gestion de cet important patrimoine.

Bibliographie

La présente bibliographie ne se veut en rien exhaustive mais vise simplement à renseigner quelques ouvrages indispensables à une bonne exploitation des archives du château de Modave. Les travaux utilisés de manière ponctuelle pour la rédaction de l'introduction de cet inventaire ou l'élaboration de celui-ci sont indiqués à leur emplacement.

Sur Huy et sa région

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DOUCET (Jean-Marie) (sous la direction de), Huy. La cité vigneronne, coll. " Histoire d'une ville ", Crédit communal, Bruxelles, 1992, 79 p.
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RORIVE (Jean-Pierre), Les misères de la guerre sous le Roi-Soleil, Liège, Les Éditions de l'Université de Liège, 2000, 455 p.
TELLIER (Edmond), " Huy sous le soleil ", dans Annales du Cercle hutois des sciences et beaux-arts, t. XLVIII, 1994, pp. 103-137.
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Sur les industries dans la vallée du Hoyoux

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DISCRY (Fernand), L'ancien bassin sidérurgique du Hoyoux (du XVe au XVIIIe siècle), Heule, U.G.A., 1970, 448 p.
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HANSOTTE (Georges), " La métallurgie wallonne au XVIe siècle et dans la première moitié du XVIIe siècle ", dans Bulletin de l'Institut archéologique liégeois, t. LXXXIV, 1972, pp. 21-42.
HANSOTTE (Georges), " L'implantation géographique de l'industrie métallurgique des Pays-Bas et du pays de Liège ", et son évolution aux temps modernes, dans Implantations industrielles, mutations des sociétés et du paysage, Bruxelles, 1986, pp. 139-149.
HANSOTTE (Georges), " Des forges au bord du Hoyoux ", dans Huy. Hommes de fer et de fonte, collection " Histoire d'une ville ", Huy, 1994, pp. 15-26.
RAMELOT (R.), " L'industrie du papier sur le Hoyoux inférieur. Du grand moulin à papier à Intermills ", dans Annales du Cercle hutois des sciences et beaux-arts, t. XXXVI, 107e année, 1982, pp. 143-199.

Sur le château de Modave

CALLUT (Michèle), GOUDERS (Agnès), " Modave. Le château des comtes de Marchin ", dans Le patrimoine majeur de Wallonie, Liège, 1995, pp. 312-317.
CLAVIER (Michel), Château des Comtes de Marchin. Modave, Modave, 1994, 32 pièces
DISCRY (Fernand), " L'incendie de Huy et le siège du château de Modave en 1689 (en marge de l'histoire savante) ", dans La Vie wallonne, t. XLIV, 1970, pp. 393-408.
DUMONT (Bruno), " Aménagement, décor et ameublement du château de Modave à la mort de son bâtisseur (1673) ", dans Annales du Cercle hutois des sciences et beaux-arts, t. LII, 123e année, 1998, pp. 37-84.
LEMEUNIER (Albert), " Modave ", dans Le Grand livre des Châteaux de Belgique, t. 2, Châteaux de plaisance, manoirs, demeures classiques et résidences d'été, Bruxelles, 1977, pp. 190-192.
LOCK (Léon), " The Concept of the "Villa" in the Low Countries : A Reconsideration ", dans Nederlands Kunsthistorisch Jaarboek, t. 51 " Wooncultuur in de Nederlanden ca. 1400-1800 ", à paraître.
Notice dans le Patrimoine monumental de la Belgique. Wallonie. Volume 16/2. Province de Liège. Arrondissement de Huy, Liège, 1992, pp. 625-632.

Sur Modave, les propriétaires du château sous l'Ancien Régime et la Principauté de Liège

BALAU (Sylvain, abbé), Histoire de la seigneurie de Modave avec biographies de ses principaux seigneurs, le comte Jean-Gaspard de Marchin, le cardinal de Fürstenberg, le baron Arnold de Ville, le duc de Montmorency, et nombreux extraits de leurs papiers et correspondance, (ouvrage couronné par la Société d'art et d'histoire du diocèse de Liège), Liège, 1895, 360 p.
HARSIN (Paul), Les relations extérieures de la principauté de Liège sous Jean-Louis d'Elderen et Joseph-Clément de Bavière (1688-1718), (Bibliothèque de la Faculté de Philosophie et Lettres de l'Université de Liège, fasc. 38), Liège, 1927, 253 pièces
HENRARD (P.), " Marchin (Jean-Ferdinand, comte De) ", dans Biographie nationale, t. 13 MA-MASSENUS, Bruxelles, 1894-1895, col. 454-457.
HENRARD (P.), " Marchin (Jean-Gaspard-Ferdinand De) ", dans Biographie nationale, t. 13 MA-MASSENUS, Bruxelles, 1894-1895, col. 457-470.
HENROTAY (J.-A.), " Notice sur Modave ", dans Bulletin de l'Institut archéologique liégeois, t. V, 1862, pp. 37-49.
LONCHAY (Henri), La Principauté de Liège, la France et les Pays-Bas au XVIIe et au XVIIIe siècle. Étude historique diplomatique, (Mémoires couronnés de l'Académie royale de Belgique, t. XLIV, n°9), Bruxelles, 1891, 190 p.
TELLIER (Edmond), " Arnold de Ville ", dans Huy-Le livre du millénaire, Huy, 1986, pp. 67-72.
TELLIER (Edmond), " Lettres d'Anne-Barbe de Courcelles, baronne de Ville (1728-1744) ", dans Annales du Cercle hutois des Sciences et des Beaux-Arts, t. XLV, 1991, pp. 141-194.
YANS (Maurice), " Arnold de Ville ", dans Biographie nationale de Belgique, t. 26, 1936-1938, pp. 751-752.

Sur la famille Lamarche-Braconier

CAULIER-MATHY (Nicole), " Frédéric Braconier (1826-1912) ", dans Revue belge d'histoire contemporaine, t. XI, 1980, 1-2, pp. 3-84.
CAULIER-MATHY (Nicole), Le monde des parlementaires liégeois 1831-1893. Essai de socio-biographies, (Histoire quantitative et développement de la Belgique aux XIXe et XXe siècles. 1ère série (XIXe siècle. L'argent et le pouvoir, t. VII, vol. 1), Bruxelles, Académie royale de Belgique), 1996, 806 p.
DOUXCHAMPS (Hervé), La famille Lamarche. Des Xhendremael-Coninxheim à l'industrie liégeoise, avec la collaboration d'Alfred Lamarche, Bruxelles, 1974, Office généalogique et héraldique de Belgique, 248 p.
PURAYE (Jean), " Gilles-Antoine Lamarche, 1785-1865. Notes pour servir à l'histoire industrielle du pays de Liège ", dans le Bulletin de l'Institut archéologique liégeois, t. LXXXV, 1962, pp. 101-151.

Sur les " machines " de Modave et de Marly

DISCRY (Fernand), " De Modave à Marly avec les Hutois ", dans Leodium, t. XLVIII, 1961, pp. 31-40.
DISCRY (Fernand), " Jean Sianne Dupont ", dans Biographie nationale, Bruxelles, t. 33, fasc. 2, col. 650-663.
PONCELET (Edouard), " Lettres inédites et mémoires du baron de Ville touchant la machine de Marly ", dans Bulletin de la Commission royale d'histoire, t. XCIII, Bruxelles, 1934, pp. 239-310.
QUATREBARBES (Évelyne de), " La famille Sualem de Jemeppe-sur-Meuse à Bougival ", dans La Vie wallonne, t. LIV, 1980, pp. 50-91.
RORIVE (Jean-Pierre), " La machine de Marly, entreprise liégeoise ", dans Revue de l'Histoire de Versailles et des Yvelines, (Académie de Versailles, Société des Sciences morales, des Lettres et des Arts de Seine-et-Oise), t. 72, 1988, pp. 69-79.
RORIVE (Jean-Pierre), " Le Hutois Arnold de Ville, entrepreneur de la Machine de Marly ", dans Annales du Cercle hutois des sciences et beaux-arts, t. XLI, 117e année, 1992, pp. 177-190.

Sur les familles alliées à la famille de Ville

HANQUET (Pierre), Les Haeck. Maîtres de forges franchimontois au XVIe siècle, (Familles verviétoises, I), Liège, 1958, 85 p.
PETIT DE THOZÉE, " Le Crésus liégeois Jean Curtius, seigneur d'Oupeye et sa famille (1200-1851) ", dans Bulletin de l'Institut archéologique liégeois, t. 40, 1910, p. 65-97.
YANS (Maurice), " Rentes et seigneurie. La dévolution de la terre de Presles-sur-Sambre ", dans Annuaire d'histoire liégeoise, n°36, (t. XII), pp. 1-90.

Contrôle de la description

Celui-ci et celui-là ont bénéficié pour leur réalisation de la collaboration d'Edmond Tellier, assistant honoraire des Archives de l'État à Huy, et de l'attention sympathique de Pierre Bauwens, assistant aux Archives de l'État à Huy, ainsi que de la latitude qu'ont bien voulu nous donner Ernest Persoons, Archiviste général du Royaume, et Paulette Pieyns-Rigo, Chef de Département Liège-Luxembourg, comme des conseils informatiquement avisés de Paul Bertholet et Pierre Conradt. Merci aussi à Paul Gadisseur qui a assuré le conditionnement matériel des documents.
Fruit d'un long travail d'inventoriage, cet inventaire semblera sans doute à d'aucuns trop analytique. Il l'est assurément mais c'est l'état de dispersion et de désordre total qui a imposé, par le rassemblement de pièces complètement isolées et disparates, une reconstitution patiente et minutieuse, très souvent feuillet par feuillet, de quasiment chaque dossier. Il nous a semblé qu'il eût été dommage de ne pas livrer au chercheur l'ensemble des données qu'il nous a fallu collecter pour transformer ce magma apparemment incohérent en un ensemble intelligible et foisonnant en informations historiques de toutes sortes.
Au total, entre Namur et Liège et en passant naturellement par Huy, entre Meuse, Hesbaye et Condroz, c'est à la fois le contexte politique et institutionnel, grands événements et vie quotidienne, milieu rural et urbain, activités agricole et industrielle qui trouveront un nouvel éclairage dans l'exploitation de cet impressionnant fonds d'archives castrales que les propriétaires successifs du château de Modave offrent aux chercheurs. Télécharger l'inventaire publié- Download de gepubliceerde inventaris

Annexes


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