Inventaire des archives de Pierre Clerdent, 1933-2006

Archive

Name: Pierre Clerdent

Period: 1933 - 2006

Inventoried scope: 27,5 linear meters

Archive repository: State archives in Liège

Heading : Families and Persons

Inventory

Authors: Dejaive, Philippe — Wilkin, Alexis

Year of publication: 2009

Code of the inventory: Y11

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Producteur d'archives

Nom

Pierre Clerdent.

Historique

Présentation

S'il est toujours un exercice difficile de rédiger la biographie de quelqu'un encore vivant parce qu'une vie doit être considérée comme un tout indissociable (1), il est tout aussi ardu de présenter celle d'un homme qui vient de décéder. Si le cycle est clos, il manque toutefois le recul nécessaire pour l'apprécier : Clio n'a pas encore eu le temps de faire son choix.
Dans cette présentation, certes sommaire, nous avons d'une part privilégié les années de guerre avec les activités de P. Clerdent dans la Résistance et d'autre part l'immédiat après-guerre, où il s'investissait au sein de l'Union démocratique belge. Les institutions de cette période sont souvent moins connues et moins tangibles que le poste de gouverneur de province. En outre, c'est l'implication de P. Clerdent dans la Résistance qui a servi de rampe de lancement à sa carrière politique ultérieure. Sa carrière doit beaucoup aux années 1940 et 1950. Il est d'ailleurs fort significatif que sur les dépliants confectionnés par P. Clerdent pour son élection au Sénat dans les années 1980, un tiers du texte soit relatif à ses mérites pendant la guerre (mais il n'est évidemment pas question de l'UDB). Son slogan Un grand résistant, un grand gouverneur, un grand Liégeois n'est pas moins évocateur. Pour la période postérieure à 1950, l'inventaire et les archives déposés serviront de fondement à une future biographie.
Pierre (Charles Jean Joseph) Clerdent est né à Liège, rue Pasteur dans le quartier d'Outremeuse, au sein d'une vieille famille catholique liégeoise. Il naquit le jeudi 29 avril 1909 de l'union de Frédéric (Pierre Marie Joseph) Clerdent et de Maria (Elvire Cornélie) Lemaire. Grand commerçant, son père qui était employé de pharmacie, créa la " Grande Pharmacie " place Maréchal Joffre aujourd'hui classée et toujours en état d'origine. Plusieurs facteurs contribuèrent à cette entreprise : F. Clerdent, commerçant dynamique, avait obtenu un bail d'un propriétaire du Grand Bazar (grand magasin de la Place Saint-Lambert) qui lui accorda sa confiance ; il rencontra un pharmacien qui accepta de s'associer à lui à concurrence de 50%.
Après l'école Saint-Jean, P. Clerdent fit la plus grande partie de ses études au collège Saint-Roch de Ferrières ; toutefois il passa sa rhétorique à Saint-Barthélemy de Liège où il eut l'occasion de rencontrer le chanoine Vieujean qui exercera toujours une profonde influence sur sa vie (2). Les deux hommes restèrent en relation jusqu'au décès du chanoine. Malgré lui et à cause de l'insistance paternelle, P. Clerdent fit un an de sciences pour se préparer à des études de pharmacien aux facultés Notre-Dame de la Paix à Namur puis obtint de son père de faire des études de droit à Liège. Il réussit toujours sa session d'examen en juillet avec une satisfaction, il avait toutefois promis à son père d'obtenir un grade pour la dernière année. Malgré le fait que le professeur Graulich ait préconisé que lui soit attribuée une grande distinction, il sortit en 1934 de l'Université de Liège avec le titre de docteur en droit et une distinction. Après un an passé à Paris afin de parfaire ses connaissances, il obtint un poste de collaborateur en l'étude du bâtonnier Tschoffen puis d'avocat près la Cour d'Appel de Liège, poste qu'il conservera jusque fin 1945.
Le 17 février 1940, il épousa à Liège Simone (Marie Elvire Juliette) Lambeaux née à Seilles le 5 novembre 1909, qui était la fille de Léonard (Joseph) Lambeaux et Marie (Aldegonde Élisabeth) Berx. Suite à l'évacuation de 1940, Madame Clerdent eut des problèmes de santé qui empêcheront le couple d'avoir des enfants.
Après les élections de 1939, sur les conseils de Paul Tschoffen (3), il entra au Ministère du Travail et de la Prévoyance sociale en tant que secrétaire particulier d'Antoine Delfosse, député catholique devenu ministre.

Rôle pendant la guerre


1. L'Armée de Libération

Au début de la guerre, Paul Tschoffen qui avait déjà été arrêté par les Allemands, se sentait en danger et rejoignit Londres en laissant son cabinet dans les mains du jeune Clerdent qui avait toute sa confiance.
Parmi toutes les régions de la Belgique occupée, la province de Liège était une de celles qui réunissaient des circonstances particulièrement propices à l'éclosion de la Résistance : un esprit de frondeur, un sentiment germanophobe développé à la suite des fusillades d'août 1914, la région pouvait compter sur de solides structures ouvrières et syndicales opposées au fascisme, ainsi que sur un sentiment wallon exacerbé.
La résistance liégeoise jouera un rôle stratégique de premier ordre : il lui fallait tenter de récupérer les très précieux aviateurs alliés (4) abattus et les ramener à Londres via la France et la péninsule ibérique ou les cacher dans les Ardennes ; elle s'occuperait aussi des prisonniers qui seraient éventuellement parvenus à s'évader d'Allemagne ; elle sabotait la production industrielle afin que celle-ci échappât aux Nazis (5).
Dès les premiers mois qui ont suivi la défaite belge va naître une forme de résistance qui se définit principalement par la recherche et la collation de renseignements ; qui présentera sa liste de collaborateurs, qui le passage des trains,.. L'information, de qualité variable, permettra aux Alliés d'opérer des recoupements.
Dès le début de l'occupation, l'avocat Clerdent s'occupera de résistance. Dès la fin 1940 en effet, il participe à la fondation de l'Armée de Libération à Liège aux côtés de l'ancien ministre des Communications Antoine Delfosse (6), de René Wéra, de Jules Malherbe et du leader syndical chrétien Joseph Fafchamps (7). On le voit, il s'agit d'un cercle de gens ayant les mêmes opinions politiques. Léon Servais (8) se joindra à ce petit groupe. Ils formeront le comité dirigeant du mouvement. Le nom même désigne immédiatement ses membres comme ennemis militaires de l'occupant qui espéraient en la libération. L'Allemagne nazie avait certes peu à redouter de cette poignée d'hommes résolus mais petit à petit les rangs de ce groupement se grossiront d'hommes valables.
Ce groupe de résistance armée recrute dans les reliquats de l'armée et de la police d'une part et dans les organisations de jeunesse ou syndicales catholiques de l'autre, ce qui a fait dire à d'aucuns que l'Armée de Libération était le parti démocrate-chrétien de Liège et des environs. Ses fondateurs voulurent donner à l'AL une structure et des bases saines : quelques-uns d'entre eux avaient la mission de chercher des hommes sûrs et sérieux à Liège comme dans l'agglomération liégeoise et enfin en Wallonie. Dans le plus grand secret, le petit comité directeur invitait alors l'élu à les rejoindre. Cette base saine servait de bouclier au mouvement.
L'Armée de Libération lutte contre l'UTMI (9) et édite clandestinement le périodique LaVérité. Celui-ci insiste sur les raisons de résister et d'espérer à l'heure où certains pensaient que l'Allemagne avait gagné la guerre et qu'il était dès lors vain de résister. Ce défaitisme était le résultat des victoires fulgurantes de la Wehrmacht en 1940. En outre, le mouvement tentait de glaner des informations variées, premier réflexe des Belges, et n'hésitait pas à se lancer dans des opérations de sabotage.
Le mouvement visait également l'action militaire. Il se dote vite d'une structure militaire confiée au colonel pensionné de gendarmerie Charles Bartholomé. Le territoire liégeois est alors divisé en deux secteurs coupés par la Meuse dont l'un sera sous le commandement du lieutenant de réserve Joseph Dawans et l'autre placé sous les ordres du major pensionné Marcel Lantin. Deux officiers de réserve, Armand de Hagen et Jules Poncelet, sont placés à Verviers.
L'Armée de Libération a son ancrage principal dans la province de Liège. Toutefois elle tend à gagner de là d'autres provinces wallonnes et reçoit même une certaine audience en Flandre lorsqu'en 1942 elle absorbe le BVL (Belgisch Vrijwilligerslegioen) qui recrute dans la même aile du monde catholique.
Le mouvement est organisé sur une base décentralisée pour éviter tout risque d'arrestation. À l'intérieur de l'AL, on retrouve plusieurs services : un responsable du sabotage, un autre s'occupant des cheminots, une ligne d'évasion, un service de renseignement, un service préparant au combat et à la discipline militaire, un service de recrutement,..
En février 1942, le mouvement envoie l'avocat Nicolas Monani à Londres prendre contact avec le gouvernement Pierlot. Il reviendra en Belgique à la Pentecôte (10) avec des instructions et des fonds. Il sera parachuté avec un bon du trésor de quatre millions de francs que le baron de Launoit accepta d'honorer : c'est le premier fonds important du mouvement qui en avait une criante nécessité. Toutefois en avril 1943, l'Armée de Libération donnera cinq cent mille francs à l'Armée Belge de Liège, un autre groupement de résistants qui était sans fonds. N. Monami sera arrêté quelques semaines plus tard après avoir mené une activité fructueuse au service de la Résistance.
De nombreux membres de l'Armée de Libération ont une activité parallèle au sein d'autres groupes (dont P. Clerdent que nous retrouverons dans la mission Samoyède), ce qui autorise des passerelles : il en va ainsi de Georges Meyst, membre de Tegal ; du vicaire E. Boufflette (11) dans l'aide aux Juifs et aux réfractaires ; de J. Fafchamps uni aux métallos chrétiens dans la lutte contre l'UTMI et le STO ; ou de N. Monami, membre du service Beaver-Baton.
Pressentant que les Nazis étaient sur ses traces, A. Delfosse, principal du mouvement, va gagner Londres où il deviendra ministre de la Justice et de l'Information dans le gouvernement Pierlot. Le 15 août 1942, J. Malherbe est arrêté à Gand. Le colonel Bartholomé se fait alors temporairement discret. Le mouvement se retrouvant amputé de plusieurs membres importants, P. Clerdent, alias " Max ", prend la tête de l'Armée de Libération et J. Dawans devient commandant militaire de la province.
Les contacts avec Londres se faisaient soit directement par contact physique (cf. Monami), soit indirectement par la radio. L'AL reçut des délégués de Londres dans le secret absolu ; la présence d'A. Delfosse dans la capitale anglaise a pu jouer un rôle bénéfique sur le mouvement qu'il avait dirigé. Des relations s'opéraient également via J. Boon ou W. Dewé (12) qui connaissaient le nom de leurs contacts. P. Clerdent connaissait bien W. Dewé avant la guerre puisqu'ils se rencontraient dans le tram place Saint-Lambert ; les deux hommes avaient noué des liens d'amitié et se rencontraient souvent chez M. Cherette, président de la chambre de la cour d'appel de Liège.
W. Dewé fut toujours d'un grand secours et de bons conseils pour P. Clerdent. Dewé voulut convaincre Madame de Radiguez de quitter sa maison car les Nazis portaient leurs soupçons sur elle. Suite au refus de cette dame, il retourna chez elle pour la persuader tandis que les Allemands perquisitionnaient. Or P. Clerdent avait rendez-vous avec lui le lendemain du jour où celui-ci fut abattu dans une rue d'Ixelles le 14 janvier 1944. Arrivant à Bruxelles alors qu'il ignorait le décès de W. Dewé, P. Clerdent avait remarqué une sentinelle devant la maison. Méfiant, il eut le réflexe salutaire d'entrer dans le café situé en face du lieu de rendez-vous pour téléphoner à son ami. Il rentra à Liège car on ne répondait pas.
Dès 1943, la province de Liège est divisée en trente secteurs de cinq compagnies d'environ cent vingt hommes, soit environ deux mille hommes (13). L'agglomération liégeoise est divisée en trois sections : la rive gauche (lieutenant Jean Schiltz), la rive droite (Marcel Van Loo dit King Kong) et la périphérie (Alexandre Mostaert). Une partie de l'aide logistique sera fournie par les religieuses françaises du Quai Mativa ; toutefois les armes feront cruellement défaut.
Autant, au début de la guerre, il convenait de multiplier les groupements clandestins afin d'éviter que les Allemands n'annihilassent toute résistance d'un seul coup de filet, autant vers 1943 il devenait nécessaire de préparer une action cohérente et concertée afin d'épauler les troupes libératrices. Or le gouvernement était embarrassé par le choix du mouvement sous l'égide duquel le regroupement devait s'effectuer : il ne fallait froisser personne ! L'Armée Secrète était sans conteste le plus militaire de ces groupements mais le choix du gouvernement ne se porta pas sur lui : il préféra le chef de ce mouvement pris personnellement pour ses qualités, mais pas sous sa " casquette " de chef d'un mouvement particulier. C'est donc au colonel Bastin (14) qu'il revenait de coordonner la résistance et de fédérer les mouvements en vue des combats qui s'annonçaient sur le territoire belge. La mission est consignée dans un document appelé " Cheval de Troie " dans lequel J. Bastin reçoit l'autorité déléguée du gouvernement.
Or il n'était pas aisé de persuader les différents chefs de groupement de se ranger sous l'autorité d'un de leur homologue. À l'initiative du général Mozin et de Paul Tschoffen, un premier contact a lieu entre P. Clerdent pour l'Armée de Libération et Ivan Gérard (15) pour l'Armée Belge mais il donne peu de résultats. Les pourparlers seront repris avec la caution morale et à l'instigation de Walthère Dewé (16) qui avait fait observer que P. Clerdent, chef de l'AL, s'inclinerait certainement dans l'intérêt du pays ; à Bruxelles le 20 avril 1943 ils aboutirent à un accord signé par P. Clerdent et le lieutenant-colonel Adam (17) qui représentait Jules Bastin (18). P. Clerdent s'inclina effectivement dès qu'il apprit la décision du gouvernement et la demande de ralliement derrière le nom de Bastin mais il avait préalablement tenu à préciser les raisons pour lesquelles ses amis se battaient et le cadre dans lequel ce combat devait s'inscrire. Adam lui certifia donc que l'Armée Belge (19) agirait dans le cadre constitutionnel, sans préoccupations politiques. L'Armée de Libération mit à la disposition de l'Armée Belge ses effectifs militaires et coordonna son action avec celle-ci : c'était un premier succès.
Adam signala alors à P. Clerdent que l'argent lui faisait défaut pour mener à bien sa mission ; celui-ci accepte de lui confier cinq cent mille francs en attendant les fonds de Londres. Un autre rendez-vous fut donc fixé à l'issue duquel Adam annonça pour le lundi suivant une rencontre à Liège avec un autre groupe de résistants sérieux : P. Clerdent émit les plus vives réserves car ce groupement lui était tout à fait inconnu ; il alla jusqu'à soupçonner un traquenard. Il avait vu juste : dès son arrivée, le piège se referma.
Un certain De Zitter (20) et l'Abwehr étaient parvenus à infiltrer le groupe Action ; se faisant passer pour un officier anglais, De Zitter persuada le colonel Siron et le commandant Van Nooten (de Action) d'organiser une réunion d'état-major à Liège en vue de la fusion des groupes AB, MNR et Action. Il s'agissait en effet d'une embuscade qui eut lieu au Thiers de Robermont le 26 avril 1943 : les participants furent capturés ou abattus par la Geheimfeldpolizei. Adam fut tué sur place et Siron mourut de ses blessures. Van Note (Action), Quinet (AB) et Boël (MNR) sont arrêtés ; la plupart décédèrent en déportation. De nombreux autres y échapperont toutefois car, faute d'effectifs, les Allemands ne capturèrent que les dirigeants (21). La réunion n'avait pu s'engager ; dans le cas contraire, les services allemands auraient appris qu'un certain Max de l'AL (soit P. Clerdent) avait déjà accepté le regroupement entre les mouvements de résistance. Par mesure de précaution, le contact fut alors rompu.
C'est alors que W. Dewé intervint une nouvelle fois car il fallait absolument coordonner la résistance armée. Le 21 octobre 1943, P. Clerdent (Armée de Libération) et Jean Del Marmol, émissaire de J. Bastin (Armée Belge) parviennent à un accord qui confirme la mise à disposition de l'Armée de Libération moyennant le maintien de ses formations et de sa hiérarchie propre. Mais l'arrestation de J. Bastin rend d'autres possibilités de ralliement autour de son nom impossibles : l'AL fut ainsi le seul groupement de résistance à avoir signé un tel accord. À la veille de la Libération, des tensions surgiront quant au sens de la mise aux ordres et à la représentation de l'AL dans le comité de coordination de la Résistance.
Suite à cet accord, des petits groupes de l'AL (par exemple à Fraiture) s'intègrent à l'AB sur le terrain. Il fut convenu que l'AL s'en prendrait aux Allemands au cas où ceux-ci s'accrocheraient à la Meuse liégeoise (22) et harcèleraient les colonnes de la Wehrmacht en retraite pour accentuer la débandade de celle-ci. Les actions menées dans le secteur 1 de la zone V, soit entre Liège et Aix-la-Chapelle, sont confiées à l'AL, sous les ordres de Dawans puis dès fin mars 1944 au major Demey (avec Dawans pour adjoint).
Parallèlement à cela, l'Union des Anciens combattants polonais de Rudolf Brendel se muait en POW avec une section liégeoise et une à Saint-Nicolas organisée autour de W. Halska et de S. Karpinsky. Il s'agissait d'un réseau d'évasion de prisonniers de guerre. Fin 1942, le POW se fond en un ensemble plus vaste, la POWN activée par les services du gouvernement polonais de Londres. La POWN de Liège entama des pourparlers avec le FI en vue de leur intégration mais ce fut l'échec : la POWN se tourna alors vers l'AL. À Herstal le 31 août 1944, ils firent s'évader, grâce au concours de l'abbé Zapata, 215 ouvriers de Poznań venus pour démonter les machines de la FN et les transporter dans le Reich.
Trois sous-secteurs regroupant 676 combattants sont dirigés par le commandant R. Dehaybbe, le lieutenant de Hagen et l'adjudant J. Gorissen. À cela s'ajoute le groupe mobile de 150 hommes de M. Bodard.
Le secteur 1 se révèle très actif dans le sabotage ; dès le mois de septembre 1944, un millier d'hommes harcèlent militairement les Allemands, et ce malgré un armement défaillant faute de parachutage. Le 5 septembre, neuf hommes sont capturés à Bellaire ; dix-neuf prisonniers de l'Armée de Libération surpris à Rabosée sont fusillés soit sur place soit à Sclessin. De nombreux autres engagements ont lieu en ce début septembre 1944.
Indépendamment de l'action du secteur 1 rattaché à l'Armée Secrète, l'Armée de Libération avait mis sur pied des unités sous les ordres du colonel Bartholomé devenu commandant de la province de Liège afin de prendre des mesures anti-destruction et d'assurer le maintien de l'ordre à Liège.
Au terme d'un accord passé le 6 septembre 1944 avec les milices patriotiques du FI, suite auquel celles-ci s'engagent à n'arborer que les couleurs belges, les opérations en ville sont réparties entre les deux groupements à raison de 2/3 de membres de l'Armée de Libération et 1/3 du Front de l'Indépendance. La veille, les hommes du secteur III de la section des cheminots de l'Armée de Libération avaient occupé les Guillemins et ainsi empêché la destruction des cabines électriques.
Le 7 septembre 1944, les édifices publics, les sièges des organes allemands et la Citadelle sont occupés. Liège, comme la plupart des villes belges, est libérée. L'AL avait préparé, grâce à diverses formes de résistance, le soulèvement général et permis la victoire. Ce groupe paramilitaire avait été reconnu par Londres avec l'AS, FI et MNB. Après la guerre, 7283 de ses membres furent reconnus Résistants armés (23). Il faut cependant remarquer que l'AL aligna environ 15000 hommes qui furent recrutés par cooptation dans une certaine élite intellectuelle et sociale ; à la Libération, beaucoup demandèrent à ne pas être reconnus. Aucune personne ne fut perdue par imprudence mais la mort d'environ 500 membres fut néanmoins à déplorer. P. Clerdent avait eu un rôle directeur et décisif dans ce mouvement.
Grâce à sa prudence, P. Clerdent n'eut jamais d'ennuis avec les Allemands : pourtant il manqua plusieurs fois d'être arrêté, comme en témoigne cette anecdote que nous tenons de lui :
Au début de la guerre, c'est-à-dire à une époque où le jeune mouvement s'organisait lentement, P. Clerdent décida d'aider ses amis en diffusant des journaux clandestins. Il s'agissait là d'une mission des plus périlleuses, puisqu'en cas d'arrestation celui qui prenait ce risque portait sur lui les preuves de sa culpabilité.
Il réunit donc une première fois une dizaine d'amis à dîner dans un restaurant faisant le coin entre le boulevard de la Sauvenière et le pont d'Avroy ; les amis se séparèrent en se donnant rendez-vous au même endroit deux semaines plus tard. Ce jour-là, P. Clerdent arriva le premier ; le garçon qui l'avait reconnu lui proposa de s'installer à la même table que la première fois en attendant les autres convives. Un pressentiment fit sortir P. Clerdent : il se plaça près de la porte du restaurant et demanda à ses amis au hasard de leur arrivée de l'attendre devant une friterie de la rue Saint-Gilles. Là il remit les journaux et rentra chez lui. Mais le lendemain, pendant le repas, Madame Clerdent ouvrit à la porte du domicile conjugal ; elle se trouva en présence de deux cerbères ; elle reconnut leur chauffeur dont elle avait appris qu'il était au service de la Gestapo. Elle monta avertir son mari ; P. Clerdent demanda qu'on cachât sa serviette qui contenait une plaquette d'aluminium qu'on lui avait remise au Palais le matin même : des membres de l'AL l'avaient prélevée sur un avion touché au-dessus de Londres qui s'était échoué près de Spa. En descendant, l'avocat constata que les deux hommes fouillaient tout avec empressement ; ils se précipitèrent sur lui et arrachèrent de son portefeuille une lettre du ministre Delfosse concernant une livraison d'armes (où le mot arme était remplacé par machine à laver). Tandis qu'ils en prenaient connaissance, P. Clerdent froissa un quelconque morceau de papier dans sa poche pour les distraire. Il remit alors discrètement la lettre suspecte dans son portefeuille. Ensuite les deux hommes fouillèrent la chambre à coucher à l'étage dans laquelle Madame Clerdent lisait Le Coupable ; ils ne trouvèrent rien si ce n'est un papier dans lequel elle avait emballé de la soie. Les deux hommes discutèrent dans le salon : un des deux l'estimait " coupable " tandis que l'autre, provenant des cantons belges annexés au Reich, faisait remarquer qu'ils n'avaient rien trouvé. Finalement ils partirent non sans le menacer.
Cette anecdote nous montre que les Allemands étaient plus " tolérants " au début de l'occupation parce qu'ils gagnaient alors la guerre. En tant que chef d'un mouvement de résistance, P. Clerdent fut souvent à deux doigts d'être pris. Ainsi lorsqu'il s'était rendu à Ciney pour coordonner les réseaux de la région, il avait quitté les lieux une fois sa mission terminée ; certains résistants locaux étaient restés imprudemment dans le café qui leur avait servi de lieu de rendez-vous ; ils furent arrêtés : les Allemands savaient qu'un chef de la résistance devait venir mais ils ignoraient son identité (24).
2.L'Institut National de Radiodiffusion (INR)

Avec la radio apparaît une puissante arme de propagande dont les Nazis comprendront toute l'utilité : ainsi J. Goebbels dirigea une véritable guerre psychologique. Voilà une caractéristique tranchant complètement avec les guerres précédentes.
En Belgique, les premières émissions auront lieu en 1913, depuis les jardins royaux de Laeken. Pendant la première guerre mondiale, l'armée belge se servira de la radio à des fins strictement militaires ; il faut donc attendre les années 1920 pour que le grand public ait accès à la radio (25), un moyen rapide et de grand impact sur un auditoire de profil varié.
L'Institut National de Radiodiffusion (INR) fut porté sur les fonts baptismaux par la loi du 18 juin 1930. À cette époque, le ministre des Affaires étrangères, P.H. Spaak était partisan d'une politique de neutralité, ce qu'approuva publiquement Léopold III lors du conseil des ministres du 14 octobre 1936. La stratégie belge visait à se mettre à l'écart d'un conflit ; la politique extérieure était donc indépendante tandis que la Belgique essayait de se créer une position militaire forte (26) face aux transformations techniques des guerres. Plus l'Allemagne nazie se faisait menaçante, plus la Belgique cherchait son salut dans une politique d'indépendance et de neutralité (27). La radio fut appelée à seconder cette politique pour ne fournir à Hitler aucun prétexte d'agression : elle est plus facile à contrôler que la presse écrite dont certains organes furent suspendus, telles les publications du Parti Communiste.
Pourtant l'INR n'avait pas le monopole radiophonique : il existait 16 stations locales (28) à côté de l'Institut qui devait céder un temps d'antenne aux organismes représentant les différents courants politiques et idéologiques du pays. En tant qu'institut national, l'INR est bilingue et dès 1936 coexistent deux directions générales : une francophone, avec le grand journaliste Théo Fleischman (29) et une néerlandophone, avec Jan Boon. Toutefois l'unité est réelle entre les services techniques, administratifs et musicaux.
La présidence de l'institution revint au ministre des PTT, ce qui témoigne du statut de service public de l'INR. Les liens entre l'Institut et l'État seront renforcés en 1939 par la création d'un ministère, celui de l'Information, qui sera confié à Arthur Wauters (30). Cependant, si le ministère transmet ses indications et ses conseils quant à la conception de l'information, le journal parlé échappe à la censure et l'INR s'autocensurera pendant ce qu'on a appelé " la drôle de guerre " et visera la neutralité. C'est le conseil de gestion qui dirige en fait l'INR.
P. Clerdent devint collaborateur et secrétaire particulier d'A. Delfosse lors de son passage au ministère des Communications : il lui confia le poste de délégué du ministre à l'INR. P. Clerdent fut alors président du Comité permanent, lequel avait reçu délégation du Conseil d'administration des pouvoirs spéciaux en cas de guerre.
À cette époque, il était impossible pour un journal parlé d'éviter d'évoquer les opérations militaires. Vu que la référence à l'agence Belga, neutre également, ne suffisait pas, l'INR se fonda sur les belligérants. Étant donné le caractère laconique des dépêches françaises (Havas) et britanniques (Reuter), on puisa dans les commentaires abondants et triomphalistes du haut commandement allemand ou de l'agence allemande DNB (Deutsches Nachrichten Büro). Cette exploitation eut un effet très négatif sur l'opinion, notamment dans la très francophile Wallonie, qui jugera le journal parlé partial et favorable à l'Allemagne. De nombreuses critiques se feront entendre lors de la défaite polonaise.
Le 5 janvier 1940, l'éphémère ministère de l'Information fut abrogé et la radio réintégra sa place au sein du ministère des Communications et des PTT occupé par A. Delfosse.
Le 13 janvier 1940, on rappela les permissionnaires car on croyait à l'imminence d'une attaque allemande. Puis s'ouvrira une période de tranquillité relative pour l'INR jusqu'au vendredi 10 mai, même s'il fallut adapter le programme à de nouvelles émissions comme la 1/2 heure du soldat. Une partie du personnel fut mobilisée : suite à un arrêté de 1939, le personnel de l'INR reçut un livret de mobilisation civile, c'est-à-dire qu'ils devaient appliquer la loi de 1935 sur les devoirs des fonctionnaires en temps de guerre. Le préavis fut donné à ceux qui ne furent pas jugés indispensables.
Suite à l'échec des tentatives visant à implanter de nouveaux émetteurs et à augmenter la puissance de ceux de Veltem, l'INR installa un studio de campagne dans la villa de la Drève des Tumuli à Boitsfort, dans la banlieue bruxelloise (31). C'est de cet endroit que l'INR/NIR émettra durant les premiers jours du conflit : on retransmit notamment la séance de la Chambre où le ministre des Affaires étrangères, P.H. Spaak, rendit compte de son entrevue avec l'ambassadeur d'Allemagne. Il avait en effet été prévu d'émettre à Bruxelles et en cas d'impossibilité, de se replier sur la côte où on aurait construit un émetteur à un endroit choisi par le ministère de la Défense.
Dès le 10 mai, le Comité permanent de l'INR se réunit d'urgence et décréta la mobilisation générale : il fallait se mettre en rapport avec les autorités militaires pour détruire un des émetteurs de Veltem et transporter l'autre hors de la zone de combat. D'autre part ce même jour, un conseil de cabinet demanda aux ministres des Affaires étrangères et des Communications de négocier avec le gouvernement français en vue de la mise à disposition de la Belgique d'un temps d'émission d'une antenne française au cas où le pays serait privé d'émetteur national.
Le 15 mai à l'aube, l'émetteur francophone de Veltem fut sabordé par Jan Boon et dès 9h00, l'INR diffusa à partir de Lille (32) sous la responsabilité de T. Fleischman alors que son homologue flamand Boon resta à Bruxelles jusqu'au dernier moment. Fleischman reçut des ordres du ministère des Communications : deux rédacteurs de Lille partiront pour Londres où ils organiseront d'urgence avec la BBC (33) des émissions belges pour diffuser l'information. Il est regrettable que ces opérations n'avaient pas été préparées plus tôt ; ce qu'on n'avait envisagé à cause de la référence presque obsessionnelle à 14-18, il fallait maintenant le préparer dans la tourmente de mai 40.
L'émetteur néerlandophone de Veltem fut démonté et arriva à Ostende le 12 mai. On installa dans cette ville balnéaire une station de fortune à l'Hôtel des Postes : l'émetteur d'Ostende transmettra alors sur les ondes de Lille, avec le concours du matériel de Radio Schaerbeek. Mais il fallut vite replier et le 24 mai, l'émetteur arriva à Poitiers sur douze camions.
Ces quelques considérations sont capitales car les installations techniques de la radio belge ne serviront jamais à l'occupant en raison du sabotage prémédité d'une part, et de l'évacuation volontaire de l'autre (34). La Belgique sera le seul pays occupé où la propagande radio sera assurée par des émetteurs mobiles de l'armée allemande. Il conviendra donc de créer des émetteurs qui entreront en service dès la libération : ce sera le but de la mission Samoyède dont P. Clerdent fut un des responsables ; nous nous proposons de revenir sur ce sujet ci-dessous.
Le ministre avait demandé à P. Clerdent de rejoindre la France pour le représenter. À Poitiers, il fut désigné chef de cabinet faisant fonction afin de remplacer A. Delfosse qui n'avait plus pu les rejoindre à cause de la manœuvre pivotante de l'armée allemande. P. Clerdent prit alors un chef de cabinet adjoint néerlandophone à la demande du comte Harold d'Aspremont-Lynden (35).
Mais bientôt, le 20 mai, la station de Lille fut réduite au silence ; la radio française établit un plan d'évacuation en y associant la Belgique à la demande de T. Fleischman ; la France proposa à l'INR de mettre la station de Montpellier à sa disposition. Les voix belges se font entendre par Paris. Mais la capitulation belge voulue par Léopold III le 28 mai fut très mal perçue en France où les Belges firent figure de traîtres. Le 14 juin, Paris était occupée et l'Allemagne prenait sa revanche à Rethondes.

3. La mission Samoyède

La Belgique fut placée sous administration militaire, contrairement aux Pays-Bas voisins où la disposition du pays occupé revenait à des technocrates soumis à l'influence du parti nazi et de la SS. Un Militärbefehlshaber in Belgien und Nordfrankreich est imposé dès le 31 mai 1940 ; il s'agit d'Alexander Von Falkenhausen (36) assisté d'un état-major militaire et d'une administration militaire dirigée par Reeder (37). Cette dernière traite les affaires culturelles qui nous préoccupent ici. L'administration militaire ne s'occupe en principe pas de politique ; l'administration locale est laissée autonome car les Allemands ne veulent pas assurer cette fonction directement et totalement comme en 1914.
Si la propagande dépend en Belgique de l'administration militaire, elle n'échappe pas pour autant à Goebbels, au Parti et à la SS. La Propaganda Abteilung Belgien dirigée par le major Gehrardus (puis par le capitaine Gunzer à partir de mars 1942) est assistée de Propaganda Staffeln siégeant auprès des Kommandanturen ; elle est organisée en huit bureaux dont le cinquième est la section radio.
La première préoccupation des occupants fut de redémarrer la radio alors que le matériel était détruit et le personnel dispersé. La Wehrmacht fut chargée des réparations et d'établir des émissions de radio grâce à son propre matériel. En fait, il fallut mettre en place des émetteurs mobiles : Bruxelles I émettait depuis le parc de Bruxelles et Bruxelles II depuis Genval. Le 17 juillet 1940, une station fut aménagée et émit cinq fois par jour dans les trois langues. Le 25, un second émetteur mobile fut placé à Gand et se chargea uniquement des émissions flamandes. Le 3 août, l'émetteur de Lille fut réparé et put être raccordé au programme de Bruxelles.
Le Comité permanent de l'INR s'était réuni une dernière fois à Bruxelles le 29 juillet 1940 sous l'égide de l'ancien ministre Delfosse. Celui-ci proposa aux Allemands qui contrôlaient Radio Bruxelles de reprendre son activité sous-direction belge, à l'exception de l'information. Vu l'absence de réponse à sa proposition, il abandonna et reprit ses fonctions d'avocat à Liège où il fera de la résistance avec P. Clerdent.
À la demande du ministre, P. Clerdent assista au Conseil d'administration ; il y fut discret mais décida que la somme d'argent revenant au président ou aux administrateurs serait versée aux fonctionnaires privés d'emplois puisque les Allemands avaient pris un décret interdisant toute activité aux fonctionnaires partis en France.
La gestion de la station sera alors contrôlée par l'administration militaire qui désigna dès le 31 juillet 1940 un commissaire gérant doté de très larges pouvoirs. En effet, celui-ci décidait de tout ce qui touche à l'Institut, à l'exception toutefois de son statut juridique. Les émissions, placées sous l'autorité de la Militärverwaltung et de la Propaganda Abteilung Belgien, dépendaient dans les faits du commissaire gérant assisté d'un chef des émissions parlées (le lieutenant Sapper pour les émissions francophones et Köppe pour les émissions néerlandophones), un chef de la technique et d'un chef des émissions musicales.
Les informations provenaient de l'agence DNB (Deutsches Nachrichten Büro) et de Belga-Press ainsi que de deux organes spécialisés dans les questions de radio : la DDD (" transmission sans fil ") installée à Berlin et le DES (Deutsches Europa Sender) à Bruxelles, service dirigé par Antoon Ver Hees (38).
Avec les moyens dont il dispose, l'occupant veut distraire le public afin de le rendre perméable à sa propagande. Lors de la campagne d'Angleterre, l'auditeur peut entendre des diatribes contre les Anglais qui seraient responsables du déclenchement de la guerre (39). L'Allemagne se présentait en victime qui avait dû ouvrir une guerre préventive afin de se défendre. Ensuite les Juifs, les Francs-maçons, les attaques aériennes alliées devinrent les cibles privilégiées. En 1941, Radio-Bruxelles soulignait l'intérêt de cultiver des pommes de terre ou évoquait la " solution salvatrice " du travail en Allemagne. Avec l'opération Barbarossa, la propagande fut bouleversée. En effet, la défaite et les reproches adressés au gouvernement de Londres ne mobilisaient plus ; cette fois, il s'agissait d'une croisade contre le bolchevisme, un adversaire idéologique d'autant plus abstrait que les terres d'Europe orientale étaient lointaines.
Les émissions belges libres avaient cessé d'émettre de France depuis la mi-juin 1940 suite à la défaite du pays ; elles reprirent à Londres dès le 28 septembre dans le cadre de Radio Belgique. Cette entreprise put être menée à bien grâce à Victor de Laveleye (40). Celui-ci voulait en effet créer une émission pour les Belges francophones (qui écoutaient alors les émissions françaises) ; le gouvernement fut loin d'être persuadé, du moins au début, de l'intérêt de telles émissions mais V. de Laveleye, diplomate habile et très anglophile, trouva en la personne de Cecil de Sausmary (41) un allié pour convaincre de l'utilité qu'aurait une radio belge sous contrôle de la BBC.
Radio Belgique, inaugurée le 28 septembre 1940, était dirigée par V. de Laveleye pour les émissions francophones et Jan Moetwil (42) pour Radio België. Cette nouvelle radio bénéficiait des services d'une agence de presse, INBEL (continuation de Belga) qui fournissait les renseignements sur les activités des Belges de l'intérieur et de l'extérieur. Un service R reproduisait et analysait les émissions diffusées sur Radio Bruxelles. Si les autorités allemandes en interdisaient l'écoute et brouillaient les émetteurs de la BBC, les sanctions pour les contrevenants ne devinrent claires qu'au cours de l'été 1940. C'est depuis Radio Belgique que V. de Laveleye (43) lança le 14 janvier 1941 le signe V de la Victoire.
Malgré les avantages qu'elle présentait et son nom, Radio Belgique n'était pas une réelle radio belge car elle n'était au fond qu'une section de la BBC sur laquelle les Anglais avaient un contrôle total. Après ses pérégrinations en France (44), le gouvernement Pierlot-Spaak se reconstitua à Londres où C. Gutt, ministre des Finances et O. De Vleesschauwer, ministre des colonies, les attendaient déjà. Le gouvernement devait expliquer sur les ondes, en toute indépendance, la politique belge, idéalement en dehors du cadre trop restreint de la BBC. Bien sûr, la présence anglaise offrait des avantages mais parallèlement il semblait indispensable de créer quelque chose où les Belges seraient libres de parler, sans toutefois contrecarrer les plans des Alliés (notamment insister sur le facteur économique, c'est-à-dire de l'effort de guerre spectaculaire de la Belgique via la colonie du Congo). Afin de contrer cette " censure ", il fut donc décidé de monter à Léopoldville au Congo un nouvel émetteur, qui fut acheté aux États-Unis en 1941 et monté en Afrique dès le début 1942.
La fondation de la Radio Nationale Belge (RNB/BNRO) fut annoncée officiellement dans le Moniteur du 13 octobre 1942. Ce nouvel organisme, créé pour une période indéterminée, avait son siège central à Londres pour coordonner plus facilement les politiques. Avant d'être prête à émettre, la RNB obtint une place dans la grille programme de la BBC dès le 9 février 1943 avec quinze minutes d'émission (alternativement en français et en néerlandais), temps qui fut doublé à partir du 29 mars (45). RNB fut inaugurée le 13 mai 1943 à Léopoldville par le ministre anglais Eden, H. Pierlot et Pierre Rycksmans (46). Quant aux émissions, certaines venaient de Londres ou de New York ; de là les titres Les Belges vous parlent de Londres, Les Belges vous parlent de New-York et Les Belges vous parlent du Congo. La station émettait huit heures quart par jour ; à partir du 31 octobre 1943 on ajouta quatre heures et demi vers l'étranger en langues diverses La Belgique parle à.., puis on monta à dix-huit heures d'émission par jour. La RNB rendit service à la BBC en retransmettant aussi des programmes de l'European Service.
La RNB avait été rendue possible par la volonté politique et l'aide de certains comme celle de Fleischman ; elle arriva tardivement mais elle eut une grande production et elle fut omniprésente.
Grâce à la mission Samoyède dont P. Clerdent fut une des figures emblématiques, les Belges apprendront de Belgique leur libération via des émetteurs placés au nez et à la barbe des Allemands.
Paul Lévy, reporter de l'INR, quitta Bruxelles pour la côte en mai 1940. Il fut chargé de la liaison avec le gouvernement dans l'équipe de radiodiffusion de l'Hôtel des Postes à Ostende dont nous avons déjà parlé ci-dessus puis devint agent de liaison francophone (47). P. Lévy y rencontra François Landrain (48) dont nous aurons l'occasion de reparler. Ensuite Lévy partit en France (49) aux côté de T. Fleischman. À l'arrivée des Allemands à Paris, l'équipe de Lévy se rendit à Toulouse. Puis il rentra en Belgique malgré le danger : son nom suffisait alors à le faire condamner.
En été 1940, P. Lévy constata que la réception de la BBC était très difficile en Belgique occupée. Aussi dès son retour en Belgique, le 7 juillet, il retrouva Boon et eut des entretiens avec F. Landrain qui se trouvait toujours à Poitiers. Le 18 septembre 1940, Lévy fut arrêté chez lui par la Gestapo et fut incarcéré à la prison de Saint-Gilles parce qu'il avait rédigé une lettre jugée injurieuse à Köppe dans laquelle il refusait de réintégrer la radio. Le 29 novembre, il arriva à la forteresse de Breendonk. Durant sa captivité, qui dura quatorze mois, il eut l'occasion de réfléchir au problème des communications radio.
P. Lévy fut libéré de Breendonk dans des circonstances incroyables : la diffusion de la rumeur de sa mort fut habilement et volontairement renforcée par William Ugeux (50) qui publia un avis nécrologique dans La libre Belgique le 15 juin 1941 puis par l'éloge funèbre que lui firent le 8 et le 9 octobre de Laveleye et Moedwil depuis Londres. Les Allemands ne résistèrent pas à la tentation de démontrer que " Radio Belgique mentait " ; il fut libéré à condition de ne rien révéler de sa détention. P. Lévy prit alors le maquis à Wezembeek-Oppem et garda le contact avec J. Boon qui l'informa de la disponibilité de matériel provenant de l'émetteur privé de Radio Courtrai à Vichte. P. Lévy prit alors contact avec A. Delfosse et P. Clerdent, ancien délégué permanent du premier. P. Lévy voulait organiser un service de renseignements de presse pour la radio belge de Londres et, d'autre part, organiser la reprise de la radio belge après la libération. Mais menacé, Lévy prépare son départ vers la Grande Bretagne dès le 21 avril 1942 grâce à la filière d'évasion zéro dirigée par W. Ugeux. Dans la nuit du 23 au 24 avril, il franchit la ligne de démarcation puis gagna les îles britanniques via Barcelone (4-15 mai), Lisbonne et Gibraltar où il s'embarqua pour l'Écosse. Il arriva à Londres le 15 juillet 1942 où il passa l'examen de la Patriotic School. Pour des raisons évidentes, les Anglais enquêtaient en effet sur les ressortissants de pays occupés qui arrivaient sur leur sol. Il dut d'abord se faire reconnaître, puisque tous le croyaient mort.
Si Lévy voulait organiser en Belgique même un réseau d'informateurs clandestins de radios et réaliser des émetteurs en Belgique (un par province) pour entrer en service dès la libération, la Sûreté de Londres n'était guère empressée de mettre en application cet ambitieux projet. En outre, il n'y avait pas de grande entente entre le très anglophile de Laveleye et Fleischman, plus indépendant. Pour le gouvernement, il fallait informer et préparer l'opinion au redressement et à la reconstruction, d'autant que les circuits locaux traditionnels d'information avaient disparu. Au point de vue militaire, ces stations donneraient des directives à la population locale, ce qui aurait été autrement impossible en raison de l'encombrement et de la nécessité de disposer d'un matériel spécialisé. Ensuite, il fallut persuader les Anglais qui ne voyaient pas d'intérêt à l'accomplissement de ce projet.
Alors que Lévy avait conçu et préparé cette mission, il en sera de plus en plus écarté. Il n'apprendra la réalisation de son projet qu'à son retour en Belgique en septembre 1944, ce qui explique qu'il ait nourri un certain sentiment de frustration.
Pour des raisons de camouflage, l'opération fut baptisée du nom d'une population mongole de langue finno-ougrienne, les Samoyèdes (51). Il est également vraisemblable que les traits physiques de l'organisateur de cette mission aient guidé le nom de code. Celle-ci fut confiée à François Veldekens (52), parachuté près de Bruxelles dans la nuit du 12 au 13 mars 1943 par la PoliticalWarfare Executive (53). Il fallait créer des émetteurs clandestins construits avec du matériel parcimonieusement parachuté de Londres, des pièces récupérées sur des radio-émetteurs des Belges qui n'avaient pas obéi aux injonctions allemandes ; ceci fut rendu possible grâce à de nombreux bricolages (54). Le réseau devait émettre dès la Libération.
Or Veldekens n'avait pas de connaissance en radiophonie (55) ; il commença alors par rencontrer Landrain et lui exposa la partie technique de la mission tout en ignorant qu'il avait affaire à son directeur technique (56). Celui-ci lui apprit qu'il s'avérait impossible d'établir une station unique couvrant toute la Belgique lors de la Libération, d'autant que celle-ci pourrait se faire par étapes. Il fallait une source électrique autonome pour pallier le risque de coupures de courant ou de destructions de centrales électriques, problème évident en temps de guerre. F. Veldekens pouvait en outre compter sur de nombreux électriciens, des dirigeants politiques, des techniciens de l'INR, des résistants tels que P. Clerdent,.. : cette mission compta environ 300 audacieux collaborateurs permanents ou occasionnels.
Pour l'heure, F. Veldekens devait préparer l'arrivée de Léon Bar qui fut parachuté dans la nuit du 16 au 17 avril 1943 (57) et assurer le logement de celui-ci ; prendre contact avec J. Boon ; rendre visite à Frans Mertens, son premier adjoint qui était destiné à lui succéder (58). Malgré son intention initiale, il rendit visite à ses proches (59) sans rien dévoiler de sa mission.
F. Veldekens quitta la Belgique et rentra en Grande Bretagne le 16 novembre 1943 via la Suisse. F. Mertens reprit le relais tandis que Jacques Veldekens (60) devenait son adjoint et que Landrain restait maître de la partie technique (61). Le 29 février 1944, F. Mertens souhaita rentrer chez lui pour récupérer des documents compromettants. Malgré un système de dépistage astucieux (62), il fut arrêté par la Sipo SD alors qu'on fouillait son domicile. F. Mertens avait téléphoné mais il décida de se présenter à son domicile pour s'assurer que la voie était libre ; il avait décidé de se présenter chez lui malgré le fait que le fils de la propriétaire, révolver sur la tempe, ait donné une réponse différente de celle convenue. Toutefois les Allemands n'imaginèrent jamais de tenir le chef de la mission Samoyède. Il mourut à Flossenbürg le 15 mars 1945.
J. Veldekens, alias Samoyède III, prit les rênes de la mission et prit pour adjoint Richard de Krieh. Il envoya ce dernier rallier le shaef à Fontainebleau afin d'établir la liaison entre Samoyède et les alliés qui venaient de libérer Paris.
Il avait été décidé d'établir huit stations de radiodiffusion : à Bruxelles, Houdeng-Aimeries, Tamines, Liège, Hasselt, Schoten, Gand, et Courtrai. Des installations sans fil annexe furent prévues à Bruxelles pour assurer la future liaison entre ces différents postes et leur donner les directives nécessaires. Ce fut un succès, sauf à Courtrai où Laindrain avait rallié le prêtre Gillon (63). Grâce à ce dernier et à Etienne Vergote, Courtrai fut le premier émetteur prêt à fonctionner mais un bombardement anglais détruisit tout le 21 juillet 1944. Le 1er septembre, un nouvel émetteur fut rendu opérationnel, mais il ne fonctionna pas pour des raisons qui restent obscures.
Les Allemands ne soupçonnèrent jamais la présence des émetteurs clandestins, pas plus qu'ils n'eurent vent de la mission. Seuls quelques éléments tombèrent entre leurs mains à Diest suite à une dénonciation locale. Toutefois à la fin de la guerre, les Allemands mirent la main sur une liste de membres de l'AS suite à une imprudence mais Von Falkenhausen n'osa pas en tirer les conséquences de peur qu'on apprenne qu'un tel groupement pouvait se mettre sur pied sous son administration à son insu. Les résistants affirmèrent en outre qu'il s'agissait d'une association dont le but était de maintenir l'ordre et non dirigée contre le régime.
La partie journalistique et culturelle fut préparée par une équipe d'anciens de l'INR à l'initiative de J. Boon qui avait refusé toute participation à une radio contrôlée par l'occupant.
Lorsque les Alliés pénétrèrent à Bruxelles le 4 septembre 1944, G. Kuhn qui avait annoncé les premières bombes le 10 mai 40 sur les ondes de l'INR, annonçait cette fois la libération grâce aux émetteurs clandestins.
Le rôle de P. Clerdent dans cette mission vint par addition : il avait gardé des contacts avec A. Delfosse qui connaissait ses qualités ; en outre ses anciennes activités au sein de l'INR le favorisaient mais ce fut surtout sa qualité de chef de l'al qui faisait de lui un candidat tout désigné.
De Londres, le ministre Delfosse se souvint donc du président du Comité permanent et fit désigner P. Clerdent président de la radio nationale en Belgique sous le nom de " P.C. " avec Jan Bonn et Julien Kuypers (64). Sa rencontre avec F. Landrain mérite d'être racontée : de retour de la côte, P. Clerdent devait s'entretenir avec un homme qui lirait Voilà au café de la Lanterne à Liège. En entrant dans ce café du Pont d'Avroy, " Max " remarqua un homme joufflu avec des lunettes qui lisait le journal en question ; il s'approcha de lui et entendit soudain dans son dos une voix se présentant de la Gestapo et l'invitant à lever les mains. Il se retourna en souriant et comprit qu'il s'agissait d'un client de la Lanterne qui faisait une blague à un ami par-dessus l'épaule de P. Clerdent. Les deux hommes sympathisèrent immédiatement et la réunion fut cordiale : chacun estimait l'autre pour son courage. On lui proposa de rejoindre la mission Samoyède mais le chef de l'AL déclina l'offre car il estimait ne pas pouvoir adhérer à un autre groupe. Il entretenait néanmoins de bons contacts avec les autres dirigeants de la résistance (Demany, Amiel,..).
L'al aida de son mieux les hommes de Samoyède, principalement pour les postes de Liège et de Tamines où les dirigeants de la mission étaient des hommes de l'AL. Même si ce groupe ne contrôla rien, il soutint de nombreuses interventions, notamment lors de la destruction de fiches signalant les propriétaires de radios ; des hommes de l'AL étaient mis à la disposition de F. Landrain. P. Clerdent eut toujours le plus grand respect pour les hommes de Samoyède en raison du caractère périlleux de leur mission.

4. La Libération

Dans la famille, seule Madame Clerdent était au courant des agissements de son mari dans la résistance. Les deux frères de P. Clerdent (un membre de l'AS et l'autre du FI) ignoraient les activités de Pierre.
À la Libération, l'AL accordait peu d'importance aux félicitations et aux récompenses : ce fut l'attitude initiale de nombreux groupes de résistance. Dès le retour du gouvernement belge au pays, les dirigeants de la Résistance furent invités à une réunion. Ceux-ci étaient tellement loin de l'idée de gratification qu'ils n'avaient pas réfléchi à la question. P. Clerdent retrouva deux collègues dans le Cabinet du Premier Ministre. Peu avant d'entrer, il fut rapidement décidé que la parole serait donnée à l'ancien chef de l'AL. Au Premier Ministre qui leur demandait leurs revendications, P. Clerdent émit le vœu de voir reconnaître comme combattants ses camarades morts ou blessés au combat. Quant à ceux qui avaient survécu, ils devaient être assimilés, avec les veuves et les orphelins à des combattants et bénéficier à ce titre des lois de compensation. Ce n'est qu'avec les années, l'évolution de la vie et la multiplication des intercessions en faveur des collaborateurs que les résistants exprimèrent d'autres revendications.
Après la guerre et uniquement après celle-ci fut créée de façon spontanée l'Union nationale de la Résistance. À la Libération, le gouvernement reconnut une dizaine de groupements dont les dirigeants prirent l'habitude de se réunir chaque jour, en raison de la situation du pays. À la fin de la guerre, on évoqua au FI la possibilité d'inviter la population à désigner les notables devant assurer les premiers pas de la vie nouvelle ; par contre l'AS tendait à un commandement militaire. Quant à P. Clerdent, il était opposé aux deux solutions et estimait que les anciennes autorités qui n'avaient pas été associées aux Allemands devaient reprendre provisoirement les rênes en attendant le retour à une situation normale. Or, tout mouvement, même non officiel, nécessite une certaine infrastructure : P. Clerdent fut désigné à l'unanimité président de ces réunions informelles. Mais avec le temps, l'Union s'effilochera pour disparaître.
À côté de cette Union, le gouvernement créa officiellement le Conseil national de la Résistance. De fortes solidarités liaient les résistants. Selon eux, l'âme de la Résistance avait été la défense de la patrie avant même les nuances politiques ; P. Clerdent qui avait toujours nourri de bons contacts avec ses collègues, fut une nouvelle fois plébiscité à l'unanimité à la tête du Conseil. Le FI voulait appeler le chef du Conseil premier secrétaire, assisté de deux secrétaires et proposait le nom de Clerdent tandis que les autres souhaitaient maintenir l'appellation traditionnelle de président. Devant cette divergence, P. Clerdent annonça qu'il refuserait le poste de premier secrétaire mais acceptait volontiers celui de président : l'affaire était entendue et il devint président de ce Conseil. Mais " Max " remit sa démission lorsqu'il devint gouverneur de la province de Luxembourg : Camille José (MNB) lui succédera alors. P. Clerdent deviendra et restera longtemps président du Monument national à la Résistance et de l'Enclos des Fusillés.

L'Union démocratique belge (UDB)

Pendant la guerre, des espoirs nouveaux étaient nés quant au devenir des institutions. Avec la fraternité qui s'était développée dans l'adversité, certains dont P. Clerdent pensaient pouvoir, une fois le conflit terminé, mettre de côté les rivalités parfois séculaires. Mais ils durent vite déchanter : il apparaîtra rapidement que la guerre n'avait été qu'une parenthèse et les structures antérieures furent restaurées. On retourna aux coalitions instables, aux luttes confessionnelles et communautaires. Toutefois, malgré l'échec de 1946, la tentative de fédérer des énergies allant en sens contraire est intéressante car elle n'était pas isolée en Europe (MRP en France) et a des conséquences ultérieures (front commun syndical, appel de Léo Collard (65) en 1969). Partisan de cette idée, P. Clerdent fut un membre fondateur de l'UDB.
Ce mouvement d'idées est issu de rencontres informelles entre personnalités de mondes politiques différents qui se tinrent à Liège, Bruxelles et Londres pendant l'Occupation. Le but était la recherche de formules institutionnelles nouvelles dans une Belgique redevenue libre : on voit donc que l'Occupation n'a pas engendré (malgré elle) que la Résistance. À Bruxelles, Marcel Grégoire (66) réunissait chez lui des socialistes (Henri Fuss (67), Léon Delsinne (68), voire A. Van Acker) et des chrétiens démocrates (Jacques Basyn (69) ou Henri Pauwels (70)).
À Liège, A. Renard qui œuvrait déjà pour un mouvement syndical, le futur MSU, avait des contacts avec J. Fafchamps (71). Sur le plan politique, des membres des trois partis traditionnels se réunissaient autour de Léon-Éli Troclet (72) : A. Buisseret (73) (libéral), L. Levaux (catholique), M. Philippart et C. Lohest (catholique social), Jules Merlot (74) et J. Leclerq (POB). Un groupe de démocrates-chrétiens gravita autour de ce noyau, sans toutefois y être attaché. Parmi ceux-ci, on retrouvera des gens dont nous avons déjà parlé : L. Servais, A. Delfosse, J. Fafchamps et P. Clerdent appartenant tous à la même aile de la famille chrétienne.
Les " Bruxellois " allèrent plus loin puisqu'ils jetèrent les bases d'une formation travailliste, par la rédaction par H. Fuss et Léon Delsinne en 1943 d'un Avant-projet de pacte d'union travailliste. Ce projet, à la base de la législation sociale progressiste de l'après 1945, sera le premier arsenal idéologique de la future UDB (75). Ces travaillistes voulaient renouveler la démocratie et assurer le bien-être des travailleurs en soustrayant l'activité économique au capitalisme ; ils proposèrent des salaires minima, des assurances sociales obligatoires, l'attribution au Roi du commandement militaire ou la remise en cause de l'existence du Sénat. M. Grégoire porta le document à Londres en avril 1944.
Mais à Londres aussi on discutait de la Belgique libre : dès 1941, une commission présidée par P. Van Zeeland avait été créée pour tenter de régler les problèmes d'avant-guerre. On y retrouvait des personnalités favorables à un regroupement des forces politiques à tendance sociale (A. Delfosse après avoir quitté la Belgique ; A. De Schrijver (76) et surtout P.-H. Spaak). Des socialistes orthodoxes (77) s'opposèrent toutefois au groupe de M. Grégoire. En fait l'idée travailliste regroupait de nombreux sympathisants mais ceux-ci voulaient la réunion sous l'égide de leur propre parti. P.-H. Spaak qui était convaincu par cette idée nouvelle rédigea une Déclaration de principe sur le futur régime de la Belgique. Il convient également de rappeler que, dans ce contexte, la Belgique où l'Occupation avait atténué les étiquettes était très différente de Londres où prédominaient les institutions et les clivages traditionnels.
Le 3 septembre 1944, le gouvernement Pierlot fut rétabli puis remanié mais, copie de celui de 1939, il ne comportait aucun défenseur de l'idée travailliste (78). Le gouvernement se maintint jusqu'en février 1945 mais des difficultés politiques (79) et des troubles sociaux (80) empêchèrent la reprise des négociations avec l'UDB.
Quelques jours après la Libération, mais avant le retour du gouvernement, des socialistes (A. Van Acker, L. Delsinne, V. Larock) et des démocrates chrétiens (M. Grégoire, J. Basyn, J. Fafchamps, L. Servais et P. Clerdent) se rencontrèrent à Bruxelles mais ne parvinrent à aucun accord sur la création d'un groupe politique commun à cause de la question sociale. Toutefois, les démocrates chrétiens ne désarmèrent pas ; ils espéreraient rallier d'autres socialistes (Spaak) plus ouverts que les dirigeants qui, sous la direction de M. Buset, voulaient rapidement reconstituer l'unité du parti.
Fin septembre 1944, on parlait dans les milieux chrétiens d'une éventuelle déconfessionnalisation du parti catholique (81). La Ligue des Travailleurs chrétiens envoya alors au cardinal Van Roey un manifeste en faveur d'une entente politique entre croyants et incroyants en vue de réformes sociales. Malines ne réagit pas mais un avis du directoire provisoire du parti catholique n'envisageait un regroupement que dans les grandes organisations chrétiennes. En outre, au sein du mouvement chrétien, les progressistes contestaient certaines personnalités, comme Segers. Cet échevin d'Anvers était soupçonné de collusion avec l'Occupant et cristallisa autour de son nom une opposition forte de la part des progressistes.
Le mouvement travailliste se constitua autour d'un quotidien, la Cité nouvelle, que H. Pauwels voulait relancer. Il y parvint grâce aux fonds de M. Grégoire et de J. Basyn ; le premier numéro put sortir le 19 septembre 1944. Vu qu'aucune formation traditionnelle ne pouvait reconstruire le pays, il fallait un grand rassemblement des partis à tendance sociale qui dépasseraient les clivages traditionnels afin d'obtenir cette stabilité des coalitions qui avaient tant fait défaut.
L'UDB voulait liquider les séquelles de la guerre et créer une commission paritaire afin de régler enfin la question scolaire. Elle était ouverte à tous mais recherchait principalement l'adhésion des catholiques. Les Chrétiens étaient invités à séparer le religieux du politique tout en restant attachés à leurs convictions spirituelles. Mais il convenait de prendre ses distances avec le vieux parti catholique dans lequel les anciens constituaient un frein tandis que la Ligue des Travailleurs chrétiens servait d'accélérateur (82).
L'UDB déploiera toute son énergie à convaincre les catholiques et à lutter contre la vieille droite du parti catholique considérée comme le premier ennemi. La Cité Nouvelle prend le sous-titre d' " organe de l'UDB " : il sera un des journaux les plus populaires d'après-guerre puis déclinera suite à la concurrence d'autres quotidiens qui se reconstituèrent avec la levée des restrictions de papier. Le journal était financé par un industriel bruxellois, M. Campion.
Président de la CSC, Pauwels va progressivement se distancer de l'UDB pour se consacrer à sa mission syndicale. C'en sera fini du lien UDB/LTC. Dès février 1945, un nouvel organe de presse, Forces Nouvelles, prendra des positions très dures dans le cadre de la Question royale.
Le directoire provisoire de l'UDB se constitua sous la présidence d'A. Delfosse ; Pierre Clerdent en assurera la vice-présidence avec M. Grégoire et F. Amiel (83). Dans le noyau dur de l'UDB, on retrouve Clerdent, Delfosse, Grégoire et Basyn. On remarquera qu'ils étaient tous des chrétiens démocrates actifs dans la résistance.
Pour l'organisation locale et régionale, le directoire encouragea des comités à se former dans les communes. La première réunion publique eut lieu à Bruxelles en novembre 1944. On y insista sur le fait que l'UDB n'était pas un parti (Delfosse) mais plutôt un mouvement d'idées forçant les vieux partis à se regrouper autour d'un programme précis avec des exigences sociales, économiques et nationales. De nombreux Belges étaient favorables à l'idée de faire abstraction des divisions passées et de constituer une union pour créer une majorité soutenant le progrès social.
Début 1945, le gouvernement Pierlot fut mis en difficultés par la crise de ravitaillement, le marché noir, les attaques allemandes de V1 et V2, la crise du charbon, le retrait des communistes en raison de la politique menée envers la résistance et la démission en bloc des socialistes. Arriva alors un gouvernement de gauche présidé par A. Van Acker qui se maintint jusqu'en 1946, malgré le départ des catholiques en juin 1945.
Face à l'affaire royale, les milieux wallons où l'UDB rencontrait un certain succès devinrent hostiles au roi. Nous avons vu que Forces Nouvelles prit une position sévère face à Léopold III, dépeint sous les traits d'un dictateur. Silencieuse au départ, le Cité Nouvelle fut prudente et modérée, en suggérant discrètement l'abdication. Lors de son premier congrès, l'UDB marqua néanmoins son attachement à la monarchie et à la dynastie. Malgré sa modération, le mouvement fut assimilé à la gauche car il préconisait l'abdication et il est vrai que de nombreux udébistes s'opposèrent publiquement au roi : ainsi A. Delfosse applaudit A. Van Acker lorsque ce dernier fit un discours au Parlement en juillet 1945 dans lequel il exposait les erreurs de Léopold III. Mais P. Clerdent devint ami du Roi après la guerre. Celui-ci avait beaucoup de sympathie pour le couple Clerdent et l'ancien chef de l'al appréciait que Léopold III ne lui eût jamais tenu rancune de ses sentiments. Il était convaincu de la bonne foi du Roi ; il considérait que son erreur était, selon lui, due à son entourage au sens large du terme.
C'est au milieu des clivages de mai-août 1945 que l'UDB plongea dans l'arène politique et compromit ses dernières chances d'entente avec certains leaders catholiques qui avaient refait leur unité autour de la personne du Roi. Plus qu'une concentration des forces démocratiques nouvelles, l'UDB sera contrainte de devenir un parti.
Le premier congrès national de l'UDB se tint à Bruxelles en juin 1945 alors que la question royale échauffait les esprits (84). On y évoqua des réformes constitutionnelles, économiques et sociales ainsi que de l'épuration des collaborateurs. Environ deux cents personnes se présentèrent au congrès. On estime à 45% la représentation bruxelloise (85) ; on compta de nombreux Liégeois alors que les Flamands et les Anversois étaient discrets. On y retrouvait les militants de la première heure comme Delfosse (président), Basyn, Grégoire et évidemment P. Clerdent ainsi que F. Van der Ghinst de Bruxelles et Vital Bosschaerts de Gand.
Le deuxième jour du congrès, on transforma l'UDB en un parti, sous la pression des militants. Delfosse constata l'absence d'une vraie rénovation politique car le parti libéral avait repris la forme qu'il avait en 1939 et les socialistes en étaient revenus au programme de Quaregnon de 1894. Seul le parti catholique ne s'était pas encore remis de la guerre : le PSC reprit bientôt les postulats de l'UDB mais le mouvement travailliste refusa d'y adhérer car des catholiques conservateurs risquaient de s'y introduire et y peser d'un poids jugé trop lourd. Presque tous les militants poussaient à la création d'un parti et à la campagne électorale ; le prudent Delfosse émettait, quant à lui, des réserves car il croyait encore à un accord entre démocrates-chrétiens et socialistes. Le congrès se clôtura sur un compromis : l'UDB se muait en parti politique et entrait dans la lutte électorale mais c'est le comité national qui jugera du moment opportun et en déterminera les formes. Dans un climat de grand enthousiasme, A. Delfosse dut s'incliner devant l'impatience des militants. Le parti politique fut organisé autour de trois sections (Wallonie, Flandre, Bruxelles) autonomes tandis que Delfosse insistait encore sur le rôle du comité national dans la lutte électorale. Finalement l'UDB se présentera seule devant l'électeur car les militants sentaient la victoire et les élections proches en raison de l'imminence de la chute du gouvernement Van Acker.
Après le Congrès, un Comité national provisoire fut élu :
Brabant : Basyn, Grégoire, Colens.
Hainaut : Baussart, Bodart, Decroyère.
Liège : Delfosse, Levaux, Fafchamps et P. Clerdent.
Namur : Lahaye, Hubert.
Les Flamands présents désigneront eux-mêmes leurs représentants.
Le 4 juillet 1945, le Comité désigna un bureau définitif sous la présidence d'A. Delfosse avec trois vice-présidents : P. Clerdent pour la Wallonie, V. Bosschaert pour la Flandre et F. Van der Ghinst à Bruxelles. Colens devint secrétaire et F. Grégoire trésorier. On remarque que l'UDB recrutait principalement dans l'élite de la bourgeoisie francophone et dans les professions libérales, alors que le milieu ouvrier et syndical était peu représenté malgré la présence de J. Fafchamps (86).
L'UDB entra dans le deuxième gouvernement Van Acker. Le retour du roi avait été écarté et Van Acker reconstruisit un gouvernement d'union nationale mais les catholiques refusèrent d'entrer dans un gouvernement hostile au roi. Van Acker voulut alors utiliser l'UDB comme formation catholique de substitution (87). Delfosse et Grégoire furent alors contactés par le premier ministre et par P.-H. Spaak qui proposèrent au nouveau parti les portefeuilles de l'agriculture, de la justice et de l'information.
Cette fois les divergences étaient plus sérieuses que pour la création d'un parti et l'UDB était prise de court. Il y avait des réticences. Van der Ghinst remarquait qu'entrer au gouvernement était se faire complice de la politique éventuellement négative de celui-ci. En outre, il avait peur que seuls les communistes ne retirassent les profits de leur participation. Quant à Bosschaert et à Colens, ils constatèrent qu'une entrée hypothéquerait le succès du parti en Flandre. Finalement Grégoire fit accepter les trois portefeuilles ministériels à condition que le dossier intégral du problème royal soit communiqué au parti, qu'une commission paritaire soit créée afin de résoudre la question scolaire et que les revendications de la résistance soient prises en compte.
Du 18 juillet au 2 août 1945, des concertations eurent lieu entre le formateur et P. Clerdent qui représentera seul le parti dans les négociations en lieu et place de la Commission. Les trois candidats UDB à des postes ministériels étaient Basyn (chef du cabinet Delfosse avant la guerre), Grégoire (leader FI) et de Voghel (directeur de la banque nationale) qui n'était pas membre du parti mais sympathisant.
Grégoire obtint la Justice et Basyn les Dommages de guerre tandis que la candidature de De Voghel aux Finances fut abandonnée. En fait, il s'agit de postes délicats puisqu'ils concernaient l'épuration des collaborateurs et les sinistrés. En octobre, le gouvernement installa la commission scolaire souhaitée dont les résultats furent sans lendemain.
Le second congrès du parti qui se tint à Bruxelles le 22 décembre 1945 regroupa environ 400 participants avec des membres du MRP et du Labour ; son but était de définir un programme et des méthodes d'action. Toutefois cette réunion n'apporta rien de neuf, si ce n'est quelques prises de position en diverses matières ; mais, de l'aveu même de L. Levaux qui devait présenter un rapport final, le texte n'était pas prêt. Un mois avant les élections se tint le dernier congrès de l'UDB précisant les objectifs et l'organisation de la campagne électorale.
Rappelons que le directoire désigné au premier congrès était provisoire ; les décisions importantes étaient prises de facto par les membres fondateurs. On proposa une organisation calquée sur le parti socialiste : un congrès national regroupant les délégués des fédérations d'arrondissements et un comité national qui serait composé de 17 Flamands (surreprésentés à cet égard par rapport à l'audience du parti dans le nord du pays), 17 Wallons, 4 Bruxellois, 1 germanophone, un délégué aux affaires de la jeunesse et un pour les femmes. Un bureau composé de huit membres désignés par le Comité gérerait les affaires courantes. Les consignes pour la campagne visaient la décentralisation des ressources et le refus d'alliances préélectorales. En fait, l'UDB allait aux élections plus par idéal qu'avec une stratégie précise.
Le programme avait été préparé par L. Levaux mais ne fut pas reconnu officiellement car il n'était pas prioritaire pour les militants. Toutefois la machine électorale mise en route était rudimentaire. Pour les ressources, les différentes sections et les candidats devaient se débrouiller tant bien que mal ; les souscriptions nationales ne représentaient pas grand-chose, ce qui contrastait avec les moyens déployés par les autres partis. Néanmoins, l'enthousiasme des militants s'opposait aux inquiétudes du trésorier F. Grégoire qui stimula souvent la générosité ; A. Delfosse avertit en vain de la menace financière que représentait cette sous-capitalisation. Les dépenses de propagande n'étaient pas couvertes par des encaisses suffisantes.
Les listes furent constituées par le bureau et non par l'assemblée générale comme le proposait Jean Nysthoven, secrétaire général du parti. Force est de constater que ce fut souvent dans la hâte et la confusion. En outre, pour devenir candidat, il fallait en faire une demande spéciale pour éviter le ralliement d'opportunistes. Les candidats étaient peu connus et appartenaient à la Résistance, ce qui faisait de l'UDB un authentique parti de résistants.
Les candidats se recrutaient dans les couches supérieures de la bourgeoisie malgré quelques militants syndicalistes chrétiens. Ils avaient presque tous milité dans la Résistance ; on ne comptait pas de professionnels de la politique : c'était un parti nouveau.
L'UDB se présenta seule aux élections dans tous les arrondissements, à l'exclusion de Termonde et Alost, mais sans aucune préparation électorale (sauf à Liège et à Bruxelles). La situation était particulièrement délicate dans les Flandres où en outre Magnel (à Gand) se montrait inquiet des positions fédéralisantes des frères Levaux ; les Flamands étaient fort inquiets vis-à-vis de la politique d'épuration des collaborateurs.
Des facteurs extérieurs jouèrent contre l'UDB : .
À La restauration du bloc catholique qui avait refait son unité. Le 18 août 1945 se tint le premier congrès du PSC qui confia la présidence à A. De Schrijver. Aussi certains furent-ils freinés dans leurs tentations de rejoindre l'UDB. Mais la tension entre les jeunes et la vieille droite subsistait (Carton de Wiart / Philippart). Certes on remarqua quelques tentatives individuelles dans le but de rapprocher l'UDB et le PSC, ces deux héritiers du défunt parti catholique (88) ; ainsi P. Harmel proposa-t-il à Delfosse de le remplacer à Liège.
L'attitude de l'Église : cette consolidation avait été rendue possible par l'approbation de Malines de transformer le parti catholique. Le cardinal Van Roey se rallia au PSC et attaqua de front la tentative de déconfessionnalisation lancée par l'UDB ; selon le cardinal, il fallait réaliser l'union des catholiques au sein du PSC. Le clergé conservateur de campagne (dans la province de Luxembourg) condamna l'UDB en chaire ; néanmoins le cardinal refusa d'interdire le parti malgré les protestations de M. Grégoire.
Parti neuf, mœurs nouvelles et hommes nouveaux
, tel était le slogan électoral de l'UDB ; ses attaques contre le PSC, identifié à la vieille droite catholique, furent virulentes. Le PSC réagit de façon agressive : il y eut même des tentatives de faire l'amalgame entre ce nouveau parti et Rex, ce qui ne manquait pas d'audace puisque l'UDB comprenait de nombreux anciens résistants. En raison de son corporatisme, de son hypernationalisme et de son anticapitalisme, les opposants insistaient principalement sur la crainte de l'aventure avec ce nouveau parti.
Les libéraux étaient un rival direct car ils ne pouvaient plus espérer devenir un grand parti national. Ils tentèrent d'évincer l'UDB qualifiant le mouvement de parti clérical de rechange.
Les socialistes étaient plus modérés et, tout en demeurant anticléricaux, ménageaient l'UDB. Le vrai adversaire du PS était le PSC. Il eût été maladroit de se diriger contre ce nouveau parti à tendance progressiste. Lors de conversations privées, Spaak encouragea Delfosse.
L'UDB, qui espérait arracher des électeurs au PSC, escomptait obtenir dix sièges. Ce fut pourtant une grande défaite puisque ce nouveau parti atteignait 2% et obtenait un seul député, Paul M.G. Lévy (arrondissement de Nivelles). Aucun dirigeant ne fut élu au Sénat. À la Chambre, le parti avait réalisé ses meilleurs résultats dans les arrondissements de Liège (4,8%), de Verviers et d'Hasselt (6%) ; le Hainaut n'atteignait pas les 3% ; les résultats en Flandre furent insignifiants mais prévisibles. Au Sénat les chiffres étaient encore plus catastrophiques.
Le PSC jubilait et ironisait ; la presse de droite se moqua de ces petits arrivistes sans envergure (89). Les socialistes regrettaient l'absence d'un vrai parti démocrate-chrétien. À l'UDB, on interprétait les résultats en débâcle car les " extrêmes avaient gagné ". Les leaders se firent discrets ; seul Lévy analysait les chiffres avec réalisme : la propagande avait été mal organisée, l'UDB avait trop axé sa campagne sur la résistance, le parti s'était montré négatif (antiléopoldistes, contre le PSC et le régime) (90).
Le découragement remettait en cause l'existence même du parti. Cependant l'UDB continua d'exister, certes de façon moribonde, jusque fin 1946. Toutefois le mouvement s'essoufflait, dépérissait et comptait de nombreuses défections. P. Lévy démissionna en mars 1946 après avoir proposé de se rattacher au groupe socialiste de la Chambre. En mai 1946, le président Delfosse, le secrétaire Nysthoven et le trésorier Grégoire démissionnèrent. L'UDB restera alors sans président puisque A. Delfosse ne fut pas remplacé.
Les trois vice-présidents (P. Clerdent, Bosschaerts et Van der Ghinst) ne figurent même plus sur la liste des dirigeants après les élections. Ils furent remplacés par Magnel (Flandre), Basyn (Bruxelles) et Decroyère (Wallonie). Le nouveau secrétaire général critiqua le défaitisme et l'absentéisme puis rappela que les dirigeants se devaient de montrer l'exemple.
Le parti n'avait existé que par quelques convaincus, malgré ses 2000 sympathisants de juin 1946. Finalement, seule la question de la dette contractée à l'occasion de la campagne (plus d'un million) occupait les esprits. Le Comité national emprunta un million pour deux ans ; les membres et les sympathisants couvriraient par souscriptions individuelles : or seuls 540000 francs furent récoltés, principalement versés par les fondateurs de l'UDB. La dette finit par être absorbée mais avec elle disparaissait une des tentatives les plus sérieuses de renouveau des institutions de la politique belge.
Cet échec était dû à la position très nette de l'Église en faveur d'un regroupement politique sur base confessionnelle, au conservatisme de l'électorat et à la restauration rapide des formations socio-politiques traditionnelles. Quant à savoir si l'UDB fut vraiment un parti, on peut se le demander. Il s'agissait plutôt d'un mouvement né dans le contexte précis de la résistance : le regroupement fut conditionné par la guerre et un ennemi commun. Or l'électorat préférait la stabilité et la sécurité : la stratégie du PSC se révéla payante à cet égard. En outre l'UDB rappelait un passé récent que les gens s'efforçaient d'oublier. Des inconnus se retrouvèrent sur les listes d'un parti sans base efficace ni assises politiques ; de surcroît le mouvement présentait de graves lacunes en matière de propagande et de ressources (91). L'idéalisme du parti fut interprété par certains comme de l'arrivisme. P. Clerdent, qui analysait les tentatives récentes de regroupement des différents partis, me confiait que le drame de l'UDB fut d'avoir raison trop tôt.

Une carrière politique


1. Gouverneur à Arlon

Après être entrée au gouvernement, l'UDB revendiqua le poste de gouverneur de la province de Namur pour un des siens. On proposa P. Clerdent à ce poste ; alors que semble-t-il, ce dernier n'avait jamais demandé à devenir gouverneur : M. Grégoire, alors ministre de la Justice, invita son ami P. Clerdent à dîner et à loger à Bruxelles avant de rentrer à Liège.
Lors du voyage, M. Grégoire lui apprit que le parti avait droit à un poste de gouverneur mais, faute de candidats, il le proposait à son ami. Tête de liste à la Chambre, P. Clerdent espérait être élu et préférait la vie active de parlementaire ; aussi refusa-t-il. Ses deux frères le confortèrent dans cette position mais lorsque sa femme lui eut fait remarquer que gouverneur était un poste important qui permettait d'influer sur la vie de la province, il accepta. Comme le dit F. Delperée, le gouverneur est l'agent de l'État auprès des institutions provinciales ; en cette qualité, la loi provinciale lui confie le titre de commissaire du gouvernement. Il est nommé par le Roi, ce qui fait de sa désignation un acte politique (92).
À Namur, la lutte pour l'accession au poste de gouverneur faisait rage : il échut finalement au libéral M. Gruselin. P. Clerdent obtint alors la province de Luxembourg sous la bannière de l'UDB. Toutefois à partir de ce moment, il cessera toute activité de militant au sein de ce nouveau parti. Le gouverneur Clerdent entra en fonction à Arlon en décembre 1945. Il occupera à ce poste jusqu'en mai 1953.
Il commença par visiter les différentes communes ardennaises, fortement marquée par l'Offensive dite Von Rundstedt. Il lui appartenait en effet d'orchestrer la reconstruction de cette province. Il reçut un accueil confiant.
En étudiant les problèmes de la province, il s'aperçut que la région souffrait d'un dysfonctionnement des circuits de vente du bois, ressource essentiel du Luxembourg ; ceux-ci étaient particulièrement opaques. Le bénéfice de ces ventes ne profitait qu'à quelques intermédiaires. Sans tarder, il plaida avec succès pour l'instauration d'un nouveau système, plus transparent, auprès de M. Devêze, ministre des Affaires économiques. En 1947, il créa le Conseil économique luxembourgeois.

2. Gouverneur à Liège

Un arrêté royal du 16 février 1937 avait fixé une limite d'âge (93) pour les gouverneurs dans le but non avoué mais dénoncé par l'opposition de renouveler les titulaires (94). Atteint par l'âge de la retraite (67 ans), le départ de Joseph Leclercq (95) allait rendre le poste de gouverneur de Liège vacant. Le ministre de l'Intérieur, Ludovic Moyersoen (96), proposa le poste à P. Clerdent ; celui-ci répondit qu'il était Liégeois de naissance et de cœur et qu'il était honoré de cette proposition mais qu'il préférait rester à Arlon où il était heureux car les Luxembourgeois, qui lui avaient été défavorables dans un premier temps, avaient fini par l'apprécier. Le ministre s'adressa alors à l'échevin Lohest qui accepta. Lorsque la rumeur se répandit que le nouveau gouverneur serait catholique, la révolte gronda, relayée par A. Renard qui n'imaginait pas qu'un catholique puisse occuper cette fonction. Le gouvernement catholique homogène de J. Van Houtte (CVP) en fut impressionné et proposa la place à M. Gruselin qui déclina l'offre afin de rester à Namur. On réitéra alors cette offre à P. Clerdent à des conditions qu'il ne pouvait plus refuser. Ce fut ainsi qu'il devint le quatorzième gouverneur de la province de Liège, le 21 mai 1953, succédant à J. Leclercq (POB) en place depuis le 22 décembre 1945. Une fois encore, P. Clerdent fut heureux dans l'exercice de ses nouvelles fonctions qu'ils n'avaient pourtant pas sollicitées.
Toutefois il restait au nouveau gouverneur à se faire accepter et à calmer la fronde qui s'était levée contre lui. Le départ de J. Leclercq avait en effet suscité une certaine effervescence à l'Assemblée provinciale ; des membres du Haut Collège provincial avaient exprimé leur appréhension quant aux intentions du gouvernement pour la désignation du nouveau titulaire. Le transfert de P. Clerdent d'Arlon à Liège n'était pas la nomination que l'on craignait, mais elle fut cependant très mal accueillie par la majorité. Le ministre avait alors prévenu le nouveau gouverneur : il serait probablement accueilli par un lancer de tomates au Conseil provincial ; il lui proposa également de monter à la tribune pour clore la séance au nom du Roi, sans voter le budget et d'attendre un mois que les esprits se calment. Mais Clerdent ne tenait pas à agir de la sorte ; il avait déjà connu pareille situation à Arlon sept ans plus tôt et il ne voulait de surcroît pas être déconsidéré dans sa ville natale. Tandis qu'il réfléchissait à son domicile à la manière de renverser la situation le lendemain, on lui annonça la venue d'un visiteur qu'il fit un peu patienter : c'était A. Renard, venu lui annoncer que son parti et son organisation syndicale étaient fortement opposés à sa nomination. Mais d'un autre côté, Renard se souvenait que pendant la guerre, il ne pouvait nourrir tous ses réfractaires et que le chef de l'Armée de libération, alias Max, l'avait aidé en le mettant en rapport avec un délégué de Londres. Aussi ne voulait-il pas être ingrat : il ne l'oubliera jamais et à titre personnel et sincèrement il présenta tous ses vœux de réussite au nouveau gouverneur de Liège. A. Renard ne fit jamais allusion à ce soutien de manière officielle, pas plus que P. Clerdent qui nous a confié cette anecdote.
Lors de la première apparition du nouveau gouverneur à la Députation permanente et au Conseil provincial s'élevèrent des protestations virulentes de la part de deux députés permanents : le socialiste Octave Pétry et le libéral Fernand Parmentier. Le 1er juin 1953, ils s'exprimèrent non seulement en leur nom propre mais au nom de leurs groupes respectifs : il était clair que l'on voulait mettre le nouveau gouverneur, qualifié de belle-mère, en " quarantaine " (97). En fait la majorité socialo-libérale soutenait la candidature de L. E. Troclet (98). Les tensions s'éclipsèrent rapidement et les rapports du nouveau titulaire avec la Députation permanente s'améliorèrent. Mais comme le dira La libre Belgique, P. Clerdent fut reçu en bouchon de Champagne (99).
En tant que gouverneur de la province de Liège, P. Clerdent cherchait à se placer au-dessus de la mêlée, loin des intrigues. D'une certaine manière, il voulait se comporter comme le parrain de la province, selon ses propres termes.
Le gouverneur passait d'une province forestière et agricole martyrisée par la guerre à une province industrialisée qui renouait en 1953 avec une situation favorable car, malgré les communications défaillantes, l'industrie lourde rétablie entre Huy et Visé était mobilisée pour la reconstruction. Mais l'expansion de la région liégeoise dans les années 1960 ne pouvait masquer la crise charbonnière et la fissure des structures économiques régionales devenues obsolètes : le gouverneur Clerdent en était conscient et attira régulièrement l'attention sur la très imparfaite adaptation de l'appareil économique liégeois aux exigences du marché mondial, en raison du vieillissement de ses structures industrielles. Il fallait tout réorganiser pour se prémunir d'une crise économique.
À deux reprises (en 1967 et en 1970), son état de santé l'empêcha de prononcer le traditionnel discours d'ouverture de la session ordinaire du Conseil provincial. Il fut remplacé à cette tribune par le député permanent Émile Collignon.
Ses discours reflètent bien ses préoccupations. En 1953, le discours d'ouverture de la session était relatif aux transports, trop peu développés et inadaptés aux besoins de la région liégeoise (électrification des lignes ferroviaires, bouchon de Lanaye, écluse de La Neuville /s Huy). Le nouveau gouverneur insista également sur le rôle de première importance que Liège devait jouer au sein de la CECA. En 1954, il insista sur la régression démographique et ses conséquences négatives sur l'industrie et l'économie liégeoises. Il fallait organiser la relance en s'appuyant sur le secteur de la construction et des logements d'une part, et conduire une politique industrielle plus efficace de l'autre. En 1955 c'est l'aménagement international de la Meuse et l'intégration européenne qui fut à l'honneur. En 1956, P. Clerdent axa son discours sur la forêt du Sart Tilman, ceinture naturelle de la région industrielle liégeoise : selon lui, la province devait l'acquérir avec l'aide de l'État pour en faire un centre de plein air ouvert aux promeneurs. En 1957, il revint sur l'acquisition de la forêt du Sart Tilman et sur la suppression du bouchon de Lanaye. En 1958, il voulut remédier à la crise économique qui frappait la région de Verviers en aménageant les structures industrielles et communales. En 1959 il analysa le nouvel équilibre européen et la crise charbonnière particulièrement sensible dans la région liégeoise en évoquant les aides de la CEE. En 1960 la crise du charbon et l'actualité du Congo préoccupèrent le gouverneur qui insista également sur la place de Liège dans l'unification européenne ; le gaz naturel devait être transporté dans des gazoducs. En 1961 il parla de l'eau et de l'industrie dans le bassin mosan. En 1962 il analysa à nouveau la régression de la démographie wallonne et ses conséquences fâcheuses sur l'économie : il fallait une meilleure utilisation de la population en âge de travail et l'intégration des immigrés par l'accueil, le logement et la redéfinition des critères de l'embauche des travailleurs. En 1963 il constata l'échec du développement de l'économie liégeoise par rapport aux régions septentrionales du pays malgré ses atouts géographiques et son dynamisme. Il convenait de combler les retards accumulés dans la modernisation. En 1964, il prôna une véritable politique de l'eau car il ne fallait pas que les réserves liégeoises profitassent en premier lieu à d'autres régions ; il insista sur la possibilité de dessalement, à l'instar des Pays-Bas, techniques dont le prix avait diminué. En 1965, il proposa d'améliorer les moyens de communication (canal Albert et aménagement de la Meuse) et les grands axes autoroutiers de Wallonie (Bruxelles-Liège). En 1966, P. Clerdent se tourna vers l'enfance handicapée, un secteur dans lequel la province avait investi avec une efficacité relative. En 1968 il fut question des modifications rapides des conditions de vie économique et sociale, de l'évolution positive de la balance commerciale entre l'Union économique belgo-luxembourgeoise (UEBL) et les autres membres du marché commun, de l'infrastructure (E5, autoroute de Wallonie, Liège-Maastricht, modernisation du canal Albert, Bierset) et du chômage. En 1969 il centra son discours sur les cantons de l'Est, région dotée des richesses naturelles (eau, bois, agriculture) qui devrait se réadapter (secteur routier, tourisme) (100).
Le 13 mai 1954 fut constituée par la province de Liège, à l'initiative du gouverneur Clerdent, une asbl " Fonds provincial liégeois d'Aide aux Familles des victimes d'Accidents mortels au Travail " dont le but était de centraliser et de répartir au profit des ayants droit des victimes d'accidents mortels du travail les fonds confiés à cet effet par des organismes publics ou privés. L'association fut créée en présence de P. Clerdent, de G. Remy (président du Conseil provincial), G. Laboulle et F. Renard (députés permanents) et H. Derèze (greffier provincial) (101).
Le 18 janvier 1971 fut constituée par la province, notamment à l'initiative du gouverneur Clerdent, une asbl " Parc Nature Hautes Fagnes-Eifel " (102) dont le but est de promouvoir sur le territoire du Parc la sauvegarde des paysages, les richesses de la flore, de la faune et du sol et la pureté des eaux d'une part, et d'harmoniser par les autorités compétentes la conception des parcs naturels contigus d'Allemagne et du Luxembourg afin de sauvegarder cette région. L'association fut créée en présence du gouverneur Clerdent, E. Moreau, A. Lejeune (députés permanents), J. Libert, P. Forthomme, J. Gol, C. Timmermans et M. Buntgens (conseillers provinciaux) (103).
Liège jouit d'une situation très favorable au carrefour de plusieurs grands pays mais il fallait donner à l'industrialisation liégeoise les moyens de son ambition, c'est-à-dire un réseau de communications efficace : le gouverneur Clerdent y attela toute son énergie. Ainsi qu'il est affirmé dans son discours d'ouverture de la session 1953 concernant l'état du fleuve, le réseau hydraulique de la Meuse est un atout de la région. En 1954 il fonda donc le Comité européen pour l'Aménagement de la Meuse et des liaisons Meuse-Rhin qui regroupe les représentants des institutions de toutes les régions mosanes (belges, françaises néerlandaises et allemandes) visant à promouvoir le développement industriel grâce à la modernisation du fleuve sur tout son cours : suppression du bouchon de Lanaye, accès au canal Albert et de la Meuse aux grands convois poussés. Il assuma la présidence de cette organisation créée dans le cadre prestigieux du salon du Destin européen de la Meuse organisé par le Grand Liège à l'occasion du la Foire Internationale ; ce comité se donnait le but ambitieux de résoudre les problèmes de la Meuse chers à son fondateur. Ce comité fut novateur, d'autant que la CECA venait d'être créée et que la CEE ne deviendrait réalité qu'en 1958. Son succès provient de l'esprit d'ouverture soufflant sur ce comité qui tenta de répondre à l'appel des grands horizons humains et économiques. Le bouchon de Lanaye sauta le 23 février 1955 suite à un accord entre une délégation liégeoise emmenée par P. Clerdent et des représentants de la ville d'Anvers et de son port : la nouvelle écluse de Lanaye fut inaugurée en 1961. Pour ces questions, nous renvoyons le lecteur au chapitre suivant.
Gouverneur de la province de Liège dans les années 1960 et homme de consensus, P. Clerdent ne put ignorer la question fouronnaise (104). Il prit nettement position pour les Fourons, non pas au nom du droit du sol ou de l'intégrité de la province dont il avait la charge, mais par respect de la population et de la liberté individuelle. Les faits sont connus ; selon lui, le législateur n'avait pas le droit moral de s'opposer à la majorité des habitants par cette loi qu'il qualifia " d'injuste " à la conférence qu'il donna au Grand Liège en 1991. Avec cette dernière association, P. Clerdent collecta des fonds pour la défense de la langue française ; il souhaita toujours une solution respectueuse de l'originalité fouronnaise.
Dans un article du Pourquoi pas ? (105), le sénateur Clerdent exposera ce grave problème qui reposait sur la cohésion nationale mais qui n'était plus maîtrisé. Il commença par rappeler qu'un décret impérial allemand du 8 décembre 1917 avait créé un couloir Aachen/Tongres afin de garantir un accès direct de l'Allemagne aux ports belges. Or il était plus favorable d'établir de bonnes communications entre la Flandre et l'Allemagne sans passer par la Wallonie : on passa dès lors par les six communes. Plus tard le Conseil flamand, qui ne pouvait plus revendiquer le couloir allemand, parla de droit du sol et de droit de la langue, un non-sens pour P. Clerdent qui constatait d'une part que les six communes n'avaient jamais appartenu au comté de Looz dont elles étaient séparées par la Meuse, qu'elles avaient rejoint le département de l'Ourthe sous le régime français, qu'elles avaient formé la frontière belgo-néerlandaise après 1830, mais qu'elles étaient restées belges en 1839 parce qu'elles étaient rattachées à Liège. Quant à la langue qui y était parlée, un dialecte germanique rhéno-mosan qui s'étend avec des nuances jusque Düsseldorf, on ne pouvait l'assimiler, toujours selon lui, à du néerlandais à l'instar du professeur Mansion étant donné que la population indigène souhaitait s'exprimer en français, en allemand et dans son dialecte germanique. Selon P. Clerdent cette fausse assimilation de Fourons à la province de Limbourg reposait sur un malentendu et un scandaleux marchandage consécutif à l'intégration de Mouscron dans la province de Hainaut. En octobre 1986, P. Clerdent se battit avec le Grand Liège et J.M. Dehousse en faveur de Fourons contre les conseils de jurisprudence de la Chambre flamande.
Administrateur du Conseil Économique Wallon (CEW) depuis 1948, le gouverneur Clerdent devint vice-président puis président général de ce Conseil jusqu'à sa dissolution et la création concomitante d'un nouveau CEW différemment structuré en avril 1968. Quoique artisan majeur de cette mouture, il en refusa la présidence. À cette époque les gouverneurs de province présidaient traditionnellement ce conseil mais, à force de pressions, les syndicalistes en obtinrent la direction et le CEW devint un lieu de consensus entre le patronat et les syndicats. P. Clerdent, qui avait en outre créé le CEW dans le Luxembourg, fut président honoraire du CEW de Liège.
Le 17 février 1961 fut créée la Société Provinciale d'Industrialisation (SPI) dans le but de promouvoir l'aménagement du territoire ainsi que le développement économique et social de la province de Liège. Il s'agit en fait d'une association intercommunale, constituée par le gouverneur de la province de Liège, de 27 communes (en 1991, ce chiffre est passé à 67) et des sociétés privées. C'est le gouverneur Clerdent qui suscita sa création et la présida. Au départ, elle fut constituée afin de mettre en œuvre à Liège les lois d'expansion économique des 17 et 18 juillet 1959, particulièrement par l'aménagement de parcs industriels (le premier fut celui des Hauts-Sarts créé en 1963) ; les zonings de la SPI accueillent de nombreuses activités industrielles nouvelles et procurent des milliers d'emplois (plus de 10000 de 1961 à 1971) ; la société intervient également dans la rénovation urbaine. La SPI représente la province de Liège dans les actions économiques et sociales de l'Euregio Meuse-Rhin.
En 1965 le gouverneur Clerdent créa le Conseil économique de la province de Liège (CEPLI) et en assura la présidence jusqu'au 31 décembre 1971, date à laquelle G. Mottard (106) lui succéda. Henri Melkin (107) était alors secrétaire général du CEPLI. Cet organisme qui voulait rassembler en un même effort toutes les forces vives de la province peut être considéré comme la branche liégeoise du CEW. Sa mission consistait notamment à procéder à des études microéconomiques (analyses démographiques, énergétiques, des infrastructures et de la qualité des eaux), il chercha à intégrer l'université à son environnement économique, ce qui aboutit à la constitution du Centre des Technologies Nouvelles (CTN) ; le SPI assurait la comptabilité de ce groupement et collaborait étroitement avec ce conseil. Mais cette table ronde autour de laquelle se rencontraient les acteurs économiques, cet outil privilégié de concertation, fut dissous le 31 décembre 1979 ; contre toute attente il s'effaça devant la régionalisation alors que, selon P. Clerdent, il n'y avait pas concurrence entre les institutions mais plutôt complémentarité.
Les diverses autoroutes de la Province furent également l'objet d'un long combat de la part du gouverneur Clerdent. En effet, l'autoroute de Wallonie était contestée en Belgique, quoique inscrite sur un plan européen ; l'autoroute Liège-Maastricht n'était même pas recommandée par les autorités européennes et la Belgique n'en voyait pas la nécessité. Quant à l'autoroute des Ardennes, elle était tout bonnement refusée : elle ne dut son salut qu'à l'intervention de P. Clerdent alors gouverneur de Luxembourg qui fit remarquer qu'en 1870 et en 1944 les guerres s'étaient arrêtées dans les Ardennes et qu'il convenait de couvrir ce ventre mou de l'Europe. L'autoroute Bruxelles-Liège était jugée inutile.
En 1965, le hasard voulut que le gouverneur Clerdent rencontrât M. Desaegher aux États Unis. Les diplomates belges, craignant de susciter des étincelles entre un Flamand et un Wallon également convaincu, avaient organisé son voyage de telle façon qu'il était impossible aux deux hommes de se croiser, sauf deux jours à Houston et à la Nouvelle Orléans. Clerdent dit à M. Desaegher : Vous êtes un bon Flamand et je suis un bon Wallon. Nous allons, en bons Belges, éviter toute discussion, mais retenez une chose : il faut réaliser l'autoroute Bruxelles-Liège. Quelques mois plus tard, M. Desaegher devenu ministre des Travaux Publics convoque le gouverneur Clerdent à Bruxelles pour lui dire : M. le Gouverneur, il faut réaliser l'autoroute Bruxelles-Liège-frontière allemande et je vous demande d'assumer la présidence de la Société Intercommunale qui la constituera (108). C'est ainsi qu'il devint président de l'Intercommunale E5 qui construisit cette autoroute par l'itinéraire le plus direct jusque-là gravement menacé d'être détourné vers le Nord. P. Clerdent estimait qu'il ne devait pas jouer un rôle politique en tant que gouverneur ; toutefois le manque d'infrastructures et la mauvaise couverture routière le poussaient à intervenir pour développer les transports et les voies navigables. Le gouverneur s'est donc beaucoup occupé d'économie et a pris des initiatives qui se sont révélées positives dans cette matière. Il fut aussi président de l'Institut de reconversion industrielle (IRI).
Début 1971, le CEPLI organisa une table ronde sous la présidence de J. Rey, qui venait de quitter ses fonctions de président à la CEE, sur le thème Une métropole, un aéroport. Un instrument de radioguidage (ILS) venait d'être obtenu pour Liège mais il fallut encore patienter avant qu'on ne l'installât. Pour P. Clerdent, l'aéroport de Bierset était un complément indispensable aux infrastructures ; il était même vital pour le développement économique de la région liégeoise.
Nommé gouverneur de Liège à 44 ans, P. Clerdent avait, ainsi que nous l'avons dit, occupé ce fauteuil à une époque cruciale du XXe siècle : Liège devait relever le défi européen que sa situation géographique lui poussait à jouer. À cette époque venait de se créer la CECA, et la CEE était toujours dans les limbes. Mais Liège devait aussi résoudre de graves problèmes de reconversion et de réorientation économique et le gouverneur Clerdent fut confronté aux grands mouvements sociaux et politiques dans lesquels les Liégeois se manifestèrent au début des années 1960 (109).
Le gouverneur Clerdent démissionna pour raisons de santé le 1er juillet 1971. Voilà ce qu'on pouvait lire dans le Monde du Travail : " M. Clerdent (..) s'est battu et bien battu - nous nous plaisons à le souligner - pour sa province. Il se passionna pour les problèmes les plus angoissants qui assaillirent la province de Liège et trouvaient généralement leur origine dans une situation économique déficiente. Nous avons rappelé longuement en juin dernier, lorsqu'il démissionna pour raisons de santé, les qualités remarquables et l'action inlassable menée par M. Clerdent en faveur de sa province. Il fut un grand commissaire, un grand Gouverneur qui paya toujours de sa personne et n'hésita pas à prendre son bâton depèlerin chaque fois que l'occasion ou la nécessité s'en présentait. La Province de Liège lui doit beaucoup (110) ". Le socialiste G. Mottard lui succéda. Conciliateur, il tenta de développer la vie de cette région à laquelle il était par ailleurs très attaché.
Le 28 décembre 1971, P. Clerdent fut anobli par le Roi Baudouin et reçut le titre de baron pour le dévouement à l'intérêt public qu'il a témoigné en occupant diverses fonctions. Sept gouverneurs de la province de Liège avaient alors été anoblis en raison de leur fonction ou par octroi postérieur (deux comtes, quatre barons, un chevalier) (111).

3. Président de Cockerill

Mais cette démission ne fut certes pas synonyme de un repos complet : P. Clerdent se retrouvera rapidement dans les affaires. Il occupa de nombreux mandats d'administrateur ou de présidence du Conseil d'administration dans de nombreuses sociétés. Il devint également gouverneur honoraire de la province de Liège.
Président du Conseil d'administration de la S.A. Cockerill Sambre de 1971 à 1979, il donna une nouvelle dimension à cette fonction. De 1979 à 1981, il devint administrateur et président d'honneur chargé des relations extérieures et industrielles ; à ce titre il négocia d'importants contrats à l'étranger. Les années 1970 connurent malheureusement une crise structurelle qui frappa de plein fouet le secteur sidérurgique. Certes les conséquences catastrophiques du premier choc pétrolier se faisaient cruellement sentir, mais la crise était conjoncturelle et européenne. Toutefois la nouvelle direction cherchait à assurer un avenir malgré les nombreux soubresauts sociaux. Voilà les événements qui marquèrent la présidence de P. Clerdent à Cockerill pendant ces années difficiles pour l'entreprise.
Il fut également président du Conseil d'administration de l'Union financière et industrielle (UFI) et de diverses sociétés : administrateur de la FN, de Westinghouse Electric Corporation et membre associé de l'Union francophone des Belges à l'étranger.

4. Sénateur libéral

En raison de son action liégeoise, J. Gol (112) offrit à P. Clerdent d'entrer au parti libéral (PRL) et de figurer pour les élections législatives de 1981 en tête de liste, c'est-à-dire avant les ministres et les grands du parti. À un journaliste qui lui demandait depuis combien de temps le baron Clerdent était libéral, J. Gol répondit probablement depuis ce soir.
En 1981, P. Clerdent sera élu directement sénateur ; il sera réélu directement le 13 octobre 1985 et élu coopté le 14 janvier 1988. Il fut alors membre des Commissions de l'Infrastructure, des Relations extérieures, de la Révision de la Constitution et des réformes institutionnelles. Il fut également membre des Commissions du commerce extérieur et des Relations internationales du Conseil de la Communauté française d'une part et membre de la Commission de l'Environnement et de la Politique de l'Eau au Conseil régional wallon (113). Il sera en outre doyen du Parlement belge.
Durant la période où le baron Clerdent fut sénateur, la vie politique se focalisa autour de deux thèmes principaux : la révision de la constitution de 1988 dans le sens d'une régionalisation plus poussée et la dépénalisation conditionnelle de l'avortement et son évolution institutionnelle suite au refus du Roi en mars 1990 de voter de cette loi pour des problèmes de conscience.
Sur ces derniers points, le sénateur Clerdent regrettait qu'une radicalisation " négative ", selon ses dires, ait conduit à ce que le respect dû à la vie ait été considéré uniquement sur des bases individuelles et non sociales. Il pensait que la mise au monde est un acte consubstantiel de la nature humaine et une aspiration à des formes de vie supérieures. En conséquence, l'avortement ne devait, selon lui, pas être admis en soi car il ébranlait un principe vital de notre société, quoiqu'il puisse être toléré exceptionnellement par égard à des situations difficiles pour les femmes enceintes. Aussi le législateur devait-il, selon lui, le rendre aussi rare que possible par des mesures préventives. Le sénateur Clerdent préférait s'attaquer aux causes de l'IVG en prônant une politique en faveur de la femme et de l'enfant d'une part, et l'utilisation des techniques nouvelles de l'autre, après avoir constaté que 40% des avortements avaient lieu pour des raisons économiques ou sociales.
En outre, le sénateur Clerdent continua son combat pour la sidérurgie dans le bassin liégeois. Ainsi s'opposa-t-il en juillet 1983 à la fermeture de Valfil, entreprise performante sans laquelle la Belgique ne produirait plus de fil pour des usages nobles et dont le marché était en expansion. Mais il mit également en garde contre les exigences de la Communauté européenne face à la crise de l'acier car elles n'étaient pas admissibles, à moins que les autres États membres ne consentent à des sacrifices équivalents. Il encouragera une seconde coulée continue à Chertal. Son intervention était en fait un plaidoyer pour l'économie wallonne qui mettait en exergue les responsabilités du gouvernement.
En 1979 une rencontre informelle avait rassemblé des industriels, des syndicalistes, des fonctionnaires de la Ville de Liège et des représentants de l'Université : ces gens voulaient réfléchir ensemble sur les problèmes de la région liégeoise et étudier les politiques économiques de pays prospères afin de s'en inspirer pour résoudre les difficultés régionales. Ce fut la naissance du groupe Japon qui comblait partiellement le vide laissé par la dissolution du CEPLI mais qui en prolongeait l'esprit. Ce groupe fonda une asbl dont l'Innovation et la Reconversion industrielle (IRI) fut l'organe officiel. Entre 1979 et 1982 pas moins de neuf missions liégeoises furent accueillies au Japon et deux missions japonaises furent reçues à Liège. Le point d'orgue de ces rencontres Europe/Japon fut sans conteste octobre 1983 avec le Synergium (114). Celui-ci, placé sous la présidence du baron Clerdent comportait une exposition internationale de technologies nouvelles à laquelle participèrent les deux cents sociétés japonaises et européennes les plus performantes. Parallèlement sous la présidence de Simone Veil (115) se tinrent les colloques Demain l'Entreprise regroupant cent vingt orateurs réputés de quinze pays différents. À ce Synergium 83 assistèrent le roi Baudouin et F. Mitterrand. En 1984, l'exposition spécialisée Coil Coating consacrée à la transformation de la tôle prérevêtue rassemblait cent vingt-six sociétés provenant de douze pays. Le groupe s'effaça pour être remplacé par un autre groupe, éphémère, plus politique : celui de Colonster.
Parallèlement à ses activités au Sénat, P. Clerdent lutta jusqu'à la fin de son existence pour le TGV.
L'évolution du réseau ferroviaire débuta dans les années 1950 et 1960 avec l'électrification des lignes. Ici non plus rien ne se réalisa sans peine et l'effort fut soutenu avec énergie par le CEPLI dirigé par le gouverneur Clerdent et fut mené à bien malgré la lenteur de certains travaux (ligne Angleur-Marloie). L'Europe permit la modernisation et l'électrification en courant alternatif de 25 Kv du tronçon Rivage-Gouvy revendiquées par le Grand-Duché de Luxembourg de manière à permettre à ce petit État d'être relié au TGV nord via la gare des Guillemins.
Le début du combat de P. Clerdent pour le TGV commença en 1984, à une époque où on parlait à peine du TGV en Europe et en Belgique. Néanmoins le baron Clerdent fut le premier à revendiquer son passage et son arrêt à Liège. Il devait passer soit par Maastricht, soit par Visé, soit par Liège. Une fois qu'il fut acquis qu'il ferait arrêt à Liège, il fallait le faire quitter la métropole : la vallée de la Vesdre ne convenait pas car elle n'offrait que des possibilités médiocres et indignes de ce moyen rapide de transport. Aussi P. Clerdent demanda-t-il à la société Franki d'étudier les potentialités de création d'un tunnel reliant Chénée à Soumagne. Le trajet Liège-Aachen, de même que celui Liège-Bruxelles, devait être réalisé en site propre en vertu du caractère européen de la ligne ainsi que de la rapidité et la fluidité à donner à ce parcours.

5. Une vie bien remplie

Il serait faux de croire que P. Clerdent, malgré une retraite bien méritée après une carrière bien remplie, quitta les affaires : à 90 ans, il luttait toujours pour le TGV et le bouchon de Lanaye. Il était également président d'honneur de plusieurs institutions ou organismes (gouverneur honoraire de la province de Liège).
Il fut encore membre du Cercle du Parc, membre d'honneur du Cercle gaulois et président d'honneur de la Société littéraire, après avoir été past-président de la Société littéraire liégeoise. Cet excellent joueur de bridge fut également président du Golf Club du Sart Tilman. Retiré dans son appartement de la résidence Sirius sur le quai Van Beneden, le comte Clerdent termina sa vie et ses combats du haut de la tour de l'immeuble qui lui offrait une vue impressionnante sur la Meuse et la Cité ardente.
Il s'éteignit dans son appartement le 10 juin 2006 à l'âge de 97 ans. La liturgie de ses funérailles fut célébrée en l'église Saint-Jacques. Ses obsèques furent sobres et officielles. Il reposera désormais au cimetière de Robertmont aux côtés de son épouse qu'il avait tant aimée.
P. Clerdent appartient à cette génération d'après-guerre qui croit indispensable de s'engager pour le bien public. Il servit toujours les provinces dont il avait la charge avec fidélité et dévouement.

Décorations

Dès la fin des années 1940, P. Clerdent fut décoré pour ses actions héroïques pendant la guerre. Les Alliés et les Belges lui décernèrent rapidement des médailles en reconnaissant ainsi son mérite :
Belgique :
Grand-Croix de l'Ordre de Léopold II (29 janvier 1958 ; rétr. 2 avril 1957).
Grand Officier de l'Ordre de Léopold (4 décembre 1945) avec rayure d'or (28 janvier 1957) et à titre militaire le 20 juillet 1984.
Croix de guerre 40-45 avec palme (1er mars 1947).
Croix civique 40-45 de 1ère classe (21 janvier 1957).
Médaille de la Résistance (1er mars 1947).
Médaille de la Libération de la Ville de Liège.
France :
Grand-Croix de l'Ordre de la Légion d'honneur.
Grand Officier de la Légion d'honneur (22 juillet 1971).
Croix de guerre française 39-45 avec palme et citation à l'ordre de l'armée (19 septembre 1949).
Grand-Croix de l'Ordre du Mérite de la République française (20 février 1984).
Allemagne :
Grand-Croix du Mérite avec étoile et ruban en sautoir de la République fédérale d'Allemagne (12 février 1959).
Autriche : .
Grande Médaille d'or avec étoile de l'Ordre de la République d'Autriche (3 avril 1959).
États Unis : .
Silver Star (6 mai 1946).
Grande-Bretagne :
Knight Commander of the Royal Victorian Order (kcvo) (9 mai 1966).
Officier de l'Ordre de l'Empire britannique (obc) (31 juillet 1946).
Grèce :
Grand Officier de l'Ordre du Phénix (7 février 1959).
Italie : .
Grand Officier de l'Ordre du Mérite de la République d'Italie (30 mai 1957).
Iran :
Officier de l'Ordre du Tadj.
Luxembourg :
Grand Officier de l'Ordre de la Couronne de Chêne (2 juin 1953).
Pays Bas :
Grand Officier de l'Ordre Orange-Nassau (6 juillet 1959).
Pologne : .
Commandeur de l'Ordre Polonia Restituta (20 mars 1971).
Sénégal :
Grand Officier de l'Ordre du Mérite du Sénégal (4 décembre 1970).
Suède : .
Commandeur de 1ère classe de l'Ordre de l'Étoile Polaire (21 juillet 1966).
Il plut au Roi Baudouin Ier d'anoblir P. Clerdent en 1971 en lui octroyant le titre de baron. Et en 1995, le Roi de faire de ce serviteur de l'Etat le comte Clerdent.
La devise qu'il choisit Agere in bello et in pace exprime magnifiquement la vie de P. Clerdent, résistant de 1940 et excellent gestionnaire des régions qu'on lui confia une fois la paix revenue.
À l'occasion de la visite du Président Pompidou en Belgique (mai 1971), M. de Gontran de Juniac, ambassadeur de France à Bruxelles, propose des noms en vue de l'octroi de la décoration suprême. Il envoie à Maurice Schuman, alors ministre des Affaires étrangères, une lettre dont le contenu mérite de figurer dans cet ouvrage car il nous éclaire sur les motivations du Quai d'Orsay : " Problème de l'équilibre entre les autorités provinciales de Liège et Anvers très délicat. Clerdent et Destenay sont déjà commandeurs de la Légion d'Honneur. Ils tiennent tous deux beaucoup à être Grand Officier. La personnalité de Clerdent, la sincérité et l'efficacité de ses sentiments francophiles militent en sa faveur. Destenay est une personnalité de premier plan et a un statut particulier comme Ministre d'Etat. Je suis pour qu'on attribue la plaque de la Légion d'Honneur à tous les deux. Mais problème pour Anvers. Le gouverneur (116) est un homme relativement jeune sans aucune distinction française jusqu'ici. Une cravate de la Légion d'Honneur paraîtrait conforme à la tradition. Craeybeckx en revanche, bien que n'ayant pas occupé de fonctions gouvernementales comme Destenay et n'étant pas ministre d'Etat est une personnalité très importante. Ne pouvant lui donner une distinction supérieure au Gouverneur, j'avais pensé à la cravate. Mais Harmel m'a fait savoir par le Secrétaire général du MAE que si l'équilibre n'était pas respecté entre Liège et Anvers, le Gouvernement belge y verrait de graves inconvénients. Vaes a même dit que Harmel ne signerait pas la liste. Dilemme : ou hausser d'un rang à Anvers ou décevoir grandement deux des personnalités provinciales qui nous sont les plus attachées dans la ville la plus francophile et elle-même titulaire de la Légion d'Honneur " (117).
Dans le cadre du même voyage, l'administration française dressa un portrait du gouverneur Clerdent. Cette description si fidèle à la réalité a également droit de cité dans notre étude : .
" Énergique et entreprenant, en bons termes avec le Palais, influent auprès de l'administration centrale, M. Clerdent est sans doute de tous les Gouverneurs actuellement en fonction celui qui jouit de la plus forte autorité. Il joue un rôle actif dans les divers organismes économiques de la région wallonne et s'est attaché à rendre à sa province, gravement touchée par la crise charbonnière, sa prospérité de jadis. Il s'efforce à cette fin d'y attirer les entreprises françaises et d'en renforcer les liens économiques avec notre pays.
Durant la guerre, M. Clerdent, fondateur puis commandant de l'Armée de la Libération belge, a joué un grand rôle dans la Résistance qui lui a valu la Croix de guerre française avec une citation à l'ordre de l'armée.
M. Clerdent est commandeur de la Légion d'Honneur depuis 1958. C'est un ami très fidèle de notre pays. Son état de santé laisse malheureusement à désirer. Il souffre des reins et s'est déjà fait opérer plusieurs fois en France. Il est marié et sans enfant.
Sa femme, qui le seconde avec beaucoup de dévouement, aime la peinture classique et peint elle-même. Elle s'intéresse aux arts décoratifs en général et a suivi de très près la restauration intérieure du Palais provincial de Liège.
Madame Clerdent aime le jardinage et la vie à la campagne. Dès le beau temps, le Gouverneur et son épouse résident de préférence dans une villa aux environs de Liège. Madame Clerdent pratique le golf " (118).

Le Comité européen pour l'Aménagement de la Meuse (CEAM) et des liaisons Meuse-Rhin

Introduction

Pierre Clerdent a toujours été conscient de l'importance que revêtaient des voies de communications rapides et bien structurées pour l'économie d'une Région. S'il est une constante à chercher dans son action politique, c'est bien celle-là : un combat infatigablement mené pour que le développement de la région liégeoise, idéalement située dans ce que l'on appelle maintenant l'Euregio Meuse-Rhin, ne pâtisse pas d'un réseau de transports anachronique et inadapté à ses besoins économiques.
Que ce soit sur le front du TGV, du réseau autoroutier ou hydrographique, P. Clerdent a donc cherché à ce que Liège soit idéalement desservie par des voies de communication à la hauteur de ses potentialités économiques, parfois sous-exploitées pendant les années difficiles pour la Province.
La Meuse est évidemment un des atouts majeurs de la région liégeoise. Elle est en effet une voie de transport de marchandises de première importance qui unit Liège aux centres industriels majeurs que sont les Limbourg belges et hollandais, la région d'Aix-la-Chapelle, du Hainaut et de l'Ardenne française, le Luxembourg et la Lorraine (119). À tous ces titres, elle joue un rôle majeur pour de nombreux secteurs économiques liégeois, dont la sidérurgie, qui fut un des fleurons de notre industrie (120), avant de connaître une crise douloureuse dès les années 1980.
Lors du salon sur " Le destin international de la Meuse " organisé à l'occasion de la Foire Internationale de Liège, Pierre Clerdent, conscient de ces enjeux, décida avec l'appui de l'association " Le Grand Liège " de créer l'a.s.b.l. du Comité européen pour l'Aménagement de la Meuse et pour la Liaison Meuse-Rhin (futur CEAM). C'était le 2 mai 1954. Lutter contre les entraves à une exploitation parfaite des potentialités économiques qu'offrait le fleuve, voilà quel était le but des initiateurs du projet.
Dès sa création, le Comité mit résolument en avant l'idée européenne, présente dans l'intitulé de l'association (121). La coopération menée à un plan supranational apparaissait en effet comme un préalable indispensable à toute négociation sur une matière dépassant largement les frontières.
Cette dimension européenne, sans aucun doute voulue pour donner directement une envergure internationale au Comité, n'était pas incompatible avec son ancrage liégeois : les décideurs de la Cité ardente furent toujours les membres les plus actifs du CEAM (122) et eurent sans cesse à cœur de défendre avant tout les intérêts de Liège, intérêts qui passaient tout naturellement par une amélioration générale de l'aménagement de la Meuse.
Dans l'esprit des fondateurs du Comité, il y avait aussi une certaine notion d'urgence, ce dont témoigne une note de présentation du CEAM datant du 15 juin 1954 (123). Le Comité y explique ses craintes devant les plans français de canalisation de la Moselle (124), qui auraient pour effet d'unir le bassin sidérurgique de la Lorraine avec la Ruhr, laissant de côté les petits pays intermédiaires en créant une véritable coalition économico-industrielle entre les deux nations d'Europe continentale de l'Ouest les plus puissantes du moment. Pour le CEAM, la seule alternative viable pour un développement harmonisé, ne laissant aucun partenaire de côté, est l'exploitation maximale des potentialités de la Meuse (125).
À la création du CEAM, P. Clerdent occupait tout naturellement la fonction de Président du Comité (126). Celui-ci était constitué d'une assemblée générale des membres, d'un Conseil d'Administration élu par l'Assemblée tous les quatre ans et investi du pouvoir le plus étendu pour l'administration et la gestion du CEAM, d'un Comité exécutif chargé notamment de préparer les réunions et de régler les affaires courantes, d'un Collège des Commissaires chargé de contrôler l'Association et de commissions consultatives créées à l'initiative du Conseil d'Administration et chargées de remettre des rapports particuliers sur des problèmes précis. Le siège social du Comité européen pour la Meuse fut d'abord fixé au 16 de la Place du Vingt-Août, puis fut transféré au domicile du Gouverneur, Place Notger.
Mener une politique efficace pour la promotion de la Meuse passait par une activité de publicité importante telle que la participation ou l'organisation de congrès (127), la mise sur pied de voyages à des fins scientifiques, le financement des rapports d'experts indispensables à une bonne connaissance des dossiers ou la publication de brochures (128). Une telle politique nécessitait une assise financière solide qui ne pouvait être assurée par les seules cotisations des particuliers. Le CEAM dut donc solliciter l'appui des différentes régions traversées par la Meuse, que ce soit des Provinces belges ou des Départements français, qui collaborèrent à hauteur de cinquante voire de cent mille francs belges de l'époque (129). Les associations portuaires directement concernées par les projets du CEAM ainsi que plusieurs gros industriels belges et français contribuèrent également pour de gros montants au financement du Comité. On trouvera par contre peu de participations en provenance directe des Pays-Bas, où c'est principalement le Limbourg hollandais, par le biais de la ville de Maastricht, qui se montrera impliqué dans les activités du CEAM.

Les différents combats du CEAM

Pour faciliter la compréhension du lecteur, nous avons ici opéré une séparation entre plusieurs dossiers distincts qui ont été liés les uns aux autres par la volonté politique. Les intérêts économiques divergents des Ports d'Anvers et de Rotterdam et donc des gouvernements belges et hollandais, les querelles communautaires belges, l'indifférence française pour le destin du fleuve quand il coule en aval, la multitude d'instances appelées à se prononcer sur le destin de la Meuse, qui traverse trois pays et se moque bien des frontières, sont autant de facteurs qui ont compliqué la mission du CEAM.
1. Les négociations franco-belges sur le barrage de la Houille.

La Meuse prend sa source dans le plateau de Langres (130), dans l'arrondissement de la Haute-Marne, en France. Avant même de franchir la frontière belge, elle est soumise à un certain nombre de déversements de déchets provenant des industries françaises. Cette pollution doit être absorbée par le fleuve ; elle ne peut être trop élevée, aussi bien pour les riverains de la Meuse que pour l'équilibre écologique général et la santé de ceux qui en utilisent les eaux comme boisson.
D'où l'importance pour la Belgique d'un débit suffisant du fleuve, dont le niveau et la rapidité d'écoulement doivent être assez importants pour éviter la concentration de la pollution.
Ces travaux de relèvement du débit et de la profondeur de la Meuse sont en outre vitaux pour l'industrie et le commerce wallon, car ils permettent aux bateaux d'un plus gros tonnage d'accéder aux centres industriels wallons.
Les services techniques belges ont donc réalisé nombre d'études sur les sites qui pourraient convenir à l'établissement d'un barrage, seule solution technique qui permettrait de résoudre ces deux problèmes. Il est apparu rapidement que la seule localisation possible pour ce barrage devrait être la vallée de la Houille, non loin de Givet, en territoire français. D'où un problème aigu dont les deux parties seront bien conscientes : comment convaincre l'opinion publique française de la nécessité d'entreprendre des travaux coûteux qui ne seraient profitables qu'à la Belgique ?
Après une réunion à Mézières, le 25 juin 1976, un compromis se dessine : la Belgique devra elle aussi s'engager à entreprendre certains travaux profitables à l'économie française, en échange de quoi les travaux sur la Houille seront réalisés. La France entend notamment que le canal du Centre dans le Hainaut, vital pour les relations économiques entre le Nord-Pas-de-Calais et la Belgique, soit aménagé pour favoriser le transit de bateaux d'un plus important tonnage. Elle vise particulièrement la réalisation de travaux qui permettent le franchissement de la chute de Strépy-Bracquegnies.
Le CEAM, conscient du fait que les dossiers du Canal du Centre et de l'indispensable réservoir de la Houille étaient intimement liés, soutiendra avec vigueur les travaux qui aboutiront à la construction des fameux ascenseurs de Strépy (131). Il initiera par ailleurs une vaste entreprise de conscientisation des autorités belges sur l'urgence des travaux sur la Houille, reprenant inlassablement son œuvre d'information, et multipliant les contacts avec les autorités françaises et particulièrement avec la Champagne-Ardenne. De surcroît, tout au long des années 1980, le CEAM entretint une importante correspondance avec le Ministre Olivier en charge des Travaux Publics et réussit à accélérer la rénovation du cours de la Meuse depuis Namur jusqu'à Givet : le 24 mai 1983 sont entrepris les chantiers des barrages de Givet et de Tailfer.
L'exaucement des souhaits français, posé comme préalable à tout travail sur la Houille, amène les autorités françaises à considérer la demande belge de façon plus favorable. La construction d'une centrale nucléaire à Chooz au début des années 1980, à la frontière franco-belge le long de la Meuse, ne fait aux yeux du CEAM que rendre la construction d'un barrage sur la Houille encore plus indispensable : les déchets importants rejetés par la centrale imposent la réalisation rapide de travaux permettant le relèvement de l'étiage du fleuve. Est particulièrement visée la salinisation des eaux : la centrale nucléaire déverse une grande quantité d'acide sulfurique (à haute teneur en sel), qui réduit d'autant les quantités de déchets que la Belgique pourra déverser dans ses eaux, selon les normes fixées antérieurement avec les Pays-Bas (132).
Enfin, le 23 mai 1984, une rencontre entre les Secrétaires d'État belges et français à l'Énergie, MM. Auroux et Knoops, permet de croire que le dénouement est proche : un accord de coopération sur la centrale de Chooz est signé et la France s'engage à entreprendre des travaux sur le réservoir de la Houille, à condition que la Belgique s'engage à participer aux frais. Pourtant la situation s'enlise et le barrage sur la Houille, malgré les efforts importants du CEAM, ne sera pas réalisé.

2. Les négociations avec les Pays-Bas.

2.1. Le cadre général : la gestion des voies d'eau communes .

Depuis plus de 150 ans, la question de la gestion des voies d'eau communes aux Pays-Bas et à la Belgique a empoisonné leurs relations (133). On a l'habitude de regrouper sous le terme générique des traités Escaut-Meuse une série de problèmes très aigus en cette matière (134) ; ces sujets difficiles seront liés artificiellement à la question de l'agrandissement des écluses de Lanaye. En toile de fond, les rivalités économiques entre les deux grand pays, et en particulier la concurrence acharnée que se livrent les ports d'Anvers et de Rotterdam.
Le problème de la gestion des fleuves communs à la Belgique et aux Pays-Bas se posa tout naturellement dès l'indépendance de notre pays (135). Le traité des XXIV articles, signé le 14 octobre 1831 à Londres, règle la configuration de la Belgique ; il autorise la Hollande à percevoir des droits de navigation sur les navires partant ou se dirigeant vers Anvers par l'Escaut et contraint les Pays-Bas à maintenir de bonnes conditions de navigabilité sur celle-ci. Ce traité est enfin accepté en 1839 par Guillaume d'Orange (136).
En mai 1863, Charles Rogier, Ministre des Affaires étrangères, signe à La Haye une convention de rachat du péage négociée par Lambermont pour la somme de 17 millions cent mille florins (137). Surtout un nouveau traité est conclu à La Haye : il concerne la réglementation des prises d'eau sur la Meuse au profit du Limbourg hollandais et de Liège (138). Ce traité est bien distinct de la convention entre la Hollande et la Belgique sur le rachat des droits de péage, rachat auquel participent d'ailleurs les puissances étrangères, également pénalisées par cet ancien vestige d'un " droit féodal ".
Ces modifications juridiques n'empêchent pas le Traité de Londres de produire encore tous ses effets en plusieurs matières parfois très problématiques pour la Belgique, comme l'entretien de l'Escaut dans son cours maritime, qui est entièrement à charge des Pays-Bas-qui ont donc une puissance discrétionnaire en ce domaine-et l'absence d'instance pouvant permettre la résolution rapide et désintéressée des conflits entre les deux pays.
Plusieurs tentatives de révision de ces dispositions ont avorté : en 1920, en 1925 (139)... La modification des anciennes dispositions du Traité de Londres avait toutefois été liée par les milieux d'affaires anversois comme rotterdamois à d'autres questions économiques de première importance : les premiers projetaient de relier le Port d'Anvers à cette très importante zone d'activité économique qu'était le Rhin moyen, dont le trafic était, en raison de la configuration du réseau hydrographique, naturellement dirigé vers Rotterdam : la construction d'un canal Escaut-Meuse (par le canal du Moerdijk, sur le territoire hollandais) puis Meuse-Rhin (par le canal de Ruhrort, joignant les Pays-Bas et l'Allemagne) aurait permis de drainer vers Anvers une partie de ce trafic ; la Belgique, quant à elle, consentait à certains travaux qui favorisaient les intérêts néerlandais en unissant les portions canalisées de la Meuse liégeoise aux portions canalisées de la Meuse hollandaise qui n'était navigable alors que jusqu'à Maasbracht [NL], bien au nord de Maastricht (140). Les milieux portuaires rotterdamois, qui caressaient ainsi l'espoir de faciliter le transit entre la Meuse hollandaise et belge-avec en ligne de mire le nord de la France, étaient toutefois très hostiles à la construction du canal Escaut-Meuse-Rhin. Ce dernier présentait le risque de briser leur monopole, ce qui a entraîné l'échec de la proposition de 1925 ; quant aux milieux portuaires anversois, il semble que leurs appétits aient conduit une première fois à l'échec, en 1920. Les deux tentatives de révisions des traités ont donc achoppé sur ces divergences d'intérêts.
En raison de la ruine de ces entreprises, les Pays-Bas comme la Belgique vont entreprendre unilatéralement de grands travaux coûteux : les premiers construisent le Canal Juliana qui étend la navigabilité de la Meuse de Maasbracht jusque Maastricht ; il est inauguré le 19 décembre 1935. La Belgique, de son côté, riposte par la construction du canal Albert joignant l'Escaut, donc Anvers, à la Meuse liégeoise (141). Nous ne nous appesantirons pas sur le procès intenté le 1er août 1936 auprès de la Cour permanente de Justice internationale par les Pays-Bas à la Belgique (142), procès qu'ils ont perdu en 1937 : les Pays-Bas s'appuyaient sur un traité belgo-hollandais (12 mai 1863) qui réglementait les prises d'eau en amont des Pays-Bas ; ils avaient pour but d'empêcher cette prise par le canal Albert. Mais, déboutés, les Pays-Bas ont dû se résoudre à l'existence de ce dernier.
2.2. Le dossier de la fourniture d'eau douce et les intérêts anversois.

À la suite des graves tempêtes de 1953, les Pays-Bas avaient projeté de protéger leurs côtes par des barrages qui auraient ainsi créé de véritables lacs d'eau douce. Mais ces derniers étaient menacés par un projet belgo-allemand : il était vital pour le Port d'Anvers de réaliser une liaison Escaut-Rhin qui passait par le territoire néerlandais (143) et dont la réalisation impliquait un risque de salinisation des eaux douces des Pays-Bas. En 1953, il fut donc convenu entre les deux pays que les travaux de cette liaison seraient entrepris majoritairement aux frais de la Belgique et que celle-ci fournirait en outre une grande quantité d'eau douce aux Pays-Bas pour compenser les désagréments apportés par la liaison ; de surcroît, le barrage du Kreekrak, en territoire néerlandais, serait conçu de manière à limiter la salinisation des eaux. Toutefois, les grands barrages côtiers ne furent pas réalisés aux Pays-Bas. La fourniture d'eau douce par la Belgique perdait sa raison d'être. Les milieux politiques et économiques hollandais entendaient toutefois garantir celle-ci. Une autre pomme de discorde allait leur donner l'occasion de réexprimer leurs revendications.
En 1975, la nécessité pour le Port d'Anvers d'agrandir ses installations marqua le départ de nouvelles négociations houleuses. Le port, en effet, avait élargi le cours de l'Escaut en territoire belge. Pour que ces travaux soient réellement efficaces, il fallait néanmoins procéder à d'autres élargissements en terre batave, sur le coude de Baalhoek [NL] (144). Par ailleurs, il fallait supprimer le coude de Bath, en territoire hollandais, qui empêchait le passage des navires de gros tonnage. Les Pays-Bas se montraient naturellement peu empressés de se livrer à des travaux qui renforceraient la position économique d'Anvers, concurrente directe du port de Rotterdam. Ils cherchèrent donc à obtenir le maximum de concessions du gouvernement belge en d'autres matières.
C'est ainsi que furent signés en 1975 deux accords prévoyant la construction du Canal de Baalhoek et la suppression du Coude de Bath, aux frais du gouvernement belge, tandis que le gouvernement néerlandais assurerait l'entretien des constructions. Comme prix de cet accord, un troisième traité fut signé qui imposait des conditions draconiennes en matière de qualité des eaux (145). C'était le traité Meuse, qui reprenait certaines des exigences néerlandaises formulées en 1961 à la suite de la construction de la liaison Escaut-Rhin. Il s'agit de garantir un débit minimal d'écoulement de la Meuse par l'établissement de barrages sur le fleuve et de fixer des normes d'épurations très sévères. À nouveau, les Pays Bas espéraient ainsi augmenter leurs réserves en eau douce dont ils manquent cruellement (146). Est de surcroît instituée une Commission internationale de la Meuse qui a pour mission de contrôler l'application du traité et serait seule compétente, à l'exclusion de toute autre juridiction, pour juger les manquements à la convention entre la Belgique et les Pays-Bas (147).
2.3. La communautarisation du dossier : colère des milieux politiques et économiques wallons.

Ces conditions pour le moins sévères mettront en colère le Conseil économique régional pour la Wallonie (C.E.R.W.) et, avec lui, les milieux économiques de Wallonie qui refusent de payer le prix de travaux qui profitent exclusivement à la Flandre. Il apparaissait alors que les lois les plus récentes sur la régionalisation des compétences en matière d'eau n'ont pas été respectées. Dès lors, le traité n'est pas appliqué et le dialogue avec les Pays-Bas s'enlise.
Le CEAM mène à ce moment une politique active pour qu'une solution de concorde soit trouvée. Dès 1978, Pierre Clerdent publie une série de brochures relatives au problème (148). Dans Le traité Meuse ; plusieurs éléments pour une concertation, il plaide pour une solution équitable pour tous : une renégociation où chacun définira clairement ses objectifs et positions en se basant sur des données scientifiques réalistes et en prenant en compte les impératifs économiques et politiques (149). Dans L'utilisation des eaux de la Meuse (150), il lie les problèmes du réservoir de la Houille (151) et de l'augmentation du débit de la Meuse : la création du réservoir permettrait de fournir une quantité d'eau suffisante aux Pays-Bas. De surcroît, il affirme que ces derniers seraient disposés à revoir à la baisse leurs exigences en matière de qualité des eaux pour arriver à un début d'accord. Pour cela, il serait nécessaire que la Belgique respecte les normes prônées par la CEE Enfin, dans Pour une politique wallonne de l'eau (152), il rappelle avec fermeté la position des milieux économiques wallons pour qui les compétences du gouvernement fédéral, certes importantes en matière d'eau, ne doivent pas empêcher la Wallonie de faire entendre sa voix dans un domaine pour lequel elle a des compétences bien définies depuis la loi spéciale de réformes institutionnelles du 8 août 1980 (153).
Malgré ces efforts de concertation fermement soutenus par le CEAM, les négociations traîneront en longueur et sont entachées par des querelles communautaires. En 1986, un comité de concertation entre la Belgique et les Pays-Bas est mis sur pied par le gouvernement national, sans concertation avec les entités fédérées et malgré les prescrits des lois spéciales d'organisation des Communautés et Régions. La Région wallonne, craignant de voir ses exigences foulées aux pieds par une Commission trop sensible aux intérêts flamands, dépose un recours devant le Comité de concertation. Une nouvelle commission belgo-néerlandaise reprend ses travaux : tous les niveaux de pouvoir y sont associés, ce qui n'empêche pas les négociations de piétiner (154).
2.4. Un moyen de pression sur la Wallonie : la liaison Oelegem-Zandvliet.

Les milieux économiques anversois disposent néanmoins d'un moyen de pression sur la Wallonie afin de la contraindre à livrer de l'eau selon les critères posés par les Hollandais : la liaison Oelegem-Zandvliet. Le canal Albert, en effet, n'est pas adapté sur tout son cours aux gros tonnages qui peuvent difficilement accéder au Port d'Anvers. D'où l'idée de contourner les goulots d'étranglement en construisant une liaison alternative sur un tronçon de la voie fluviale, le Canal Oelegem-Zandvliet. Sa réalisation permettrait aux gros bateaux liégeois (155) d'accéder directement au Port d'Anvers. Le problème est que, depuis 1991, la liaison Oelegem-Zandvliet n'est plus dans la liste des travaux prioritaires du gouvernement flamand et paraît même menacée par l'établissement d'un parc industriel.
On voit que l'imbroglio paraît presque inextricable : des aménagements de l'Escaut exigés par les Anversois, mais qui doivent être menés sur le sol hollandais ; les Pays-Bas qui exigent en retour des normes très sévères pour l'eau wallonne, tandis que les milieux économiques liégeois espèrent l'aménagement du canal Albert par la Flandre. Il paraît très difficile d'espérer voir les dossiers se résoudre de manière simultanée, d'autant que l'augmentation du débit mosan pouvait être tributaire de l'aménagement du bassin de la Houille, en France.
Pourtant, au printemps 1993, les négociations reprennent. Les gouvernements wallons, flamands, de Bruxelles-Capitale, de France, d'Allemagne et des Pays-Bas se mettent d'accord sur l'idée de deux commissions internationales chargées de surveiller la Meuse et l'Escaut (156). Enfin, le mardi 26 avril 1994 (157), un accord est signé entre les différents participants, à l'exception de la Région flamande dont le ministre De Batselier refuse la ratification du Traité. Liège devient le siège de cette commission de surveillance de la Meuse. Cette heureuse solution a été permise par l'acceptation par les Pays-Bas de voir intervenir d'autres partenaires dans la concertation, comme la France et l'Allemagne, et a été favorisée par la séparation du dossier de la qualité des eaux des autres dossiers d'Oelegem-Zandvliet et de Bath-Baalhoek.
C'est ainsi que le Comité international tient sa première séance le 12 mai 1995, sous la présidence de J.-S. Schmitz, directeur du centre Environnement de l'Université de Liège, tandis que le Comité pour l'Escaut aura finalement son siège à Anvers (158).
1995 sera aussi l'année qui marquera la signature d'un accord entre les trois Régions belges en matière de voies hydrauliques (159) : la Communauté flamande s'engage à maintenir le tracé de la liaison Oelegem-Zandvliet, vitale pour l'accès des bateaux liégeois au Port d'Anvers, tandis que la Wallonie s'engage à soutenir les efforts flamands pour obtenir l'approfondissement de l'estuaire de l'Escaut du côté hollandais. La situation, après de longues années, se débloque partiellement ! Reste en effet l'épineux problème de l'aménagement de l'Escaut, qui doit encore être négocié avec le gouvernement néerlandais.
2.5. Les négociations avec les Pays-Bas : le bouchon de Lanaye
(160).
Les négociations entre la Belgique et les Pays-Bas en matière d'eau ont mis en jeu des questions extrêmement complexes, comme on l'a vu plus haut (161) : aménagement par les Pays-Bas de coudes de l'Escaut pour favoriser le transit vers Anvers ; en retour, nécessité pour les Wallons de consentir à de grosses dépenses pour améliorer la qualité de la Meuse coulant vers les Pays-Bas ; question du bras de canal Oelegem-Zandvliet augmentant le tonnage des bateaux se dirigeant vers Liège : depuis l'indépendance de notre territoire, on ne compte plus les dossiers qui ont fait l'objet d'âpres négociations entre les deux parties et qui ont traîné en longueur pendant des années. Il est, dans toutes ces questions délicates, un dossier épineux qui a longtemps servi de monnaie d'échange aux milieux économiques flamands, car il était avant tout favorable à la région liégeoise : il s'agit de la question du Bouchon de Lanaye qui a revêtu une importance emblématique en matière communautaire et n'a pas été sans signification pour le Mouvement wallon, puisqu'elle mettait en question la libre détermination par la Wallonie de sa politique économique (162).
Les constructions du canal Albert, d'une part, et du Canal Juliana, d'autre part, ont satisfait les milieux économiques anversois et rotterdamois à qui ils avaient surtout été favorables. La région liégeoise était quant à elle handicapée par certains problèmes. Liège possède en effet un port dont le dynamisme important joue encore actuellement un rôle moteur pour l'économie de la région liégeoise (163).
Ce port était toutefois limité dans son extension par des problèmes de communication entre différentes voies navigables, et particulièrement, entre le canal Albert et le Canal Juliana qui auraient pu être directement reliés par l'intermédiaire de la Meuse. La région liégeoise aurait ainsi été mise en contact avec la région rhénane par le biais du Canal Juliana et du Waal et aurait donc été accessible aux bateaux de gros tonnage rhénans. Mais le passage de l'un à l'autre était rendu difficile par ce que l'on appelle le " Bouchon de Lanaye ". Il s'agit ici, pour reprendre l'argumentation de Fernand Dehousse qui a bien défini la question dans une brochure polémique, d'un problème double :
1° en 1939, l'écluse de Lanaye, située à la frontière belgo-hollandaise, n'était encore accessible qu'à des bateaux de faible tonnage (600 tonnes).
2° En aval, la portion du canal Liège-Maastricht (164) située en territoire hollandais n'autorisait que le passage de bateaux d'un enfoncement d'1 m. 90, ce qui réduit la praticabilité de la liaison Meuse-Rhin qui n'est plus accessible qu'à des bateaux d'un tonnage encore plus faible (450 tonnes).
Ce tonnage moyen est évidemment largement inférieur à celui des gros bateaux rhénans. Ceci privait donc Liège d'une clientèle de gros porteurs qui allait ou venait de Rotterdam, Amsterdam ou au contraire comptait descendre la Meuse pour emprunter le Rhin.
En cette matière, le principal opposant à la suppression du Bouchon de Lanaye fut la Flandre qui partageait les inquiétudes du Port d'Anvers : ce dernier voyait d'un mauvais œil la levée des difficultés liégeoises et craignait que certains navires de taille moyenne, bloqués par le bouchon de Lanaye mais d'un tonnage qui leur permettait d'emprunter le canal Albert, ne soient naturellement drainés vers Rotterdam plutôt que vers Anvers si le bouchon de Lanaye venait à sauter (165). Surtout, le blocage anversois a été interprété par les nationalistes wallons comme un indice de la volonté des milieux portuaires d'instrumentaliser le dossier pour s'en servir comme monnaie d'échange dans les délicates négociations sur l'élargissement de l'Escaut, comme dans celui de la qualité de l'eau wallonne. Ainsi Lanaye devenait, avec la liaison Oelegem-Zandvliet, un instrument de pression sur les Wallons, pour qu'ils acceptent de soutenir la demande flamande de création du canal du Moerdijk-unissant l'Escaut au Rhin, par le territoire hollandais, puis plus tard de financer les coûteux travaux d'assainissement des eaux exigés par les Pays-Bas.
Dès 1945, le Conseil économique wallon mène une intense activité de lobbying afin de sensibiliser le gouvernement belge à la question de Lanaye ; en vain : les travaux, pourtant relativement peu coûteux, ne sont pas entrepris malgré les bonnes dispositions du gouvernement hollandais enclin, quant à lui, à financer les aménagements qui lui incomberaient en matière d'élargissement des voies navigables du côté du Canal de Maastricht. Le Conseil économique wallon, l'A.S.B.L. le Grand Liège multiplient réunions et études... sans résultat : les dossiers du Canal du Moerdijk, inacceptable aux yeux des Pays-Bas, et de Lanaye sont toujours liés par la volonté politique flamande.
La clé du blocage résidait pour une large part dans l'attitude des puissants milieux économiques anversois qui se sont longtemps montrés les plus farouches opposants à la réalisation des travaux à la frontière belgo-hollandaise. En 1955, un basculement significatif se produit : le gouverneur Clerdent, accompagné d'une délégation de personnalités liégeoises, réussit après 15 mois d'âpres négociations à infléchir l'attitude anversoise : l'heure n'est désormais plus à la méfiance, mais à la collaboration entre les milieux portuaires anversois et liégeois : en février 1955, les deux villes lient leur destin économique par la signature d'un accord s'engageant à coopérer en matière économique.
Dès lors, après des années de tergiversation et de pression, le financement des travaux sur l'écluse fut enfin trouvé : en 1957, les travaux sont adjugés ; en 1961, un traité était signé avec la Hollande ; les travaux débutaient enfin et une écluse de 2000 T. était construite à Lanaye, ce qui fit affirmer triomphalement au Ministre des Travaux publics Jean-Joseph Merlot, lors de l'inauguration du 11 décembre 1961, que " le bouchon de Lanaye venait de sauter " (166).
Rien n'était hélas plus faux : pour que la Meuse liégeoise soit accessible aux plus gros tonnages, il était en effet nécessaire de revoir aussi le régime des prises d'eau entre Lanaye et Maastricht, réglées par le traité signé en 1863 entre les Pays-Bas et la Belgique (167). Les négociations vont s'enliser jusqu'aux années 1990. Dans le cadre de la renégociation des traités Escaut-Meuse, le dossier de Lanaye va être lié par les milieux politiques hollandais à celui de la pollution des eaux de la Meuse (168), et ce pendant une trentaine d'années. Le CEAM, par la voix de Pierre Clerdent, multipliera démarches, brochures et interventions publiques pour débloquer la situation.
Celle-ci ne fera encore que se compliquer avec la nécessité de construire une quatrième écluse adaptée aux nouveaux besoins de la batellerie et qui permettrait le passage des bateaux de 4500 T. La construction de celle-ci impose de s'attaquer à une portion de territoire réduite, la Frayère du Petit Gravier, située sur le territoire de la commune de Visé et devenue une réserve écologique exceptionnelle. Elle s'était constituée de manière fortuite, lors des modifications de tracé des eaux de la Meuse dans les années 1960.
La quatrième écluse est vivement contestée par les milieux écologistes (notamment José Daras) et la commune de Visé. Pourtant, en mai 1994, le Ministre des Travaux publics de la Région wallonne Jean-Pierre Grafé déclare vouloir absolument finaliser le projet d'écluse à Lanaye. Contact est pris avec le professeur Ruwet du service d'éthologie de l'Université de Liège, qui prévoit un plan de déplacement du site naturel en amont, dans la nouvelle gravière.
Un accord est signé le 30 mai 1994 entre Jean-Pierre Grafé et Hanja Maaj-Weggen, son homologue hollandais, pour la construction d'une quatrième écluse sur la Meuse. La CEE s'engage à intervenir à concurrence d'un million d'écus au financement des travaux. En 1995 (169) et 1996, le financement est encore en cours de discussion ; la Région paye en partie les travaux par des emprunts réalisés par la Sofico, société prête-nom qui lui permet de contracter une dette " occulte " ne s'inscrivant pas dans le budget ordinaire (170). Les discussions font encore rage sur les dimensions exactes à donner à l'écluse : doit-elle laisser passer des navires de 4500 ou de 9000 T. ? L'option qui semble avoir les faveurs des experts (171) semble être celle des 9000 T., décision qui est maintenant acquise. En 2000, les travaux n'ont pas encore débuté, et les études préparatoires sont toujours en cours de réalisation. La fin des travaux est prévue par la Sofico pour juin 2011 (172).
3. La liaison Meuse-Rhin.

L'enlisement du dossier du bouchon de Lanaye imposait de trouver des solutions alternatives permettant d'assurer la liaison économique entre la Meuse et le Rhin : il s'agissait encore une fois d'unir la destinée de la Meuse au formidable hinterland industriel des régions traversées par le Rhin et le Danube. Ce projet ambitieux passait par deux axes potentiels : relier Neuss, soit par le biais du canal Albert, en partant de Visé, ou en partant de Born, par la Meuse hollandaise et le Canal Juliana (173).
Un tel projet était d'un grand intérêt économique : le but principal est d'unir les régions industrielles liégeoises et d'Aix-la-Chapelle, afin de faciliter les échanges de marchandises au sein de l'Euregio, de viser au-delà les centres industriels de Rheydt, Münchengladbach et naturellement de Neuss, afin de provoquer la naissance de nouvelles entreprises (174) et, au-delà, de permettre aux bateaux en provenance du Rhin d'accéder au Port d'Anvers, en évitant sur une grande part du tracé les voies fluviales hollandaises.
Il est évident que les milieux liégeois préféraient le tracé Visé-Neuss. De surcroît, ils se rendaient compte que cette liaison serait surtout profitable à la Belgique et à la R.F.A. ; les Pays-Bas ayant peu à en attendre préfèrent au contraire freiner ce projet pour profiter des liaisons existantes avec le fleuve rhénan pour développer leurs ports (175).
En 1983 et 1984, une étude de la CEE a démontré tout l'intérêt économique de cette liaison pour la Belgique et, dans une moindre mesure, pour l'Allemagne. Elle a aussi confirmé le peu de retombées économiques pour les Pays-Bas. Bien plus, celle-ci pourrait être un danger pour la navigation sur les fleuves hollandais, particulièrement sur le Waal et le bas Rhin hollandais dont les cours doivent être approfondis. Cette étude avait aussi montré que pour être rentable, la liaison devait permettre le passage de bateaux d'un tonnage important : 9000 T (176). Ceci impliquait évidemment des investissements importants en matière d'aménagement fluviaux.
Ce problème eut raison du projet de liaison directe Meuse-Rhin, qui n'aboutit pas : l'activisme méritant du CEAM ne put y faire grand-chose. Le bouchon de Lanaye, par exemple, devait sauter pour permettre aux bateaux d'un tonnage important d'avoir accès à la région liégeoise et à Anvers. La mise au gros gabarit des derniers goulots d'étranglement du canal Albert n'a quant à elle été entreprise que très récemment ; au moment où l'idée de liaison était évoquée, elle semblait encore hypothétique. Les tergiversations hollandaises (177) et même allemandes finirent de contenir le projet dans la catégorie des belles idées non réalisées. Les milieux politiques allemands, à l'exception notable du noyau dur des industriels d'Aix-la-Chapelle, paraissaient en effet convaincus du fait que les retombées économiques profiteraient essentiellement à Liège, mais peu à l'Allemagne. P. Clerdent dut batailler ferme pour éviter que ne soit levée l'interdiction allemande de construire sur le tracé projeté de la liaison (178).
De même, il fallut les interventions du Ministre de Croo auprès du Comité européen des Ministres des Transports, en 1984, pour que la liaison Meuse-Rhin soit maintenue comme projet d'aménagement d'intérêt européen (179). Elle ne sera finalement retenue que comme " non prioritaire ".
Actuellement, le projet de liaison, en tout cas pour les gros porteurs, est suspendu à la réalisation de la quatrième écluse de Lanaye, véritable porte vers le Canal Juliana, et au-delà vers le Rhin et le Danube. Le transit des 2500 T. est, quant à lui, une réalité économique importante pour le Port de Liège.
4. Les relations Anvers-Liège .

Cela fait maintenant près d'une cinquantaine d'années que les milieux économiques belges et anversois ont pris conscience de la communauté de certains de leurs intérêts économiques (180). Dans cette prise de conscience, le CEAM et l'activité de son Président, le Gouverneur Clerdent, ont joué un rôle certain.
Or les milieux économiques anversois ont longtemps freiné le développement du Port de Liège, ne voulant pas lui permettre de concurrencer Anvers ni de s'insérer dans un courant économique " Nord-Sud " l'unissant à Rotterdam et au bassin rhénan, d'une part, au nord de la France, d'autre part. C'est ainsi que le canal Albert a été conçu de manière à ne pas permettre le passage de bateaux de grand tonnage, empêchant ainsi Liège de devenir un véritable " Port de Mer ". De même, les milieux d'affaires anversois ont longtemps bloqué le dossier du bouchon de Lanaye en le liant artificiellement au dossier du Canal du Moerdijk.
Cette hostilité commune est enterrée le 23 février 1955 : grâce aux tentatives de rapprochement initiées par Pierre Clerdent, une déclaration commune Anvers-Liège est signée. L'époque de la concurrence et de la méfiance stérile est révolue ; consciente que leur destin est uni par le canal Albert, la Métropole et la Cité ardente décident de collaborer sur plusieurs dossiers qui dépassent le cadre strictement fluvial. Tout d'abord, les deux villes n'ont cessé de soutenir la remise en état du canal Albert, endommagé par la guerre ; elles ont combattu de front pour la suppression des bouchons de Wijnegem et de Lanaye et ont bataillé pour la réalisation de l'autoroute Anvers-Liège. Enfin, les ports de Liège et d'Anvers ont combattu les prétentions du Port de Zeebrugge qui cherchait, au prix de travaux coûteux, à se positionner comme une alternative à Anvers, ce dont Liège ne voulait évidemment à aucun prix.
En 1985, P. Clerdent plaide pour un renouvellement de cet accord de coopération (181). Il craint que la collaboration entre les deux villes ne se soit doucement délitée ; il sait aussi que l'opinion publique a la mémoire courte ; à une époque où les querelles communautaires sont fort âpres, il importe, selon lui, de montrer que les sphères d'intérêt wallonnes et flamandes peuvent se rejoindre. Il tient à rappeler à certains milieux économiques anversois, qui semblent en être peu conscients, que certaines questions, comme le canal Oelegem-Zandvliet, sont aussi importantes pour Anvers que pour Liège.
L'essentiel du malaise anversois est causé par la position wallonne dans les traités de l'eau. On sait que les milieux économiques de Wallonie refusent de céder aux exigences hollandaises en matière de qualité des eaux (182), ce qui handicape gravement les chances du Port d'Anvers de voir réalisés les travaux sur l'Escaut hollandais, travaux qui sont vitaux pour le développement de la Métropole qui souffre déjà d'une concurrence féroce avec la proche Rotterdam.
P. Clerdent s'efforce dès lors de plaider la cause wallonne et de faire comprendre en quoi les exigences hollandaises mettent à mal les intérêts économiques les plus fondamentaux des Wallons.
Un autre dossier dans lequel il se fait l'avocat du renforcement de la solidarité entre Anvers et Liège est celui du TGV Selon lui, il est à craindre que les querelles communautaires n'en viennent à affaiblir la position liégeoise au sein des négociations intergouvernementales pour le choix du tracé de celui-ci, au profit de la ville de Beek, dans le Limbourg hollandais. Pierre Clerdent compte bien sur le soutien de la Métropole pour réaffirmer la nécessité d'un arrêt à Liège. Il en profite pour souligner qu'Anvers doit se trouver, quant à elle, comme point d'arrêt sur la ligne Paris-Bruxelles-Amsterdam.
Ce plaidoyer du Comte ne fut pas sans effet : le 6 octobre 1995 (183), après que des contacts répétés aient fini de rapprocher les deux entités portuaires, une nouvelle déclaration commune était signée sur les aménagements à apporter au canal Albert. Sans doute cet accord était-il d'une moindre envergure que la déclaration de politique commune de 1955. Mais, outre la question des traités Escaut-Meuse, un autre élément était venu empoisonner le débat : la menace du groupe Cockerill (184), client à mesure de 10% du Port d'Anvers, d'utiliser les infrastructures rotterdamoises plutôt qu'anversoises, en raison des tarifs élevés de la Métropole et de l'interdiction de naviguer le dimanche sur le canal Albert. Voilà qui eut sans doute pour effet de précipiter l'accord entre les deux cités (185)... et de laisser dans l'ombre d'autres revendications communes, comme les ponctionnements fiscaux qu'enduraient les deux villes.
Enfin, en février 1996, la Région flamande inscrit à son budget les travaux nécessaires à la modernisation du canal Albert. Ceux-ci, selon le plan d'œuvre, seront terminés entre 1999 et 2001.

Archives

Soucieux de la pérennité de ses archives, le liégeois P. Clerdent livra une trentaine de caisses de documents en août 1999 aux Archives de l'État à Liège. Nous ne pouvons que louer ce geste prévoyant qui permettra aux futurs historiens de suivre la carrière de cet homme politique. Il est en effet parfois à déplorer que des personnalités négligent de le faire : les archives, si elles ne sont pas déposées dans des centres adéquats, se dispersent ou disparaissent, souvent sous l'effet de la famille ; quoique des centres tendent à rassembler les documents concernant leur parti. Malheureusement le comte Clerdent n'eut pas le temps de signer le protocole de consultation de ses archives.

Contenu

Force est de constater le manque d'archives sur la période de guerre ; toutefois cette absence peut s'expliquer. Il convenait en effet de produire le moins d'archives possible afin de ne pas multiplier les documents gênants en cas d'arrestation par les Allemands. Les documents concernant l'Armée de Libération sont en réalité des procès-verbaux de réunions ou des statuts de l'Association de Résistants.
Nous n'avons rien découvert sur l'UDB dans les archives qui furent déposées. Les documents sur ce sujet se trouvent principalement au CEGES de Bruxelles ou en possession d'autres institutions, voire d'autres acteurs.
Tant à Arlon qu'à Liège, rien ne concerne la période où P. Clerdent fut gouverneur de la province de Luxembourg. Contact fut pourtant pris avec les Archives de l'Etat, la secrétaire du Gouverneur Caprasse, le Centre J. Gol et le MR. Nous avons là un hiatus gênant dans sa carrière. Certes la période fut relativement courte (huit ans). En outre, le temps a sans doute réalisé son œuvre destructrice : il a déjà fallu trier, des documents ont pu s'égarer.
Les archives du gouverneur de Liège sont moins abondantes que celles du sénateur, probablement pour les mêmes raisons. Nous ajouterons qu'elles étaient déjà préclassées : les archives étaient rangées par dossiers dans des classeurs.
Par soucis d'exhaustivité, nous avons également pris contact avec la section liégeoise du MR : il est fort peu probable que des archives s'y trouvent mais un léger doute subsiste, notamment en raison du manque d'informatisation des archives.
Les documents qui furent déposés durant l'été 1999 couvrent l'époque où il était gouverneur de la province de Liège et sénateur. On y trouvera des dossiers préparés, des discours sous leurs différentes moutures, des documents de campagne électorale, de l'information rassemblée dans le but de comprendre ou prendre parti dans une problématique (réforme de l'État, avortement,..). La plupart des archives touchent cependant à l'économie puisque P. Clerdent fut notamment président du Conseil d'administration de Cockerill de 1971 à 1979 et tenta de redynamiser la région liégeoise durement touchée par la crise.
Ces considérations nous amènent à nous préoccuper de ses centres d'intérêt. Le fait que P. Clerdent désira garder les dossiers TGV est une nouvelle illustration de ce fait notoire : il fut un grand défenseur de l'arrêt de ce TGV à Liège.
Les documents concernant l'écluse de Lanaye furent livrés plus tard ; lorsqu'on considère le nombre de caisses contenant les archives du CEAM dont il fut du reste fondateur et président, on se rend compte que l'aménagement de la Meuse était un thème important à ses yeux.
En parcourant le présent inventaire, le lecteur remarquera que les questions de communication (qu'elles soient routières, autoroutières, fluviales, ferroviaires, voire aériennes) prennent toujours une grande place, de même que les questions pétrolières .
La part économique de ses archives dépasse de loin la partie politique. Même dans ce que nous avons classé sous l'étiquette politique se cachent des réalités économiques ou politico-économiques (aéroport, transports, démographie, énergie, expansion économique travaux publics) ; en outre P. Clerdent présida le Synergium Europe/Japon de 1983, manifestation qui avait pour but d'intensifier les contacts entre nos régions et le Pays du Soleil Levant. En parcourant les archives, on comprendra comment P. Clerdent a construit ses discours et surtout d'où il tirait son information ; la démarche de cet homme politique sera alors mieux comprise. Les archives du second versement furent utilement intégrées à l'inventaire.
En outre, Liégeois de naissance et de cœur, P. Clerdent fut toujours sensible à la défense des intérêts de la Cité Ardente.

Mode de classement

Premier classement

Dans un premier temps, nous exposerons notre démarche et les lignes directrices qui ont prévalu dans le classement.
Les archives relatives à l'époque où P. Clerdent était gouverneur de la province de Liège étaient déjà classées : des dossiers avaient été constitués. La règle de respect des fonds nous imposait de conserver ce classement ; aussi n'y avons-nous pas renoncé d'autant plus qu'il était assez judicieux. Par contre, les autres documents devaient être traités : parfois des classeurs rassemblaient des archives concernant un même thème.
Nous avons créé trois catégories (politique, économie, vie publique) dans lesquelles nous avons réparti les groupes de documents selon un classement thématique ou structurel. Dans une même catégorie, c'est le classement alphabétique qui a été retenu car il est le plus commode pour le lecteur.
Il fallait également jeter certains documents inutiles : nous avons retiré, pour des raisons évidentes, les doubles. En outre furent supprimés les coupures de presse et les extraits du Moniteur qui représentaient la majorité des documents. Nous les avons toutefois laissés dans le fonds lorsqu'ils étaient annotés ou, comme c'est le plus souvent le cas, soulignés au marqueur fluorescent bleu.
Les livres ont quitté le fonds pour rejoindre la bibliothèque des Archives de l'État à Liège avec la mention Don/Clerdent/2000. Il conviendra également de consulter les numéros 539-553 de cet inventaire, sous lesquels nous avons regroupé les publications marquées d'un point rouge (resté énigmatique) ; P. Clerdent déposa également certains livres dans d'autres organismes dont la province de Liège. Certains livres furent même laissés dans le fonds lorsqu'ils ne pouvaient en être dissociés, en vertu de la règle d'intégrité du fonds. Lorsque les revues étaient incomplètes (ne comportant que quelques numéros, parfois deux ou trois), nous les avons laissées dans le fonds. Dans le cas contraire, elles sont dans la bibliothèque générale.
Depuis quelques décennies, nous assistons à une multiplication des sigles, particulièrement en vogue, et à la dispersion des organismes. Aussi ne fut-il pas toujours simple de définir une société ; l'identification de certains noms s'est révélée impossible. Nous rappelons par ailleurs au lecteur que notre but était de présenter les archives du fonds Clerdent : nous laissons à d'autres le soin de les analyser.

Méthodologie propre aux archives du Comité européen pour l'Aménagement de la Meuse (CEAM)

Le fond comportait seize grandes caisses contenant des documents relatifs aux activités du CEAM La plupart des caisses contenaient des classeurs étiquetés indiquant clairement leur contenu. D'autres documents étaient rangés dans des fardes plastiques, étiquetées ou non, ou étaient entassés sans mention dans les caisses.
Nous avons respecté scrupuleusement toutes les indications laissées par P. Clerdent sur les matières auxquelles se rattachent la plupart de ces documents. Nous ne nous sommes permis aucun regroupement qui aurait mis à mal l'organisation originale du fonds, même lorsqu'un ordre plus logique des choses paraissait s'imposer à nous ; souvent, les classifications imposées par P. Clerdent à ses documents ont guidé nos choix.
Nous avons simplement regroupé de la façon la plus rationnelle les archives du CEAM qui avaient trait à des sujets connexes, en nous débarrassant des très nombreux doubles et documents de moindre intérêt historique (coupures de presse, reçus et factures, coupons de participation à des événements divers, etc.).
Nous avons organisé notre inventaire en respectant la règle de préservation des fonds : nous n'avons jamais mélangé de documents qui formaient un ensemble cohérent. Nous ne nous sommes autorisé que des regroupements thématiques entre les grands dossiers traités par le CEAM, en ne perturbant jamais l'organisation donnée par M. Clerdent à ses papiers, lorsqu'elle était clairement indiquée (classeurs, étiquettes, etc.), comme c'était très souvent le cas.
Nous avons choisi de partir du général vers le particulier : une première partie reprendra les papiers relatifs au CEAM, à son fonctionnement général, aux cotisations, à son organisation et à ses interventions dans les dossiers variés qu'il a eu à traiter tout au long de son existence. Nous reprenons ainsi dans cette rubrique ce que M. Clerdent appelait " La correspondance générale du CEAM ", qui était accompagnée de documentation (compte-rendu de réunion, rapports d'experts, etc.). Nous y avons joint les brochures sur les voies d'eau européennes et belges dans leur ensemble, ainsi que les nombreux classeurs sur la qualité des eaux en Belgique. Cet ensemble constitue ainsi une première masse de documents qui dressent le cadre de fonctionnement du Comité et nous aide, notamment par la nature de la documentation rassemblée par ses membres, à mieux comprendre les processus de décision.
La suite de l'inventaire se place sur un cadre moins général : la documentation est rassemblée par matières. Nous avons ainsi consacré une rubrique : aux négociations franco-belges, notamment sur le barrage de la Houille ; aux négociations avec les Pays-Bas sur Lanaye et les Traités d'eau ; aux liaisons avec le Rhin ; à la politique portuaire (avec en point de mire les relations entre Anvers et Liège) ; à la participation à des Congrès et colloques divers (186) ; au problème de la navigation le dimanche, à l'aménagement du Canal du Centre et à une série de dossiers hétéroclites regroupés sous la rubrique " divers ".
Il va de soi que la séparation entre ces différents dossiers est purement intellectuelle ; nous avons montré plus haut combien ils avaient été liés les uns aux autres par les milieux politiques de France, Belgique, Pays-Bas et Allemagne. Cette interpénétration ne pouvait se marquer directement dans l'inventaire, sous peine de donner à celui-ci l'apparence d'un fouillis inextricable. On ne s'étonnera donc pas de trouver, à l'intérieur de chaque rubrique, des dossiers qui traitent en même temps de plusieurs matières. La vie politique, très complexe, ne peut que rarement se plier aux catégories rigides d'un inventaire d'archives.
À l'intérieur de chaque rubrique, nous avons disposé les dossiers en respectant les groupements voulus par P. Clerdent. Lorsque cela est possible (187), les dossiers sont classés par ordre chronologique.
Les mentions des activités des personnalités identifiées ne valent que pour leur activité au moment où ils interviennent directement dans les dossiers de l'aménagement de la Meuse. Il n'était pas question pour nous de retracer la carrière entière d'un homme politique. Si celui-ci n'intervient qu'en qualité de Ministre des Travaux publics dans nos dossiers, il ne sera renseigné que comme tel dans notre table ; il ne s'agissait pas pour nous ici de faire double emploi avec des ouvrages comme le Dictionnaire des belges ou l'Encyclopédie du Mouvement wallon (188).

Conditions d'accès

Le comte Clerdent n'eut pas le temps de signer le protocole de consultation de ses archives. Toutefois il est manifeste et patent qu'il souhaitait qu'elles soient consultables sans restriction par le chercheur. En outre, il avait proposé un délai de cinq ans après le jour de son décès pour l'ouverture au public du fonds.
Les dossiers du personnel de l'INR (n°1072-1076 du présent inventaire), ne pourront pas être communiqués qu'en respectant les règles relatives à la communication des données à caractère personnel en vigueur.

Conditions de reproduction

Les documents peuvent être reproduits selon les tarifs (189) et règlements appliqués par les Archives générales du Royaume et Archives de l'État dans les Provinces.

Recommandations pour l'utilisation

Homme politique à la carrière bien remplie et président de plusieurs institutions de la région liégeoise, ses archives fourniront une information de premier choix pour la compréhension de la vie de la région de la Meuse moyenne pendant la seconde moitié du XXe siècle.

Bibliographie


Mémorial de la Province de Liège
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F. BALACE, Aspects de la résistance en province de Liège, dans Libération. Nos libertés retrouvées, Liège, 1994, p. 75-101.
H. BERNARD, La résistance 1940-1945, 2e éd., coll. Notre passé, La Renaissance du Livre, Bruxelles, 1969.
J.-W. DELZENNE et J. HOUYOUX, Le nouveau dictionnaire des Belges de 1830 à nos jours, t. II, éd. Le Cri, Bruxelles, 1998 [Notice P. Clerdent, t. I, p. 94].
Sous la direction d'Hélène ECK, La guerre des ondes. Histoire des radios de langue française pendant la seconde guerre mondiale, éd. Complexe, Bruxelles, 1985.
G. LHOIR, La mission Samoyède. Les maquisards de la radio nationale belge 1940-1944, Hatier, Bruxelles, 1984.
L. PORTUGAELS, Les douze travaux de Pierre Clerdent, Liège, s.d.
J. C. WILLAME, " L'Union démocratique belge (UDB), essai de création " travailliste " ", dans Courrier Hebdomadaire du CRISP, n°743-744 du 26 novembre 1976.
SÉNAT DE BELGIQUE, Manuel biographique 87, UGA, Courtrai, 1988, p. 85-86.

Contrôle de la description

L'inventaire a été réalisé en 2000 par Alexis Wilkin et Philippe Dejaive, étudiants en archivistique de l'Université de Liège. Jean Pieyns, premier assistant puis chef de travaux aux Archives de l'État à Liège, proposa à Philippe Dejaive d'inventorier les documents à caractère politique, économique, ferroviaires et publics, réservant le soin à Alexis Wilkin de rédiger l'historique et de classer les archives du Comité européen pour l'Aménagement de la Meuse. C'est ainsi qu'en 2000 naquirent deux inventaires sous la forme de deux mémoires. Ultérieurement, le comte Clerdent qui avait conservé de nombreux documents, dont le fameux dossier TGV, fit appel à Philippe Dejaive en lui demandant de les classer. En effet, P. Clerdent lutta pour sa région jusqu'au soir de sa vie. Âgé de 90 ans, il luttait en effet encore pour le TGV ! De ce troisième et dernier versement est issu un autre inventaire qui fut terminé en 2006.
Les dossiers de l'INR qui se trouvaient depuis quelque temps aux Archives de l'État de Liège demandaient également un classement et un inventaire. L'édition de ce présent travail était l'occasion de combler cette lacune.
Du reste, Bruno Dumont, chef de service des Archives de l'État à Liège, se montra toujours intéressé par les archives de Pierre Clerdent. Aussi proposa-t-il tout naturellement à Ph. Dejaive de réaliser la fusion de ces travaux ayant trait au fonds Clerdent et d'assurer l'édition de l'inventaire.
Ce travail est donc le fruit de plusieurs inventaires.

Bibliothèque

La bibliothèque a été intégrée à celle des Archives de l'État à Liège. Les livres ont quitté le fonds pour rejoindre la bibliothèque des Archives de l'État à Liège avec la mention Don/Clerdent/2000. Ici aussi nous avons trié les livres selon les catégories que nous avons par ailleurs introduites ci-dessus en y ajoutant cependant des sous-catégories. Lorsqu'un lecteur souhaitera retrouver un livre, il consultera utilement la section bibliothèque de cet inventaire.

Économie

N., Causes et conséquences de l'accident nucléaire majeur (envisagées aux plans technique et médical), actes du colloque tenu au château de Colonster (ULg, Sart Tilman) les 26 et 27 septembre 1986, PULg, Liège. 1986, 429 p.
N., Les niveaux de vie des Belges. Commission 6 : niveaux de vie et efficacité économique, actes du 7e congrès des économistes belges de langue française tenu à Charleroi les 15 et 16 janvier 1987, éd. CIFOP, Charleroi. 1987, 648 p.
N., L'inscription des droits économiques et sociaux dans la Constitution, éd. Chambre des représentants, s.l, 1989, 25 p.
N., Évaluation globale de la protection de la vie privée dans le cadre de la loi belge du 8/8/1983 organisant un registre national des personnes physiques et de ses arrêtés d'exécution, éd. Commission consultative de la protection de la vie privée, éd. A. Pipers, Bruxelles, 1991, 49 p.
DEJEUNESSE Jonas, Quelle Belgique demain ? Pour comprendre l'avenir de l'économie belge, éd. José Heudens, Liège. 1991, 165 p.
GÉRARD Guy, Manager sans frontières.25 ans d'expérience au service du management international, First, Paris, 1989, 250 p.
HERREMANS Jan, L'économie belge, Bruxelles, 1988, 203 p.
MEYER Janine, Économie d'entreprise terminale G, Dunod, Paris, 1988, 349 p.
ROMUS Paul, Économie régionale européenne, 5e éd., PUB, Bruxelles, 1989, 220 p.
ROY Maurice, Vive le capitalisme !, coll. Les Impertinents, Plon, Paris, 1977, 189 p.
SAUVY Alfred, L'économie du diable. Chômage et inflation, Calmann-Lévy, Paris, 1976, 239 p.
SPORCK J. A., Liège aujourd'hui et demain, éd. Eugène Wahle, Liège, 1986.
VANDEWATTYNE Jean et VAN ASSCHE Erik, L'effort de formation des entreprises en Belgique, Fondation industrie-université, Bruxelles, 1990, 140 p.

Europe

N., Les régions et l'Europe. 9e congrès des économistes belges de langue française tenu à Namur les 22 et 23 novembre 1990. Commission 1 : approche transfrontalière, Charleroi, 1990, 298 p.
N., Les régions et l'Europe. 9e congrès des économistes belges de langue française tenu à Namur les 22 et 23 novembre 1990. Commission 2 : fédéralisme financier et développement régional, Charleroi, 1990, 277 p.
N., Les régions et l'Europe. 9e congrès des économistes belges de langue française tenu à Namur les 22 et 23 novembre 1990. Commission 3 : fédéralisme, structures productives et ressources, Charleroi, 1990, 232 p.
N., Les régions et l'Europe. 9e congrès des économistes belges de langue française tenu à Namur les 22 et 23 novembre 1990. Commission 4 : Europe, région du monde, Charleroi, 1990, 139 p.
N., Les régions et l'Europe. 9e congrès des économistes belges de langue française tenu à Namur les 22 et 23 novembre 1990. Commission de base : diagnostic interrégional, Charleroi, 1990, 224 p.
ARON Raymond, Plaidoyer pour l'Europe décadente, Paris, 1977, 511 p.
ROMUS Paul, L'Europe régionale, Bruxelles, 1990, 144 p.

Généralités

ALBERT Michel, Le pari français, Seuil, Paris, 1982, 309 p.
ARON Raymond, Le spectateur engagé. Entretiens avec Jean-Louis Missika et Dominique Wolton, Julliard, Paris, 1981, 340 p.
BARTHALAY Bernard, Le fédéralisme, QSJ ? N°1953, Paris, 1981, 127 p.
BENOIT Francis Paul, La démocratie libérale, PUF, Paris, 1978, 391 p.
MASCLET Jean Claude, Textes sur les libertés publiques, QSJ ?, Paris, 1988, 128 p.
REVEL Jean-François, La tentation totalitaire, Laffont, Paris, 1976, 395 p.
REVEL Jean-François, Comment les démocraties finissent, Grasset, Paris, 1983, 332 p.
WAUTHY Émile (gouverneur de la Province de Namur), Discours : préoccupations sociales de notre temps. Pauvreté 3e et 4e âges, s.l., 1988, 30 p. (discours prononcé à la réunion du Conseil du 18/10/1988).

Histoire

D'ARENBERG Jean (prince), La couronne de Belgique et le Saint-Siège (1830-1831), Studium Arenbergense, Enghien, 1991, 277 p.

Institutions

N., Règlement du Sénat de Belgique. 1979, éd. Sénat de Belgique, Bruxelles, 1979, 56 p.
N., Règlement du Sénat de Belgique. 1991, éd. Sénat de Belgique, Bruxelles, 1991, 62 p.
N., Manuel du conseil de la Communauté française. 1981, éd. CCF, Bruxelles, 1981, 188 p.
N., Les cahiers du conseil de la Communauté Française de Belgique, Ch. Daubie, Bruxelles, 1990, 66 p.
N., Sénat de Belgique. Notices biographiques 1981, éd. Sénat de Belgique, Bruxelles, 1981, 429 p.
N., Manuel biographique du Sénat de Belgique 1987, éd. Sénat de Belgique, Courtrai, 1987, 507 p.
N., La constitution belge mise à jour au 15/07/1988, éd. Chambre des représentants, s.l., s.d., 46 p.
N., Un statut pour Bruxelles, éd. Centre Études des institutions politiques, Bruxelles, 1988, 36 p.
N., Nos institutions politiques actuelles, éd. Centre Études des institutions politiques, Bruxelles, s.d., 72 p.
N., Parlement et gouvernement, éd. Centre Études des institutions politiques, Bruxelles, 1990, 20 p.
N., L'avenir du parlementarisme bicaméral dans une Belgique des communautés et des régions, éd. Centre Études des institutions politiques, Bruxelles, 1984, 18 p.
N., Régionalisation et fonction économique : le dilemme de Bruxelles un statut pour Bruxelles, éd. Centre Études des institutions politiques, Bruxelles, 1984, 24 p.
N., Quelle Belgique pour demain ?, éd Groupe Coudenberg, Duculot Perspectives, Paris-Gembloux, 1987, 195 p.
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N., Règlement du Conseil de la Communauté française. Texte mis au jour au 15/10/1985. Décret du 12 juin 1981 fixant la procédure d'enquête, éd. CCF, Bruxelles, 1985, 52 p.
N., La revalorisation du Parlement, actes du 5e congrès du Politologisch Instituut Res Publica tenu à Bruxelles, Bruxelles, 1989, 226 p.
N., Hommages à Charles Goossens (= Annales de Droit de Liège, 4, 1985), Liège, 1985, 458 p.
N., Pacte communautaire, éd. Secrétariat d'État à la réforme des institutions, Bruxelles, 1978, 65 p.
N., État démographique de la Wallonie et éléments pour une politique de population. Rapport Poliwa, éd. département de démographie de l'UCL, 2 (1977), 412 p.
BLONDIAUX Jean et MASQUELIN Jean, Les Codes et les lois spéciales les plus usuelles en vigueur en Belgique, 3e éd, Bruylant, Bruxelles, 1969, 300 p.
DELPERÉE Francis, Le nouvel état belge, Labor, Bruxelles, 1986, 199 p.
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MOUREAUX Philippe, Bruxelles, ses institutions et son financement, Bruxelles, s.d., 237 p.
LEJEUNE Marc A., Les relations internationales des communautés et des régions belges, De Boeck, Bruxelles, 1987, 163 p.
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SENELLE Robert, La réforme de l'état belge, coll. Idées et Études, E. Guyot, t. V, Bruxelles, 1990, 350 p.
STANDAERT Félix, Les relations extérieures dans la Belgique fédérale, éd. Groupe Coudenberg, Bruxelles, 1990, 270 p.

Linguistique

BECQUET Charles François, Le différend wallo-flamand, coll. Études et Documents, éd. Institut J. Destrée, s.l., 1972, 130 p.
CLERFAYT Georges, La fraude à la frontière linguistique ; l'avenir des francophones à Bruxelles, éd. Le cri, Bruxelles, 1988, 187 p.
FONTEYN Guido, Fourons, une histoire Happart. Un point de vue flamand, Soethoudt essai, Anvers, 1983, 95 p.
STASSEN Albert, Le rattachement des Fourons au Limbourg, déjà un quart de siècle, 2e éd. par l'Action fouronnaise, s.l., 1987, 62 p.

Société

HANSENNE Michel, Emploi. Les scénarios du possible, Duculot perspectives, Paris-Gembloux, 1985, 112 p.
SAUVY Alfred, Mondes en marche, Calmann-Lévy, Paris, 1982, 268 p.
N., Toute la famille, toutes les familles, actes du congrès tenu à Liège du 17 au 19 octobre 1986 organisé par la Ligue des familles, s.l., 1987, 342 p.
GROUPE B-Y, Priorité 100000 emplois. Un objectif pour le rassemblement des progressistes, Fondation A. Renard et Vie Ouvrière, Liège et Bruxelles, 1975, 240 p.

TGV

LAMBOU Marcel, MARGANNE Roland, VAN USSEL Michel, VAN GEEL Pierre, CORNET Jacques et CLERDENT Pierre, Le rail passe par Liège : du remorqueur au TGV, éd. GTF, Liège, 1988, 165 p.

Wallonie

N., Culture et politique, actes du colloque tenu à Liège le 5 mars 1983, éd. Institut J. Destrée, Charleroi, 1984, 134 p.
N., La Wallonie au futur. Vers un paradigme, actes du congrès tenu à Charleroi les 17 et 18 octobre 1987, coll. Études et Documents, éd. Institut J. Destrée, Gilly, 1989, 559 p.
N., Wallonie-Europe, horizon 1992, éd. sous la direction de l'IRES de l'UCL, DE Boeck Université, Bruxelles, 1987, 390 p.
COLLARD R. et JOIRET Y., La régionalisation : contraintes et opportunités pour la Wallonie, éd. Institut E. Vandervelde, Bruxelles, 1980, 269 p.
HUMBLET Jean Émile, Témoin à charge, Bruxelles, 1990, 292 p.
LECLERCQ Jacques, Les catholiques et la question wallonne, éd. Institut J. Destrée, Charleroi, 1988, 248 p.
MOREAU Robert, Combat syndical et conscience wallonne. Du syndicalisme clandestin au MPW (1943-1963), éd. Institut J. Destrée, Bruxelles-Liège-Charleroi, 1984, 360 p.
PATRIS André, Wallon, qui es-tu ?, La longue vue, Paris et Bruxelles, 1990, 111 p.

Divers

BROWN Lester R., L'état de la planète 1991, Paris, 1991, 385 p.
FOURASTIÉ Jean, Ce que je crois, Grasset, Paris, 1981, 307 p.
MINC Alain, L'avenir en face, Seuil, Paris, 1984, 256 p.
MOLLE Omer, Une mission d'expert des Nations Unies, Bruxelles, 1976, 269 p.

Remerciements

C'est un agréable devoir de remercier toutes les personnes qui nous ont aidés ou encouragés dans ce travail, et tout particulièrement M. et Madame Pieyns qui n'ont pas épargné leurs conseils. Ils ont en effet suivi l'élaboration des deux inventaires.
Nous remercions tout l'ensemble du personnel des Archives de l'Etat à Liège qui nous a accueillies avec une extrême gentillesse.
C'est également pour nous un grand plaisir que de remercier Sébastien Dubois pour sa relecture attentive et compétente de notre travail, de même que pour ses conseils bienveillants et éclairés.
Toute notre gratitude va à Bruno Dumont, chef de service des Archives de l'État à Liège, qui nous encouragea et soutint notre étude. Il accepta en outre de la superviser de ses conseils bienveillants.
Mais notre reconnaissance sera pour Pierre Clerdent lui-même qui a accepté de nous recevoir plusieurs heures pour répondre à quelques questions. Ce travail lui doit beaucoup.

Liste des abréviations

AGHA : Antwerpse Gemeenschap voor de haven.
AILG : Association des ingénieurs sortis de l'ULg.
AIPEA : Association industrielle pour la promotion de l'eau et de l'air.
ANSEAU : Association nationale des services d'eau.
ASC-CENTRE : Association du canal du centre.
ASSIPORT : Association des intérêts portuaires.
AXEL : Axe européen de liaison.
BEI : Banque européenne d'investissement.
CANAC : Computer Assisted National Air Traffic Control Center.
CEAM : Comité européen pour l'Aménagement de la Meuse.
CEBACA : Comité économique belge pour l'Amérique Centrale et les Antilles.
CEBEDEAU : Centre belge de Documentation sur l'eau.
CECA : Communauté européenne du charbon et de l'acier.
CEE : Communauté économique européenne.
CEP : Centre belge des études des matières plastiques et des caoutchoucs.
CEPLI : Conseil économique de la province de Liège.
CERV : Conseil économique de la région verviétoise.
CERW : Conseil économique régional pour la Wallonie.
CESRW : Conseil économique et social de la Région wallonne.
CEW : Conseil économique wallon.
CIBE : Compagnie intercommunale bruxelloise des eaux.
CLARA : Centre libéral d'action et de réflexion sur l'Audiovisuel.
CMRE : Comité ministériel pour les Relations extérieures.
CRIOC : Centre de recherche et d'information des organisations de consommateurs.
CRISP : Centre de recherche et d'information en sciences politiques.
CSC : Confédération des syndicats chrétiens.
CTN : Centre des technologies nouvelles.
FEB : Fédération des entreprises de Belgique.
FEDER : Fonds européen de développement régional.
FIB : Fédération des industries de Belgique.
FIL : Foire internationale de Liège.
FGTB : Fédération générale des travailleurs de Belgique.
FN : Fabrique nationale.
GAMU : Groupement des agents maritimes d'usine.
GEAE : Groupement européen des Ardennes et de l'Eifel.
GEBEG : Groupement écologique belge Belgische ecologische groepering.
GIMPE : Groupement des industriels du Bassin de la Meuse pour la Protection de l'Environnement.
GISPE : Groupement des industriels du Bassin de la Sambre pour la Protection de l'Environnement.
GMBH : Gesellschaft mit beschränkter Haftung.
IEA : Institut économique agricole.
IEW : Inter-Environnement Wallonie.
INIEX : Institut national des industries extractives.
INTRADEL : Association intercommunale de traitement des déchets de la région liégeoise.
IRI : Innovation et reconversion industrielle.
MET : Ministère de l'Équipement et des Transports.
MPW : Mouvement populaire wallon.
MSU : Mouvement syndical unifié.
NAVEWA : Nationale Vereiniging der Waterleidingsbedrijven.
NVI : Nederlands vervoerswetenschappelijk Instituut.
OBCE : Office belge du commerce extérieur.
ONEM : Office national de l'emploi.
ONU : Organisation des Nations Unies.
OPI : Office de promotion industrielle.
OTAN : Organisation du traité de l'Atlantique Nord.
PCL : Parti chrétien libéral.
PRL : Parti réformateur libéral.
RIWA : Rijn-en-Maas Waterleidingsbedrijven.
RTBF : Radio-Télévision belge francophone.
SAB : Société de développement et de promotion de l'aéroport de Liège Bierset.
SABENA : Société anonyme belge de navigation aérienne.
SEA : Studiecentrum voor de Expansie van Antwerpen.
SNCB : Société nationale des chemins de fer belges.
SNCI : Société nationale du crédit à l'industrie.
SNDE : Société nationale de distribution de l'eau.
SOFEP : Société pour le financement des entreprises de presse.
SOMEF : Société d'opérations maritimes et fluviales.
SPAS : Société de promotion de l'aérodrome de Spa.
SPI : Société provinciale d'industrialisation.
SRIW : Société régionale d'investissement wallonne.
SWDE : Société wallonne de distribution de l'eau.
TEA : Trans European Airways.
TGV : Train à grande vitesse.
TRAL : Table ronde des associations liégeoises intéressées par l'urbanisme et l'aménagement du territoire.
UAB : Union des armateurs belges.
UCL : Université catholique de Louvain.
UDB : Union de la démocratie belge.
UEO : Union de l'Europe occidentale.
UFAS : Union fraternelle de l'Armée Secrète.
ULg : Université de Liège.
UWE : Union wallonne des entreprises.
VEV : Vlaams Economisch Verbond.

 1Budget : mise au gabarit de 1350 tonnes sur les voies navigables. 1953-1959.1 dossier
 2Les voies navigables. 1959-1964.1 dossier
 3Meuse-Rhin. 1964.1 dossier
 4Programme des travaux hydrauliques. 1966-1970.1 dossier
 5Électrification de la ligne Erquelinnes-Herbesthal. 1964.1 dossier
 6Électrification de la ligne Pepinster-Spa-Trois-Ponts. 1965.1 dossier
 7Discours du gouverneur Clerdent à l'occasion de l'inauguration de la liaison électrique Liège-Verviers. 1966.1 dossier
 8Autoroute de Wallonie. 1962-1964.1 dossier
 9Colloque européen sur les axes autoroutes Paris/Ruhr. 1965.1 dossier
 10Rapport Dulieu. 1966.1 dossier
 11Autoroute de Wallonie. 1966.1 dossier
 12Programmes et plans d'investissement routier en Belgique. 1964-1965.1 dossier
13Affaire Ligny. 1966.6 dossiers
14Liaisons des voies navigables et des voies routières. 1964-1965.1 dossier
 15Transports en commun.1 dossier
 16Infrastructure des transports.1 dossier