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En raison d'une telle diversité dans les occupations de la famille Desoer, nous nous attendions à trouver une multitude de papiers d'office, c'est-à-dire en relation avec les activités professionnelles. Notre déception a été grande! Les documents concernant l'imprimerie-librairie puis la société anonyme "Maison Desoer" fondée en 1927 (12) sont peu nombreux. La plupart ont déjà fait l'objet d'un inventaire (13) que nous avons englobé ici (14). En 1983, Georges Hansotte reconnaissait que "les archives déposées aux Archives de l'État sont malheureusement loin de refléter [la] longue activité multiforme" de la Maison Desoer. Aujourd'hui, un constat identique s'impose.
Seuls demeurent les documents, réunis par Jacques Annez de Taboada, qui concernent les statuts de la société anonyme et les festivités organisées au lendemain de la seconde guerre mondiale. Sont, par contre, absents tous papiers relatifs aux activités traditionnelles d'une entreprise en général -correspondance, Journal (ou livre de comptes), Grand Livre, registre de personnel etc (15) -. Aucune épreuve des ouvrages publiés n'est conservée. Perdues ou détruites, ces traces du passé auraient pu aider l'historien de l'édition liégeoise (16). Jacques Annez de Taboada a cependant en sa possession la collection complète des livres édités depuis 1752 (17).
De même, les témoignages des occupations journalistiques sont rares. Ceux que nous avons inventoriés remontent à F.-J. Desoer et ont déjà été mentionnés par Th. Gobert (18). Les autres ont été dispersés. Les historiens de la presse liégeoise ne trouveront donc pas leur bonheur avec ce fonds. Dans une vision plus globale, la vie économique à Liège, n'est guère évoquée, à une exception près toutefois.
A côté des imprimeurs-libraires, les Desoer ont compté parmi leurs membres deux receveurs généraux (19). Au service de la République française puis du régime hollando-belge, Jean Charles Joseph Desoer (Liège, 1752 - Angleur, 1831) (20) et son fils Charles François Joseph Ferdinand Desoer (Liège, 1780 -Liège, 1867) (21) récoltèrent les impôts et servirent également de banquiers. Leurs registres permettent d'aborder l'histoire financière locale. De par leur nature, liée tant à la vie professionnelle qu'à la vie privée, ils sont regroupés dans la rubrique "papiers mixtes" (22).
Le réseau relationnel des Desoer pour leurs affaires se limite à la Belgique, à Paris et à Aix-la-Chapelle, comme le montrent les quelques lettres conservées.
En dehors des rares papiers d'office, le fonds comporte des documents personnels. Lors de ses recherches, le chevalier de Mélotte s'est exclusivement attaché aux actes de baptême, de mariage, de décès et de succession de ses ancêtres. Par ailleurs, il a rassemblé une vaste collection de photographies, de coupures de presse et de faire-part (23). La chronologie des papiers personnels répertoriés s'étale de 1676 à 1974.
De l'ensemble ainsi constitué, se dégage la volonté d'identifier des personnages et d'attester de leur existence, doublée d'un désir de glorifier.
A la lecture de l'album élaboré pour le bicentenaire de la Maison Desoer (24), nous formulons des remarques identiques. Les renseignements relatifs aux occupations professionnelles sont perdus au milieu des notices consacrées aux directeurs de l'imprimerie-librairie et d'autres représentants de la famille Desoer. A côté des quelques livres et articles alors parus (25), les archives que nous avons aujourd'hui classées et inventoriées ont servi hier à la rédaction de cet ouvrage.
Parmi les papiers personnels, se trouve une correspondance abondante certes mais pas autant que pourrait le laisser prévoir la multitude d'unions célébrées par la dynastie Desoer. D'ordre privé, elle contient parfois des informations commerciales. Ainsi, des enfants de F.-J. Desoer ont épousé des descendants d'Henri Delloye, papetier à Huy (26). Des relations de deux types se sont donc nouées. Dans les lettres, des nouvelles de la famille mais aussi du négoce sont échangées. Nous avons regroupé ces documents dans la catégorie "correspondance mixte" (27).
En dehors de l'économie, l'exploitation des papiers personnels n'apporte que peu de renseignements sur la vie culturelle, la vie politique ou encore les pratiques religieuses à Liège, durant la seconde moitié du XVIIIe et tout le XIXe siècle.
Les tableaux généalogiques proposés après notre introduction ne donnent qu'un faible aperçu des alliances contractées par la dynastie Desoer avec la bourgeoisie industrielle de Liège ou des alentours.
Très hétéroclite, la partie de notre fonds réservée aux lignages apparentés rassemble beaucoup de correspondance et de documents personnels, toujours limités aux actes qui permettent l'identification d'un personnage. Sans passer en revue chaque individu évoqué, quelques remarques se dégagent toutefois et confirment nos constatations précédentes.
Installée à Huy, la famille Delloye (28) s'est distinguée en politique (29) et en journalisme ainsi qu'en papeterie et en métallurgie. Or, rien dans les papiers inventoriés ne le laisse supposer. Par exemple, aucune allusion n'est faite au Troubadour liégeois, ci-devant feuille rémoise dont s'occupe, à partir de 1795, Henri Joseph Delloye (Huy, 1752 - Liège, 1810) (30).
À Liège, certains membres de la famille Digneffe se sont illustrés dans la politique. Notre fonds contient quelques documents d'office relatifs à Jean Baptiste Winand Digneffe (Liège, 1761 - Liège, 1844), à son frère, Nicolas Digneffe (Liège, 1764 - Liège, 1846) ainsi qu'à un de leurs descendants, Emile Edouard Charles Louis Digneffe (Liège, 1858 - Liège, 1937) (31). Mais ces actes ne représentent qu'une goutte d'eau au milieu du ruisseau. De même, la notice de J. E. Remont ne reflète guère la carrière de l'architecte Barthélémy Digneffe (Liège, 1724 - Liège, 1784) (32).
Après de simples renvois aux familles Dubois (financiers liégeois) et Dupont (hommes politiques liégeois), les papiers conservés pour le révolutionnaire et armurier J. Gosuin (Liège, 1746 - Wanze, 1808) (33) permettent de brosser un portrait étoffé du personnage, déjà bien connu grâce à Pierre Baré (34). Le fonds fournit des informations précieuses sur l'histoire de l'armurerie liégeoise et les débuts de la jeune Belgique.
Parallèlement à la constitution du fonds Desoer, Adrien de Mélotte a conservé de nombreux documents sur ses propres activités. Vice-consul en Chine de 1899 à 1902, il a laissé une correspondance abondante tant personnelle - essentiellement adressée à sa mère, Louise Joséphine Marguerite de Soer de Solières (Liège, 1848 - Sclessin, 1929) (35) - que professionnelle. En 1902, il est nommé directeur de la Banque Sino-Belge de Shanghai (36). Ses lettres permettent d'étudier les relations entre la Belgique et la Chine, à l'époque de la Révolte des Boxers ainsi que le problème des indemnités liées à cette guerre civile (37). De retour à Liège, en 1903, le chevalier de Mélotte se consacra à la philanthropie et à la littérature. Il rédigea plusieurs ouvrages relatifs à la Chine, mais également aux armes, à la chasse, à l'humanisme liégeois (38). Demeurent certains de ses "papiers littéraires" : 39 carnets de notes, brouillons et manuscrits. Si aujourd'hui, de tels documents ne semblent avoir aucun intérêt, peut-être demain en sera-t-il autrement? Rien ne permet de connaitre 1es préoccupations des futurs historiens.
A côté des papiers personnels, nous avons également répertorié des documents relatifs aux propriétés achetées, pour la plupart, par Ch.-J. Desoer ou J. Gosuin, lors de la vente des biens nationaux. De tels témoignages permettront aux historiens de cette période controversée de vérifier ou de compléter leurs renseignements (39).