Name: Cour féodale de l'avouerie de Hesbaye
Period: [Fin du XIIIe siècle] - 1794
Inventoried scope: 3,3 linear meters
Archive repository: State archives in Liège
Heading : Local administrations (Ancien régime): Lordships, courts of aldermen, feudal and manorial courts, city and municipal administrations, guilds and crafts, civil welfare organisationes, etc.
Authors: Druez, Laurence
Year of publication: 2013
Code of the inventory: D11
Avouerie de Hesbaye et de la Cité de Liège
L'institution de l'avouerie trouve son origine dans l'éclatement de l'Empire romain d'Occident au Ve siècle. L'influence croissante des traditions germaniques et l'introduction d'une aristocratie militaire favorisèrent le développement de comportements guerriers et le recours à la vengeance privée, qui constituèrent une menace pour le patrimoine foncier de l'Église. L'interdiction faite aux ecclésiastiques, en vertu d'un précepte paulinien énoncé dans la seconde épître à Timothée (1), de porter les armes et de verser le sang amena l'Église, durant toute la période médiévale, à éviter au clergé de s'ingérer dans les affaires séculières et, dès l'époque mérovingienne, à déléguer à des personnages laïcs la défense de ses droits temporels dans les affaires judiciaires (2).
Pour assurer la protection de ses possessions, les souverains mérovingiens accordèrent à l'Église le privilège d'immunité, qui plaçait les anciens domaines royaux qui lui étaient cédés à l'abri de l'intervention des agents du pouvoir pour trancher les litiges, prélever les impôts et y exercer tout acte d'autorité. à l'époque carolingienne, l'usage de l'immunité fut étendu à l'ensemble du patrimoine foncier des églises et à la totalité de la fiscalité (3). Un représentant, qualifié d'avoué ou d'advocatus, fut désigné et sa présence se généralisa - dans une société féodale où la violence était omniprésente - pour devenir obligatoire et acquérir un statut public. Une série de capitulaires publiés sous les règnes de Charlemagne - dans le cadre de son vaste programme de réforme des institutions - et de Louis le Pieux fixèrent ainsi le fonctionnement d'une nouvelle institution, l'avouerie.
La première mention d'un avoué dans la principauté de Liège date de 960 et précède de peu la mise en place de l'Église impériale, un système politico-religieux qui la transforma en principauté épiscopale. Jusqu'au Xe siècle, l'évêque de Liège, haut dignitaire ecclésiastique détenteur d'une autorité morale, s'était cantonné dans des fonctions spirituelles : l'administration des sacrements et l'exercice de la juridiction en rapport avec ses prérogatives. Il jouissait néanmoins, en pays mosan et dans la vallée de la Sambre, d'une fortune foncière considérable, enrichie grâce à la générosité des souverains. En 980, l'octroi à Notger par l'empereur Otton II d'un diplôme d'immunité générale plaça directement les possessions de l'Église de Liège sous l'autorité impériale et eut pour effet de les soustraire à la juridiction des fonctionnaires royaux. Par ailleurs, la donation en 985 du comté de Huy à l'évêque de Liège fit de lui un prince territorial et un collaborateur politique de l'empereur germanique. À partir du Xe siècle, l'évêque, désormais aussi prince territorial, exerça, sur les possessions très étendues progressivement réunies entre ses mains, à la fois l'autorité spirituelle et un pouvoir politique assorti de droits régaliens ainsi que des prérogatives judiciaires consenties par l'empereur (4). Le domaine de l'évêque de Liège ne cessa ensuite de s'accroître jusqu'au XVIIIe siècle.
Jusqu'aux environs de l'an mil, le domaine possédé par saint Lambert, saint patron de l'évêché, fut administré par l'évêque et le chapitre cathédral. La fondation de six des sept collégiales et des deux abbayes liégeoises de Saint-Laurent et de Saint-Jacques au début du XIe siècle et la constitution autour de chacune d'elles d'un patrimoine foncier favorisèrent probablement le développement de l'avouerie liégeoise, sur laquelle on est toutefois mal informé pour les Xe-XIe siècles (5).
À partir du milieu du XIIe siècle, l'avoué de Saint-Lambert dont l'appellation ne disparaît pas totalement va revêtir le titre - qui s'imposa rapidement - d'" avoué de Hesbaye ", dont la première mention intervient dans un acte de 1124 (6). Après 1209, les avoués de la cathédrale Saint-Lambert ne seront plus désignés autrement. Les nombreux territoires que possédait l'Église de Liège en Hesbaye ainsi que l'importance que revêtait cette région au Moyen Âge en tant que principal grenier à blé de Liège et fournisseur de nombreux mercenaires, pourraient expliquer l'adoption de ce titre (7).
On constate pourtant rapidement le déclin progressif de cette institution, perceptible surtout durant les deux derniers siècles du Moyen Âge. Au XIVe siècle précisément, les compétences de l'avoué de Hesbaye se sont fort réduites et sa fonction tend à devenir essentiellement honorifique. L'évêque, détenteur d'une puissance temporelle - muni du comitatus, il préside les synodes mixtes et le Tribunal de la Paix -, est en effet en mesure d'assurer lui-même la protection des terres les plus proches de l'Église de Liège ainsi que la cité et, dès le XIIe siècle, il exerce personnellement les prérogatives, en particulier judiciaires, de l'avoué (8). Par ailleurs, la création de l'avouerie de la Cité de Liège à la fin du XIe ou au début du XIIe siècle avait contribué à réduire certaines prérogatives de l'avoué de Hesbaye (9), même si les motivations qui y ont présidé ne sont pas connues. Plusieurs facteurs semblent toutefois avoir été déterminants, tels la montée en puissance de la bourgeoisie à qui l'évêque Otbert (1091-1119) pourrait avoir voulu confier le commandement des milices urbaines qui avaient vu le jour récemment ou la volonté de l'évêque de contrebalancer l'influence de l'avoué de Saint-Lambert - futur avoué de Hesbaye - et de l'écarter des affaires de la Cité (10).
à côté des avoueries principales, chargées de la protection de l'ensemble des possessions d'un ou plusieurs établissements religieux, des avoueries locales seront chargées de domaines bien déterminés, comme la mense épiscopale (11) ou des possessions particulières de collégiales liégeoises (12).
À la fin du XIVe et au XVe siècle, les avoueries feront l'objet d'un intérêt politique de la part des ducs de Bourgogne, en particulier lorsque leur emprise sur la principauté de Liège s'accentuera sous le règne de Charles le Téméraire. Une avouerie unique et suprême aux mains du duc sera alors instaurée, dirigée par un lieutenant général, et les avoueries particulières seront supprimées, à l'instar de toutes les institutions communales et des privilèges de la principauté. Ce système s'écroulera dès la mort de Charles le Téméraire.
Le déclin des avoueries amorcé au bas Moyen Âge se poursuivit durant l'époque moderne, si bien que certaines d'entre elles, devenues inutiles, disparaîtront. À la veille de la Révolution, il n'en subsiste qu'une vingtaine. Les dernières mentions de cette institution, dont la fin de l'Ancien Régime signe l'abolition, datent de 1794.
Chargé de la protection de l'ensemble des biens épiscopaux, l'avoué était, à l'instar d'un comte, un agent judiciaire, financier et militaire. Son rôle était d'assurer la représentation de l'église ainsi que des habitants du domaine immunisé dans l'accomplissement de leurs actes juridiques, judiciaires et extrajudiciaires, quelle que fût la nature du litige ou la juridiction compétente. Il intervenait dans les transactions foncières, tout d'abord dans les donations faites par l'évêque. Ainsi, jusqu'au milieu du XIIe siècle, lorsque l'évêque donne ou reçoit, c'est par la main de l'avoué de Hesbaye.
L'avoué veillait aussi au respect, par ces habitants, de leurs obligations vis-à-vis du souverain, notamment en matière fiscale, et dirigeait le marché monétaire.
Il exerçait en outre l'autorité publique et, par délégation, le pouvoir de contrainte. À ce titre, il arrêtait les malfaiteurs et les maintenait en détention. L'avoué restant un agent subalterne du pouvoir, sa compétence ne s'étendait théoriquement ni aux infractions les plus graves entraînant la peine capitale ou des peines afflictives, ni aux litiges portant sur le statut personnel des individus ou sur la propriété foncière (13). L'avoué participait également aux réunions du Tribunal de la Paix, compétent pour juger les cas de violation de la Paix-Dieu.
Au XIIe siècle, ses attributions étaient loin de se limiter aux territoires de la cathédrale Saint-Lambert, mais s'étendaient aussi aux collégiales Saint-Denis, Saint-Martin, à l'abbaye de Saint-Laurent ainsi qu'à l'abbaye de Flône. Les avoués de Hesbaye avaient en outre inféodé les justices de Lamine, de Velroux et de Momalle.
Le démembrement de l'Empire de Charlemagne et l'affaiblissement du pouvoir central en dehors des terres d'Empire ainsi que l'insécurité engendrée par les invasions normandes et les guerres fréquentes firent évoluer de manière générale le rôle de l'avoué vers la protection armée des églises à partir de 1141 (14). Au plan militaire, l'avoué de Hesbaye, armé dans la cathédrale selon un cérémonial codifié fixé dans un acte de 1321 (15), devait porter l'étendard de Saint-Lambert et conduire devant l'évêque les milices liégeoises. La fonction militaire (la conduite au combat des milices liégeoises) de l'avoué de Hesbaye semble diminuer au début du XIIIe siècle et ne plus revêtir au XIVe siècle qu'un sens symbolique, la vocation guerrière de l'avouerie ayant connu un net recul avec la transformation des institutions de la principauté et la création de l'office, non héréditaire, de maréchal d'armée. L'étendard avait quant à lui un caractère à la fois national et religieux au point de revêtir une valeur sacrée, à l'instar des reliques. Le port d'un symbole aussi significatif, attesté à partir du XIIe siècle, a contribué au prestige et à l'importance qu'a acquis l'avoué de Hesbaye (16).
Dans la pratique, le rôle de l'avoué principal de l'Église de Liège, soigneusement contrôlé par l'évêque, resta en définitive assez effacé, tant en matière de protection des biens ecclésiastiques que dans ses attributions judiciaires. à partir du XIVe siècle, les avoueries deviendront surtout pour leur détenteur une source de revenus et de prestige.
Représentant de l'autorité publique, l'avoué, au IXe siècle, devait être de condition libre, " droit, idoine, bon et doux, et craindre Dieu " (17). Pour prévenir les excès et l'usurpation de biens des églises, l'avoué devait posséder des biens-fonds propres dans le territoire de l'immunité (18). Il bénéficiait ainsi d'une position sociale éminente.
De par ses compétences judiciaires, l'avoué devait également connaître le droit et être à même de trancher les litiges avec droiture.
Aux XIe et XIIe siècles, l'évêque de Liège désigne lui-même les titulaires des avoueries, tant pour les territoires de la mense épiscopale que pour ceux des collégiales et abbayes, qu'il choisit parmi ses proches et ses ministériaux les plus redevables. La charge d'avoué étant devenue héréditaire dès 1055 (19), l'évêque n'intervenait que dans le choix du premier titulaire. Il pouvait user de son droit de destitution, auquel il ne recourut toutefois que rarement. La charge d'avoué était également transmissible en ligne masculine et féminine, alors sous forme de dot, bien que des femmes - le plus souvent des veuves, assistées d'un mambour - aient accédé à l'avouerie.
À la suite de Wiger Ier, investi du titre d'avoué de Saint-Lambert en 1029, se sont succédés ses descendants Renier Ier, Renier II et Wiger II, le premier avoué de Hesbaye connu, investi de ce titre en 1124. Des représentants d'importants lignages détiendront par la suite l'avouerie de Hesbaye au gré des mariages et des successions (20) : ce sont successivement Eustache de Chiny, puis son fils Louis jusqu'au début du XIIIe siècle et le gendre de ce dernier, Frédéric de Limbourg - fils du duc Henri III -, dont une des filles, Mathilde, épousa Louis d'Audenarde, et lui apporta en dot l'avouerie de Hesbaye et la seigneurie de Lummen. Leur fils Arnould céda à son tour l'office d'avoué de Hesbaye à deux générations de ses descendants, puis vers le milieu du XIVe siècle, à son arrière-petite-fille Yolande, qui épousa Louis de Looz-Agimont, sire de Neufchâteau et de Warcq et petit-fils du comte Jean de Looz et de Chiny et d'Isabelle de Condé, et lui apporta en dot l'avouerie.
La fille de Yolande et de Louis de Looz-Agimont, Marie, transmit à son tour à son époux le chevalier Evrard de La Marck-Arenberg - frère de l'évêque de Liège Englebert - l'avouerie de Hesbaye, qui resta dans cette famille pendant sept générations, soit jusqu'en 1547, lorsque son ultime héritière épousa Jean de Ligne, baron de Barbençon (21). À la mort en 1531 d'Evrard IV de La Marck, titulaire des charges encore distinctes d'avoué de Hesbaye et de la Cité de Liège, les deux offices avaient été réunis définitivement entre les mains de son frère et successeur Robert Ier, le grand-père de la dernière représentante des La Marck citée (22).
Tué le 23 mai 1568 à la bataille d'Heiligerlee, où, en tant que gouverneur de Frise, il commandait l'armée espagnole, Jean de Ligne légua l'avouerie de Hesbaye et la seigneurie d'Aigremont à ses descendants Robert, puis Albert de Ligne jusqu'à ce que, le 21 février 1657, faute de paiement d'une rente, ce dernier soit contraint de se défaire d'une grande partie du patrimoine familial, dont le comté d'Aigremont (23), qui revint à un chanoine de la collégiale Saint-Denis, Jules de Nuvolara. Ce bien fut ensuite saisi et échut au jurisconsulte et bourgmestre de Liège Mathias de Grati - fils d'un bourgmestre de Maestricht (24) -, qui réunit ce fief à l'avouerie ainsi qu'à celui de Fexhe-le-Haut-Clocher. Jusqu'à la seconde moitié du XVIIe siècle, l'office d'avoué de Hesbaye était resté entre les mains de l'aristocratie militaire. Par la suite, il fut transmis à la noblesse de robe, puis à une succession de hauts dignitaires ecclésiastiques, qui devaient le conserver jusqu'à l'abolition de l'Ancien Régime.
À l'issue d'une nouvelle saisie en 1680 - liée apparemment à des difficultés politiques de Mathias de Grati -, l'instauration d'une " coseigneurie " partagée par six feudataires à partir de 1684 et le changement fréquent de titulaire de l'avouerie au cours des décennies suivantes furent des facteurs d'instabilité jusqu'à sa vente à Matthias de Clercx (25), chanoine et écolâtre de la cathédrale de Liège, qui fit rebâtir le château d'Aigremont rasé en 1474, du temps de Guillaume de La Marck, puis sommairement reconstruit. À son décès le 12 août 1744, l'avouerie de Hesbaye et la seigneurie d'Aigremont furent transmises à son petit-neveu Jean Guillaume Joseph de Clercx (26) - alors âgé de 16 ans et placé sous la tutelle de sa mère Marie Lambertine de Fassin -, tandis que la seigneurie de Fexhe-le-Haut-Clocher revint à un autre héritier Jean-Mathieu de Saroléa, qui fut reçu chanoine de Saint-Lambert en 1745 (27). À Jean Guillaume Joseph de Clercx, qui décéda le 9 juillet 1779, succéda son fils aîné - âgé alors de 19 ans et placé sous la tutelle de sa mère Marguerite-Thérèse de Hayme - Jean Guillaume Lambert, admis à la dignité de chanoine en 1784 (28). Ce denier avoué conserva sa charge au moins jusqu'au 18 octobre 1793, date de son dernier relief, et mourut au château d'Aigremont le 26 mai 1812.
Alors que les avoués de Hesbaye appartenaient, à partir de la seconde moitié du XIIe siècle, à de puissantes familles - parfois proches de l'évêque -, les avoués de la Cité étaient issus, jusqu'au milieu du XIIIe siècle, des ministeriales (29). On voit par la suite les titulaires de cet office venir de l'aristocratie, notamment les comtes de Looz, le duc de Brabant, les La Marck jusqu'à sa détention par les avoués de Hesbaye (30).
À l'exception de l'avouerie de la cité de Liège, transformée en alleu entre le milieu du XIIIe et le milieu du XIVe siècle - et demeurée comme telle jusqu'à la fin de l'Ancien Régime (31) -, les avoueries constituaient généralement des fiefs mouvant de l'évêque, du chapitre cathédral ou d'une communauté religieuse. Au moment de leur entrée en fonction, les avoués étaient donc tenus de procéder au relief de leur charge, souvent en même temps que d'autres biens qu'ils détenaient.
Assez rapidement, ils en vinrent à déléguer leurs tâches à des " vice-avoués " agissant en leur lieu et place. Le développement de la féodalité et son application aux charges publiques transformèrent cette forme de délégation en une autre avouerie et en un fief héréditaire susceptible d'être lui-même donné en fief (32). Les avoués pouvaient donc inféoder leur charge, en raison notamment de la position excentrée de certains territoires, aux confins de la Hesbaye et du Brabant. Outre des avoueries situées dans sa mouvance - celles de Momalle, de Villers-l'Évêque, de Lamine, de Velroux, de Chokier ou de Mons-Crotteux - l'avoué de Hesbaye inféodait des seigneuries ainsi que plus de trente pleins fiefs non seigneuriaux et soixante menus fiefs au XIVe siècle (33), de simples parcelles de terre, des revenus, des rentes, des dîmes, des censives ou d'autres biens, ce qui explique la présence dans certaines avoueries d'une cour féodale. C'était le cas dans l'avouerie de Hesbaye (34), dont le détenteur, au bas Moyen Âge, déléguait la plupart de ses pouvoirs pour ne plus exercer que sa fonction militaire, devenue d'ailleurs honorifique (35). Les relevés de fiefs, registres aux reliefs ainsi qu'aux cens et rentes permettent de mieux connaître l'étendue de ces biens, de situer les fiefs et d'identifier les feudataires (36). La plupart des actes de reliefs concernent des fiefs situés aux Awirs, à Fooz, à Jeneffe, à Noville, à Wihogne, à Blehen, à Dommartin, à Batsheers, à Hollogne-aux-Pierres, à Hemricourt, à Fexhe-le-Haut-Clocher, dans les localités avoisinantes - Streel, Roloux, Voroux-Goreux - ou situées un peu plus loin, mais toujours en Hesbaye - Fize-le-Marsal, Kemexhe, Xhendremael. Des registres font état de cens et de rentes sur des fermes ou des maisons d'habitation dues à l'avoué de Hesbaye dans les localités de Fexhe-le-Haut-Clocher et de Noville. Les revenus étaient perçus généralement en céréales - majoritairement en épeautre - ou en volailles.
Le ressort de l'avouerie de la Cité s'étendait au territoire de la commune de Liège, appelée franchise, ainsi qu'à une partie de Vottem et de Vivegnis.
Dans les territoires de l'Église de Liège, les avoués exerçaient seuls leurs fonctions, à l'exception de leurs prérogatives judiciaires (37). Dans la Cité de Liège, l'avoué nommait un lieutenant qui l'assistait dans l'exercice de certaines prérogatives et le remplaçait partout où sa présence était requise : il intervenait ainsi dans les accords conclus à la suite de meurtres ou de rapts, mais ne siégeait pas auprès des Échevins lorsqu'ils tenaient conseil ou exerçaient la rencharge. L'avoué de la Cité nommait aussi un clerc, qui lui prêtait également serment et dont la fonction consistait à veiller au respect des droits de son maître (38). Dès le début du XIVe siècle, l'avoué n'intervenait probablement plus personnellement dans les affaires de justice.
L'avoué de Hesbaye percevait des revenus pour l'exercice de sa fonction. Il s'agissait d'une part des amendes pour ses activités judiciaires, du droit de gîte lorsqu'il partait assister aux plaids généraux dans la terre ecclésiastique dont il avait la charge, de rentes en nature ou en argent. L'avoué de la Cité tirait quant à lui ses revenus des amendes pour des délits relatifs à des activités commerciales de la cité, notamment au cours de perquisitions ou lors du contrôle des poids et mesures. Ces revenus n'étaient pas intégralement conservés par l'avoué, qui était notamment tenu de financer des réjouissances et des banquets offerts régulièrement aux autres membres du conseil échevinal.
On dispose de peu d'informations sur le fonctionnement de la cour féodale de l'avouerie de Hesbaye et de la Cité de Liège, tout comme sur les autres cours féodales dont il est délicat d'extrapoler les spécificités. Le fonds d'archives qui fait l'objet du présent instrument de recherche révèle l'existence de fonctions, assez difficiles à définir en l'absence de règlements conservés de cette juridiction. Nous savons que cette cour féodale disposait, à l'instar de celle de la principauté de Liège (39), d'un lieutenant qui la présidait en tant que représentant de l'avoué, ainsi que d'un facteur d'office, d'un sergent féodal (40) - qui semblent avoir été nommés respectivement par l'avoué lui-même et par le lieutenant féodal (41) - et d'un greffier. Elle était composée de pairs, parmi lesquels on distingue des notaires de Liège (42).
La cour féodale de l'avouerie de Hesbaye et de la Cité de Liège était une juridiction foncière compétente en matière contentieuse et gracieuse, pour trancher des litiges qui avaient pour objet des fiefs mouvant de l'avouerie et pour enregistrer les reliefs - imposés aux détenteurs de fiefs chaque fois qu'intervenait une mutation par acquisition personnelle - ainsi que les actes de mutation - transports, rendages, ventes - de fiefs. Elle percevait des droits sur l'ensemble de ces procédures (43).
Les sentences de la cour féodale de l'avouerie de Hesbaye et de la Cité de Liège pouvaient vraisemblablement faire l'objet d'une procédure en appel devant la Souveraine cour féodale de Liège - qui était chef de sens de nombreuses autres cours féodales -, puis devant le Conseil ordinaire à partir de sa création au XVIe siècle (44).
Nous ne disposons pas d'informations précises sur les archives de l'avouerie de Hesbaye sous l'Ancien Régime. Il est probable qu'elles ont été conservées au château d'Aigremont après sa reconstruction au début du XVIIIe siècle et qu'elles y restèrent jusqu'à l'abolition de l'avouerie. Une fois inventorié, le fonds d'archives de la famille Clercx (XVIIe-XVIIIe siècle), conservé aux Archives de l'État à Liège, nous fournira d'éventuels éclaircissements à ce sujet.
En application du décret du 5 brumaire an V (26 octobre 1796) ordonnant le regroupement des archives de l'Ancien Régime dans les chefs-lieux des départements, les Archives départementales de l'Ourthe s'installèrent dans une aile du palais épiscopal, où les archives des institutions centrales étaient déjà conservées sous l'Ancien Régime. Les archives des cours de justice locales, des institutions ecclésiastiques ainsi que des officiers publics (notaires) y furent ajoutées. Celles de la Cour féodale de l'avouerie de Hesbaye et de la Cité de Liège ont été recueillies également dès le début du XIXe siècle par les autorités françaises. On dispose en effet d'un relevé de ces documents (registres, papiers et procès) dressé par l'ancien greffier Henri-Joseph Chapelle le 5 messidor an XI (24 juin 1803) (45). Un " tableau général des différentes collections que renferme le dépôt des archives de l'État dans la province de Liège ", publié en 1847, confirme la conservation de vingt-cinq registres aux œuvres, rôles et saisies de la cour féodale de l'avouerie de Hesbaye couvrant les années 1351 à 1794 et inclus dans le fonds du chapitre Saint-Lambert (46).
Le déménagement en 1931 des Archives de l'état dans la gare de Jonfosse entraîna un déplacement de l'ensemble des archives collectées à cette date. En 1988, fut achevée la construction à Cointe d'un nouveau dépôt d'archives où l'ensemble des fonds des Archives de l'État à Liège a été transféré.
Les archives de l'avouerie de Hesbaye sont d'abord celles de la cour féodale qui y était attachée. Elles sont donc composées majoritairement de pièces de procédure en rapport avec les compétences de cette juridiction foncière en matière contentieuse et gracieuse. En matière gracieuse, elles contiennent principalement des actes et des copies de relief de fiefs (47) - qui ne consistaient pas seulement en terres, mais aussi en rentes ou en offices - avec les commissions d'hommes de fiefs - procurations à des tiers par les détenteurs de fiefs - associées et des octrois de l'avoué de Hesbaye, préalables aux legs de fiefs qu'en réalisaient leurs détenteurs par disposition testamentaire. Ces octrois, qui devaient être sollicités, sont parfois accompagnés de la supplique correspondante ainsi que de leur enregistrement ultérieur par la cour féodale. Ce fonds d'archives contient également d'autres actes de mutation - transports, rendages - de fiefs, des dénombrements de fiefs - dont le plus ancien date du XIIIe siècle -, des relevés de vassaux ainsi que des séries de registres aux reliefs, aux œuvres, aux rôles et aux procédures du XVe au XVIIIe siècles. Des actes de nomination d'officiers de la cour féodale ainsi que quelques documents relatifs aux compétences de cette juridiction nous apportent des informations fragmentaires sur le fonctionnement de cette institution.
Langues et écriture des documents
Les documents qui composent ce fonds sont en français. Quelques pièces en latin et des copies de registres en néerlandais en font partie. La lecture d'une partie importante des pièces de procédure et reliefs de fief demande des compétences paléographiques.
Les archives de l'avouerie de Hesbaye ont jusqu'à présent été considérées comme un sous-fonds de la cathédrale Saint-Lambert, peut-être en raison de l'acquisition simultanée de ces deux collections par le dépôt des Archives de l'État à Liège. Or il apparaît que non seulement l'avouerie de Hesbaye ne constitue pas un organe du chapitre cathédral, mais qu'au fil des siècles, elle cesse d'une part de dépendre des princes-évêques, de l'autre d'exercer sa fonction première de protection juridique et militaire des biens de l'immunité liégeoise.
Le plan de classement adopté est inspiré de celui que propose Herman Coppens dans son ouvrage De Ontsluiting van Archieven (48). Il a toutefois dû être adapté aux différentes séries identifiées et des subdivisions ont été modifiées ou ajoutées.
Cet instrument de recherche est divisé en trois rubriques principales qui distinguent les pièces relatives à l'organisation et aux officiers de la cour féodale de l'avouerie de Hesbaye ; les documents en rapport avec l'administration des fiefs : les relevés de fiefs et de vassaux, les registres aux reliefs, les actes de reliefs avec les commissions d'hommes de fiefs - sortes de procuration - pour effectuer ces reliefs et les registres et pièces de comptabilité des droits féodaux, perçus par la cour féodale pour l'exercice de ses différentes compétences ; sont classés ensuite les documents en rapport avec les fonctions judiciaires de la cour féodale, en matière contentieuse - registres aux rôles et aux procédures et pièces de procédure - , puis gracieuse - documents qui interviennent dans la procédure d'octroi des fiefs par l'avoué de Hesbaye, transports de fiefs et autres mutations. Quelques pièces sans lien apparent avec ce fonds d'archives, produites par d'autres juridictions ou des notaires, sont décrites à la fin de cet inventaire.
Tous les documents du fonds de l'avouerie de Hesbaye sont publics et librement consultables. L'état matériel précaire de certains registres apporte toutefois une restriction à leur communication aux chercheurs.
La reproduction des documents est autorisée aux conditions et aux tarifs en vigueur aux Archives générales du Royaume et Archives de l'État dans les Provinces.
L'état matériel des documents est globalement satisfaisant, à l'exception des registres aux reliures fragilisées et souvent détériorées.
Le fonds de l'avouerie de Hesbaye contient de nombreuses copies de reliefs de fiefs. Les originaux de ces documents étaient probablement entre les mains de leurs bénéficiaires, de telle sorte qu'on devrait les retrouver dans des fonds de famille ainsi que d'institutions ecclésiastiques.
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Le fonds de l'avouerie de Hesbaye a été classé et inventorié au cours de l'automne 2012 par Laurence Druez.
1 | Recès des pairs de la cour féodale concernant la délivrance d'actes de transport. [Après le 31 juillet 1721]. | 2 pièces |