Name: Cabinets ministériels du Premier ministre Hubert Pierlot à Londres - Ministeriele Kabinetten van de Eerste Minister Hubert Pierlot te Londen
Period: 1940 - 1944
Archive repository: National Archives of Belgium
Heading : Government in general (incl. Chancellery of the Prime Minister)
Authors: L. De Mecheleer — L.A. Bernardo Y Garcia
Year of publication: 2010
Code of the inventory: I 492
Archives des cabinets du Premier ministre Hubert Pierlot à Londres
Le 10 mai 1940, la Belgique est envahie. Hantée par les massacres d'août 1914 et fuyant l'horreur des bombardements aériens, près de la moitié du pays oublie les consignes gouvernementales et se jette sur les routes de l'exode. À la cohue des civils va bientôt se mêler le reflux des armées belge et française en déroute. Près de deux millions de civils en fuite seront pris en tenaille par la poussée allemande en Belgique et dans le Nord de la France.
Le 14 mai 1940, l'envahisseur perce les lignes de défense françaises à Sedan et poursuit son élan pour atteindre la mer à Boulogne dix jours plus tard. Le front allié est coupé en deux. Le 28 mai, Léopold III capitule à la tête de son armée et tombe dans les mains de l'ennemi. Le jour même, le gouvernement belge, qui est parvenu à échapper à l'étreinte allemande (1), décide de poursuivre le combat en France et constate l'incapacité de régner du roi (2). Le corps expéditionnaire britannique (British Expeditionary Force) est évacué précipitamment de la poche de Dunkerque avec quelques lambeaux de troupes françaises et une poignée de militaires belges. Au Sud de la Somme, entre un million cinq cents mille et deux millions de Belges sont passés entre les mailles de plus en plus étroites du filet allemand. Le 31 mai, le gouvernement belge et les parlementaires réunis à Limoges désavouent publiquement l'attitude de Léopold III. La rupture avec le roi est consommée (3).
Les autorités françaises confrontées à une situation militaire désastreuse sont débordées par la marée humaine belge enflée par trois millions de compatriotes. Le 22 juin, l'armistice demandé par la France est signé. Abattus, la plupart des ministres belges s'alignent sur la position du gouvernement de la IIIème République moribonde. Le ministre libéral de la Santé publique, Marcel-Henri Jaspar, refuse la défaite et à l'insu du gouvernement gagne Londres, où le 23 juin il lance sur les ondes de la British Broadcast Corporation (BBC) un appel à poursuivre la lutte. Il sera désavoué par ses collègues. Le 25 juin, les armes se taisent.
Le gouvernement belge défait s'applique à démobiliser les troupes belges en France et organise le rapatriement des réfugiés, fonctionnaires et jeunes de la réserve de recrutement vers le pays occupé. Il tergiverse quant à l'opportunité de poursuivre en Grande-Bretagne la lutte contre l'envahisseur. Le 4 juillet, le ministre des Colonies, le catholique Albert De Vleeschauwer, muni par ses collègues des pleins pouvoirs exécutifs et législatifs sur le Congo belge et le Ruanda-Urundi rejoint la capitale britannique après une étape lisboète. Le 1er août, le ministre des Finances, le libéralisant Camille Gutt, déterminé à continuer la lutte, entreprend le grand voyage. Avec l'appui de l'ambassadeur de Belgique à Londres, Émile de Cartier de Marchienne, et l'ambassadeur extraordinaire en mission à New-York, l'ancien Premier ministre catholique et homme d'affaires Georges Theunis, ils tentent de rallier le Premier ministre, le catholique Hubert Pierlot, et le ministre des Affaires étrangères, le socialiste Paul-Henri Spaak. L'occupant leur interdisant tout retour au pays et confrontés au silence pesant de Léopold III, Spaak et Pierlot se décident à gagner la Grande-Bretagne. Quant aux ministres restés en France non-occupée, ils se considèrent comme démissionnaires. Après un tumultueux périple à travers l'Espagne et le Portugal, Pierlot et Spaak rejoignent leurs deux collègues en Grande-Bretagne le 22 octobre 1940 (4).
À l'automne 1940, le reflux de la vague de l'exode consécutif à l'invasion allemande révèle la persistance d'une importante population réfugiée en pays neutre et allié. Les présences belges en Grande-Bretagne, au Portugal (5) et aux États-Unis (6) en constituent le principal reliquat. Aux côtés du gouvernement belge reconstitué à Londres, de son appareil d'État et de son armée, cette société de l'exil compose la Belgique du dehors par opposition au pays occupé.
Depuis l'été 1940, une quinzaine de milliers de Belges partagent le sort de leur gouvernement au Royaume-Uni et renouvellent l'expérience de l'exil des quelques 200.000 compatriotes au cours de la Première Guerre mondiale (7). Se retrouvent pêle-mêle une poignée de militaires évacués, progressivement rejoints par ceux qui ont choisi de continuer la lutte aux côtés de la Grande-Bretagne, quelques personnalités qui ont sciemment opté pour l'exil, mais aussi nombre de simples citoyens acculés sur les côtes belge et française. Les Belges vont constituer la plus importante population réfugiée de guerre alliée en Grande-Bretagne. Pour la majorité d'entre eux, l'exil est subi et ne résulte en rien d'un choix motivé par le refus de l'occupation allemande ; les navires sur lesquels ils ont pu embarquer ont été déroutés par la Royal Navy.
La décision britannique d'accepter une " armée de pauvres " réfugiés de guerre belges, néerlandais, français ou encore polonais n'est pas comprise comme un acte de solidarité entre alliés mais bien comme un écrasant fardeau imposé par le simple constat qu'il est pour le moins difficile de les rejeter à la mer. Si le gouvernement britannique accepte de prendre à sa charge l'entretien et le logement des réfugiés de guerre alliés sans ressources, il répugne à toute dépense supplémentaire. Afin de soulager le Trésor, les autorités font porter l'essentiel de l'accueil et de l'aide sur les épaules déjà chargées des organismes bénévoles. Toute la politique d'assistance, de logement et d'évacuation britannique sera guidée par le même souci de ne pas donner l'impression à l'opinion publique que les réfugiés de guerre alliés bénéficient d'un traitement plus favorable que celui accordé aux nationaux nécessiteux. L'accueil est quelque peu différent de l'été 1914.
Le premier exil a laissé de mauvais souvenirs. La plupart des avis s'accordent sur la saleté et la paresse des Belges. De plus, la capitulation de Léopold III n'a pas bonne presse. Mais le malaise est vite dissipé et l'acceptation des réfugiés de guerre belges se mêle d'indifférence. De nombreux Belges tentent vainement d'obtenir un rapatriement vers le pays occupé. Ces réfugiés ordinaires, majoritairement flamands, proviennent de tous les horizons socioprofessionnels. Les femmes et les enfants constituent le gros de la population. La moyenne d'âge des hommes est élevée. Il y a peu de jeunes gens susceptibles d'être appelés sous les drapeaux. Jusqu'au mois de septembre 1940, les réfugiés de guerre belges sont concentrés dans la mégalopole londonienne. Après la dispersion massive provoquée par les bombardements aériens allemands, environ un tiers reste dans la capitale. Les autres sont disséminés aux quatre coins du Royaume-Uni. Une turbulente communauté de pêcheurs se distingue par son importance numérique et une localisation précise. Elle contribuera activement au ravitaillement du pays d'accueil grâce à sa flotte de pêche moderne. L'autre importante communauté exilée est constituée par les quelques 3.000 fonctionnaires et agents de l'État. Enfin, autour du gouvernement belge et de l'ambassade de Belgique, gravitent une poignée de parlementaires et syndicalistes refusant la défaite, quelques hommes d'affaires repliés à Londres et un escadron de hauts fonctionnaires partis " par ordre ". Cette élite va intégrer progressivement le cadre de l'appareil d'État belge reconstitué à Londres. Ce cadre politico-administratif est étoffé tout au long de l'exil par quelques rares personnalités évadées d'Europe occupée (8).
Le 8 septembre 1944, le gouvernement belge atterrit à Bruxelles dans l'indifférence générale. Il est rapidement suivi par les cadres politiques, administratifs et militaires de l'exil. Les Belges ordinaires réfugiés en Grande-Bretagne, tout comme leurs compagnons d'infortune sur le continent américain, en France, au Portugal ou encore en Suisse, devront patienter avant de pouvoir retourner au pays libéré. Le gros des rapatriements s'effectue en plusieurs vagues successives tout au long de l'été et de l'automne 1945. Les derniers réfugiés de guerre belges rentrent au pays au mois de septembre 1946 en même temps que le reliquat des services gouvernementaux londoniens. De l'exil, la société belge de l'après-guerre travaillée par la Question royale - surtout du côté catholique - ne va retenir qu'un gouvernement de Londres flanqué des quelques personnalités politiques et administratives reprises sous le nom tantôt sulfureux tantôt stigmatisant de Londoniens. Cette image s'effacera peu à peu de la mémoire collective pour faire place à celle d'une Belgique du dehors combattante avec la brigade Piron et les aviateurs aux côtés des Grands Alliés américain et britannique (9).
Gutt et De Vleeschauwer arrivés le 9 août en Grande-Bretagne reconstituent rapidement un embryon d'exécutif belge " comme si Pierlot et Spaak ne devaient pas venir " (10). Les deux ministres exilés assument seuls le pouvoir et se répartissent les portefeuilles ministériels vacants. Ce gouvernement à deux marque la continuité de la légalité nationale en cette période d'incertitude où le maintien de la Belgique dans le camp britannique se pose crûement. Il s'agit alors de damner le pion aux remuants parlementaires exilés rassemblés autour de l'ancien président de la Chambre et bourgmestre socialiste d'Anvers, Camille Huysmans, et du ministre Jaspar exclu du gouvernement (11). Ces politiques exilés se sont regroupés au sein d'un Office parlementaire belge (OPB) créé le 22 juillet 1940 qui consacre l'essentiel de son temps et de son énergie au secours des réfugiés de guerre belges. Ayant récusé complètement le gouvernement Pierlot échoué à Vichy, ils tentent aussi de former une nouvelle autorité gouvernementale belge reconnue par le Gouvernement de Sa Majesté britannique.
Au mois d'octobre 1940, les parlementaires perdent la partie avec l'arrivée de Spaak et Pierlot. Forts de la reconnaissance britannique, Pierlot, Spaak, Gutt et De Vleeschauwer reconstituent seuls un gouvernement belge de Londres à tendance conservatrice et majoritairement francophone. Les parlementaires appartenant surtout à la gauche socialiste et libérale finissent par rallier ce dernier tout en adoptant une attitude critique et en remplissant un semblant d'opposition politique tout au long de l'exil. En 1942, le quatuor ministériel devient un quintet avec l'arrivée du catholique Antoine Delfosse échappé de Belgique occupée puis un septet en 1943 avec le renfort de deux ministres flamands, le catholique August-Edmond De Schryver (12) et le socialiste August Balthazar, évadés de France (13).
La capitale britannique abritera en son sein une Europe de l'exil libre et combattante composée des autorités légitimes ou reconstituées belges, néerlandaises, tchécoslovaques, norvégiennes et polonaises ainsi que de divers comités nationaux, dont la France libre du général Charles de Gaulle, opposés aux gouvernements de leurs pays à la botte du IIIème Reich (14).
Depuis son exil londonien, le gouvernement belge va " se jeter à corps perdu dans la guerre " (15). Spaak dressera dans ses mémoires l'inventaire des tâches multiples et difficiles que le quatuor ministériel s'est assignées dès le mois d'octobre 1940 : " Il nous fallait organiser une armée, appeler sous les armes en Grande-Bretagne tous les Belges en âge de servir, disséminés à travers le monde ; reprendre en main nos postes diplomatiques qui pendant près de trois mois avaient été laissés sans instructions (...) gérer les affaires de notre colonie, notre richesse et notre atout principal dans la lutte qui continuait ; utiliser au mieux pour l'effort commun notre or qui avait été mis à l'abri ; mettre au travail les quelques milliers de Belges réfugiés en Grande-Bretagne, les aider et les réconforter. Il fallait rendre à tous la confiance et l'espoir ; donner à ceux au milieu de qui nous vivions l'image d'une Belgique décidée à jouer sans défaillance son rôle dans la guerre ; préparer l'avenir, aussi bien en ce qui concerne notre vie intérieure après la victoire que notre politique internationale ; enfin vivre en bons termes avec les parlementaires qui étaient à Londres et qui avaient quelque tendance à nous contester les pouvoirs que nous nous étions attribués " (16).
Les objectifs gouvernementaux se trouveront constamment sous la coupe des Grands Alliés anglo-saxons auprès desquels le gouvernement belge de Londres doit avant tout restaurer le crédit de la Belgique ruiné par la capitulation du roi, sa volonté de rester en pays occupé et les errements gouvernementaux en France (17). Il lui faut aussi retrouver une légitimité et rétablir son autorité auprès de ses compatriotes - dans le monde libre et en pays occupé - qui le rejettent et vouent un culte au roi prisonnier à Laeken.
La politique belge d'assistance et d'encadrement à destination de sa propre population réfugiée en Grande-Bretagne ou résidant en pays neutre et allié, l'organisation à grands frais d'un ravitaillement limité vers la Belgique occupée ou encore la reconstitution d'une petite armée belge sur le sol britannique sont symptomatiques de la quête d'une souveraineté " toujours vivante et active " (18) du gouvernement belge de Londres et de sa volonté de se voir reconnaître par la Grande-Bretagne le statut d'allié belligérant à part entière. Les succès et échecs du lourd appareil d'État belge reconstitué à cet effet doivent être évalués au regard de ces préoccupations fondamentales.
Seront rapidement reconstitués les quatre ministères indispensables en temps de guerre, à savoir les Colonies, les Finances, la Défense nationale et les Affaires étrangères. Suivront quelque temps après, le service à destination des réfugiés belges en Grande-Bretagne, les départements de l'Instruction publique puis du Travail et de la Prévoyance sociale. Les autres ministères sont pour la plupart des " coquilles vides " peuplées de quelques spécialistes chargés de préparer le retour au pays. Ceux-ci vont s'étoffer progressivement à l'approche de la libération du territoire national (19). Cette administration centrale londonienne accolée à des cabinets ministériels réduits à leur plus simple expression va assurer consciencieusement la permanence de l'État en exil.
Le roi se trouvant entre les mains de l'ennemi et les Chambres ne pouvant être convoquées pour désigner un régent, les pouvoirs constitutionnels du roi seront exercés en exil - conformément à l'article 79 de la Constitution belge - " au nom du peuple belge, par les Ministres réunis en Conseil, et sous leur responsabilité ". Dès lors, les arrêtés royaux - les décisions du pouvoir exécutif soumises à la signature du roi - prennent la forme d' " arrêtés des Ministres réunis en Conseil ". Quant aux lois - les décisions prises par les Chambres législatives et promulguées avec la sanction royale - elles prennent la forme d' " arrêtés-lois " sous les signatures des ministres réunis en Conseil (20).
Nanti de la sorte des pouvoirs constitutionnels, le gouvernement à Londres va déployer tout au long de l'exil une intense activité législative et exécutive afin d'accomplir les lourdes tâches qu'il s'est assignées (21). Outre la gestion de leurs ministères respectifs, les membres du gouvernement vont se répartir à plusieurs reprises les attributions ressortissant aux départements des ministres démissionnaires restés en France non occupée. Pierlot sera le membre du gouvernement à Londres qui cumulera le plus de compétences ministérielles pendant l'exil (22). Outre les fonctions de Premier ministre, il sera chargé un temps des attributions ressortissant à l'Administration de la Milice (22.11.1940-4.03.1942) (23), au ministère de l'Agriculture (22.11.1940-20.06.1944) (24), au ministère de la Santé publique (22.11.1940-15.04.1944) (25), au ministère de l'Instruction publique (22.11.1940-4.03.1942) (26), au ministère de l'Intérieur (22.11.1940-1.05.1943) (27), au ministère des Transports, Postes, Télégraphes et Téléphones (PTT) et Institut national de radiodiffusion (INR) (22.11.1940-26.09.1944) (28), au ministère des Travaux publics (22.11.1940-1.05.1943) (29), au ministère du Ravitaillement (22.11.1940-26.02.1943) (30), au ministère du Travail et de la Prévoyance sociale (22.11.1940-16.01.1941) (31), au service des réfugiés (22.11.1940-3.03.1942) (32), au ministère de la Justice (4.03.1942-12.10.1942) (33) et au ministère de la Défense nationale (12.10.1942-26.09.1944) (34). Le ministre des Finances, Camille Gutt, se verra attribuer les portefeuilles des Affaires économiques (22.11.1940-26.09.1944) (35), des Communications (22.11.1940-26.09.1944) (36), de la Défense nationale (22.11.1940-12.10.1942) (37) et du Ravitaillement (26.02.1943-20.09.1943) (38). Le ministre des Affaires étrangères et du Commerce extérieur, Paul-Henri Spaak, s'occupera un temps des Services de l'Information nationale et de la Propagande (22.11.1940-12.10.1942) (39), du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale (16.01.1941-26.09.1944) (40), de l'Administration de la Milice (4.03.1942-26.09.1944) (41), du service des réfugiés (4.03.1942-26.09.1944) (42), du ministère des Communications (12.10.1942-1.05.1943) (43), du ministère du Ravitaillement (20.09.1943-26.09.1944) (44) et du ministère de la Santé publique (15.04.1944-26.09.1944) (45). Albert De Vleeschauwer, ministre en titre des Colonies, sera chargé temporairement des attributions ressortissant au département de la Justice (22.11.1940-4.03.1942) (46) et au département de l'Instruction publique (4.03.1942-26.09.1944) (47).
Les trois nouveaux membres du gouvernement ne cumuleront pas les attributions. Antoine Delfosse retrouve son portefeuille de l'Information nationale devenu " Services de l'Information Nationale et de la Propagande " (12.10.1942-26.09.1944) (48) et se voit attribuer celui stratégique de la Justice (12.10.1942-26.09.1944) (49). August-Edmont De Schryver perd son portefeuille d'avant-guerre des Affaires économiques mais hérite de l'important ministère de l'Intérieur (1.05.1943-26.09.1944) (50) et de l'Agriculture (20.06.1944-26.09.1944) (51). Quant à August Balthazar, privé de son ministère du Travail et de la Prévoyance, il se voit attribuer le ministère des Communications (1.05.1943-26.09.1944) (52) et celui des Travaux publics (1.05.1943-26.09.1944) (53).
Afin de renforcer son action tout en évitant de nommer de nouveaux ministres, le gouvernement belge en exil va créer la fonction de sous-secrétaire d'État qui n'existait pas dans le droit belge. L'objectif est de soulager les ministres attributaires de la gestion quotidienne de départements importants. Au fil des nominations et démissions successives, cinq sous-secrétaires d'État seront désignés afin d'assurer l'encadrement et la mise au travail des réfugiés de guerre belges ainsi que l'éducation de leur progéniture, pour appuyer le ministre de la Défense nationale ou de préparer le " ravitaillement d'après-guerre ". Les activités des sous-secrétaires d'État sont contrôlées par le ministre responsable en la matière (54). Ceux-ci jouissent toutefois d'une grande liberté de décision en ce qui concerne les questions administratives d'ordre pratique et assistent fréquemment au Conseil des Ministres (55). Le 4 mars 1942, un arrêté des ministres publié au Moniteur de Londres désigne les trois premiers sous-secrétaire d'État. Julius Hoste Jr., ancien ministre libéral de l'Instruction publique et directeur-propriétaire du journal Het Laatste Nieuws, devient sous-secrétaire d'État à l'Instruction publique et se préoccupera essentiellement de l'enseignement des petits Belges en Grande-Bretagne (56). L'administrateur-directeur général de la Fabrique nationale d'Armes de Guerre (FN), récemment évadé de Belgique occupée, Gustave Joassart, se voit attribuer les fonctions de sous-secrétaire d'État à l'Aide aux Réfugiés, au Travail et à la Prévoyance Sociale (57). L'arrêté des ministres désigne aussi un autre évadé de Belgique, le sénateur socialiste Henri Rolin, à la Défense nationale (58). En portant son choix sur Rolin et Joassart, le gouvernement " a été inspiré par le désir de travailler en esprit d'union toujours plus étroite et plus effective avec la Belgique occupée " dont il tente de gagner les faveurs (59). En septembre 1943, le représentant patronal catholique Joassart est remplacé par un autre évadé de Belgique, le secrétaire général de la Confédération générale du Travail de Belgique (CGTB) Joseph Bondas (60). Le 3 septembre 1943, les ministres promeuvent l'administrateur-délégué de la Sofina et ancien ministre technicien des Affaires économiques et des Classes moyennes, Raoul Richard, au rang de sous-secrétaire d'État au Ravitaillement (61). Un arrêté des ministres réunis en Conseil l'a d'abord placé, le 31 décembre 1942, à la tête d'un commissariat au Ravitaillement et au Réapprovisionnement du Pays (62). Ces importantes fonctions gouvernementales exercées par l'administrateur-délégué de la Sofina soulèvent à nouveau le danger de confusions d'intérêts dans le chef de représentants des grands groupes industriels et financiers auxquels le gouvernement belge en exil a fait appel afin de compenser la pénurie de fonctionnaires expérimentés (63).
Le 30 mars 1943, l'ancien ministre catholique Paul Tschoffen, récemment évadé de Belgique occupée, est nommé conseiller d'État et chargé de faire rapport au gouvernement " sur toutes questions, dont l'étude lui est confiée " (64). Tout comme ses collègues sous-secrétaires d'État, il sera appelé à siéger au Conseil des Ministres. La création à titre temporaire de la fonction de conseiller d'État procède de la même intention de ne pas élargir le gouvernement tout en associant à son travail une personnalité de la Belgique du dedans (65). Par un arrêté des ministres réunis en Conseil en date du 25 janvier 1941, le gouvernement s'entoure aussi d'un Conseil juridique chargé de donner avis dans le cadre de l'élaboration et la rédaction des arrêtés-lois et arrêtés (66).
Afin de canaliser l'opposition des remuants parlementaires auxquels le gouvernement refuse toute participation au pouvoir, celui-ci a créé, par un arrêté du 11 février 1942, un Conseil consultatif du Gouvernement qui officie comme une commission politique d'avis. Elle sera composée des ministres d'État se trouvant au Royaume-Uni, de parlementaires ou d'anciens parlementaires et de membres désignés par le Conseil des Ministres. Ministres, sous-secrétaires d'État et conseiller d'État ont le droit d'assister aux réunions du Conseil consultatif et à celles de ses commissions (67).
Parmi les éléments qui ont déterminé la création, la reconstitution ou l'adaptation aux circonstances nouvelles de divers services ministériels en exil sera cité en tout premier lieu par le cabinet du Premier ministre la " présence en Angleterre d'un nombre considérable de compatriotes " suivi directement de la volonté gouvernementale de poursuivre la lutte " aux côtés de nos alliés " avec tous les moyens dont il dispose encore (68).
Dès le mois d'août 1940, l'embryon d'exécutif formé par le duo Gutt et De Vleeschauwer a mis à disposition de la Grande-Bretagne ses maigres forces militaires qui se reconstituent sur le sol anglais. À partir d'un noyau de quelque 400 soldats, aviateurs et marins belges présents dès l'été 1940 vont se constituer les Forces belges en Grande-Bretagne (FBGB). Celles-ci - surtout dans sa composante terrestre - vont être confrontées tout au long de l'exil à une cruelle pénurie de recrues et au mauvais vouloir du War Office britannique. Les FBGB se composeront principalement des sections belges de la Royal Navy et de la Royal Air Force (RAF), du 1er Groupement indépendant belge commandé par le colonel Jean Piron ainsi que les unités commando et parachutiste. En 1944, l'ensemble tournera autour de 4.000 hommes (69).
Les atouts économiques de la Belgique en exil ne sont pas négligeables et suscitent rapidement l'intérêt des Britanniques (70). Ils se composent de l'or de la Banque nationale, des ressources minérales et végétales stratégiques du Congo (71) et de sa flotte marchande (72). La mise à disposition des Alliés de la marine marchande belge ainsi que de son personnel réquisitionnés depuis le 10 mai 1940 entraîne la création le 29 août 1941 de la Régie de la Marine, organisme public et indépendant de l'administration normale du ministère des Communications (73). L'arrêté-loi du 10 janvier 1941 a fixé temporairement en Grande-Bretagne le port d'attache des navires battant pavillon belge (74). La politique étrangère belge conduite depuis l'exil londonien portera essentiellement sur l'intégration de la Belgique au sein des " Nations Unies " en guerre contre les puissances de l'Axe. Elle s'exprimera notamment au travers des accords conclus avec la Grande-Bretagne en 1941 relatifs à la participation du Congo à l'effort de guerre au niveau colonial, financier et monétaire ainsi qu'au prêt de l'or belge. Une convention d'aide réciproque entre Alliés est signée en 1942 et le gouvernement belge de Londres conclut en 1944 un accord de vente aux États-Unis de l'uranium congolais (75). Le gouvernement belge de Londres va rapidement s'appliquer à faire connaître et défendre la position de la Belgique en guerre tant dans le mondre libre qu'en pays occupé. Deux organismes spéciaux de propagande seront créés à cet effet. Constitué par arrêté-loi du 5 décembre 1940, l'Office belge d'Information et de Documentation (INBEL) ou Belgian News Agency (76) va aussi éditer dans les deux langues nationales différents périodiques à destination des Belges du dehors, réfugiés, soldats et expatriés (La Belgique Indépendante-Onafhankelijk België, Marine, Vers l'Avenir- Naar Wijd en Zijd). L'Office de Radio-Diffusion nationale belge (77) produira les émissions de Radio Belgique à destination du pays occupé mais diffusées et contrôlées par la BBC et installera à grand frais un poste de radio-diffusion gouvernemental au Congo (78).
Dès la première séance du Conseil des Ministres en exil organisée le 31 octobre 1940, le gouvernement belge constate la nécessité d'établir des contacts avec le pays occupé dont il ne sait pratiquement rien (79). Moins d'un mois plus tard, l'Administration de la Sûreté de l'État est réorganisée en Grande-Bretagne et transférée provisoirement du ministère de la Défense nationale au ministère de la Justice (80). Elle est chargée des liaisons clandestines avec le pays occupé afin de recueillir des renseignements politiques et économiques, de créer des réseaux de résistance et d'appuyer ceux qui se créent spontanément sur le terrain. La Sûreté de l'État travaillera étroitement avec les services secrets britanniques comme le MI 6 ou Intelligence Service (SIS) et le Special Operations Executive (SOE). Les ministres tenteront aussi de renouer clandestinement avec le roi enfermé dans son mutisme à leur égard. S'il prétend renoncer officiellement à toute activité politique, Léopold III va pourtant s'opposer tout au long de la guerre au gouvernement belge en exil. Il désapprouve la volonté des ministres belges à Londres de poursuivre la guerre et d'engager le Congo pour soutenir l'effort de guerre britannique. Le gouvernement belge de Londres ne soulèvera jamais publiquement la question royale et sa propagande officielle ne cessera de rendre hommage à ce silence représenté comme un acte de résistance à l'occupant. Si bien que la majorité des Belges croiront que Pierlot exilé à Londres et le roi prisonnier à Laeken sont les deux faces d'une seule et même politique. Le gouvernement à Londres s'adressera tout au long de l'exil de façon officielle ou clandestine au pays occupé et mettra en garde ses notabilités dont il finira par condamner la politique du moindre mal prônant une collaboration administrative et économique limitée avec l'occupant en échange de maigres avantages (81).
Si le regard du gouvernement belge se porte tout au long de l'exil vers le pays occupé et son roi prisonnier, celui-ci ne néglige pas pour autant ses milliers de compatriotes perdus en Grande-Bretagne dont ils ignorent majoritairement la langue et les usages. Il s'attache non sans mal à améliorer leur maigre ordinaire. Dès le mois de septembre 1940, un Service central des Réfugiés (SCR) est mis en place sous la direction générale du conseiller commercial de l'ambassade de Belgique à Londres, Charles Bastin. Celui-ci obtient un adjoint flamand comme " doublure ", l'attaché agricole Louis Borremans, qui officiera comme secrétaire général. Le SCR va rapidement organiser à grands frais l'assistance matérielle, les loisirs, les secours de la Religion et l'éducation des enfants. Comme l'expliquera en 1971 Spaak dans ses " Télémémoires " : " Nous nous sommes rendus compte que pour gouverner dix mille Belges, il fallait disposer presque des mêmes services que pour en administrer neuf millions " (82). L'autre priorité est d'inclure rapidement les Belges dans l'effort de guerre britannique mais la mise au travail sera lente et difficile. Désœuvrés, les réfugiés belges sont soumis contre leur gré à une politique d'assistance britannique qui leur permet tout au plus de mener une existence d'indigents. La mobilisation des réfugiés de guerre belges débute au mois d'avril 1941. Au mois de mai 1943, près de 90 % des hommes et 40 % des femmes ont trouvé de l'embauche. La masse misérable de l'été 1940 est devenue une force de travail appréciable pour l'économie britannique dans un contexte de guerre totale.
Le 22 novembre 1940, Pierlot se charge des affaires ressortissant au ministère du Travail et de la Prévoyance sociale. Le 16 janvier 1941, Paul-Henri Spaak, lui succède. À l'époque, le département est une coquille vide. L'essentiel de ses compétences relève du SCR. Après avoir obtenu dans des circonstances particulièrement difficiles, des résultats mitigés, les activités de l'Office du Travail du SCR seront transférées le 1er mars 1941 au ministère du Travail et de la Prévoyance sociale reconstitué. Ce dernier occupe une trentaine de fonctionnaires et a pour mission immédiate de mettre au travail tous les Belges valides (83). Lorsque les départements ministériels de l'Instruction publique, du Travail et de la Prévoyance sociale et des Communications reprennent vie, ils récupèrent naturellement leurs attributions qui sont manifestement de leur compétence et que le SCR a assumé jusqu'alors faute d'organisations adéquates. Ce transfert de compétences aiguise l'appétit des deux derniers départements moins bien dotés que le SCR (84). Cette situation provoquera immanquablement différents conflits de compétence coûteux qui seront dénoncés par le vigilant Camille Gutt (85). Le Premier ministre partage entièrement le point de vue de son ministre des Finances et promet de tenir compte de ses recommandations : " Je n'ai cessé de m'élever contre le procédé qui consiste à répéter dans plusieurs administrations des activités identiques tendant au même fait et multipliant, avec les doubles ou triples emplois, les dépenses de tous genres " (86).
Depuis son exil londonien, le gouvernement belge va aussi rapidement organiser un " ravitaillement de guerre " à destination du pays occupé dont les maigres ressources alimentaires sont accaparées par l'occupant. L'objectif gouvernemental initial est de renouveler l'expérience de la Première mondiale avec un ravitaillement massif à partir des États-Unis neutres mais amicaux. Celui-ci rencontre rapidement l'opposition britannique à toute levée du blocus continental et capote avec l'entrée en guerre des États-Unis au mois de décembre 1941. Aussi, le gouvernement belge de Londres se recentre-t-il rapidement sur un ravitaillement individuel et collectif de moindre ampleur en deçà du blocus allié à partir de la légation de Belgique à Lisbonne. Dans le même temps, il s'active à organiser le " ravitaillement d'après-guerre ". Le 10 novembre 1943, les " services chargés de préparer le ravitaillement de la population et le réapprovisionnement des entreprises agricoles, industrielles et commerciales pour la période qui suivra la libération du territoire " sont érigés en département du Ravitaillement (87).
De fait, le gouvernement belge réfléchit rapidement à l'après-guerre. Il s'inquiète de la position future de la Belgique sur l'échiquier international et juge que des réformes seront nécessaires en pays libéré dans les domaines économique, politique et social. Au mois de janvier 1941, est mise sur pied, sous l'autorité directe du Premier ministre, une Commission pour l'Étude des Problèmes d'Après-Guerre (CEPAG). La CEPAG intègre des fonctionnaires et diplomates mais surtout des notabilités issues du monde politique, syndical et des affaires. Au même titre que le Conseil consultatif du Gouvernement, les nombreux commissionnements et autres missions confiés et payés par le gouvernement belge, la CEPAG constitue un moyen de canaliser l'opposition ou les ambitions du personnel politique se trouvant dans le monde libre (88). Les attributions et les règles de fonctionnement de la CEPAG ne seront curieusement fixées que le 4 juin 1942 par un arrêté des ministres réunis en Conseil (89). Si la CEPAG sera présidée par l'ancien Premier ministre catholique, Paul van Zeeland, son secrétaire général, le syndicaliste socialiste Jef Rens, en sera la véritable cheville ouvrière.
La CEPAG sera aussi chargée de préparer avec les départements et services concernés les mesures à prendre lors de la libération du territoire " en vue d'assurer la reprise de la vie normale du pays " (90). En ce qui concerne le maintien de l'ordre et la répression des collaborations, elle passe le relais dès l'été 1943 à Walter Ganshof van der Meersch qui exerce la nouvelle fonction de Haut Commissaire à la Sécurité de l'État (91). L'auditeur général - récemment évadé de Belgique occupée - est chargé d'assurer une double mission de coordination, à savoir d'une part, celle relative aux mesures qui seront prises dans le cadre du maintien de l'ordre en pays libéré et d'autre part, celle relative aux activés parfois concurrentes en matière de renseignements et d'action des services de l'Administration de la Sûreté de l'État et de la Deuxième Direction du ministère de la Défense nationale (92). L'essentiel des travaux préparatoires à l'organisation du maintien de l'ordre se dérouleront au sein d'un Comité de Sécurité relevant de l'autorité directe du Premier ministre et dont le secrétariat sera assuré par le substitut de l'auditeur militaire et futur administrateur de la Sûreté de l'État en Belgique libérée, Paul Bihin. Ce Comité est la réincarnation d'un organe consultatif du même nom institué avant-guerre au sein des services du Premier ministre afin de discuter des questions relatives à la sécurité nationale (93). Il va se réunir régulièrement en exil à partir de l'été 1943 et sera composé du Premier ministre, du Conseiller d'État, de Ganshof van der Meersch, des ministres de l'Intérieur et de la Justice et à quelques occasions de celui des Affaires étrangères (94).
En prévision de la libération du pays, le gouvernement belge de Londres va prendre des décisions importantes. Au cours des derniers mois d'exil, l'occupant ayant fait tourné activement la planche à billet, Gutt prépare dans le plus grand secret une réforme monétaire tendant à maintenir la valeur du franc belge, à retirer de la circulation l'excédent d'argent et à taxer les bénéfices de guerre. Au mois de juillet 1944, l'inspecteur général des FBGB, le général Victor Van Strydonck de Burkel, est nommé à la tête de la Mission militaire belge de Liaison auprès du Haut Commandement allié (95). Cette mission compétente dans les régions affectées par les opérations militaires s'occupera tant des relations entre les forces armées alliées et les populations civiles que du maintien de l'ordre (96). L'ancien ministre,Paul Tschoffen, commissionné au grade de lieutenant général pour la circonstance, devient le chef de la Mission d'Affaires civiles, qui constitue la 2ème section de la Mission militaire belge (97). Cette 2ème section constituée d'un escadron d'officiers conseillers d'affaires civiles (CAC) doit remettre en route les structures administratives et économiques du pays, favoriser le ravitaillement et l'approvisionnement tout en assurant la liaison entre le gouvernement belge, les armées alliées et les autorités locales (98). La 1ère section est purement militaire. Ganshof van der Meersch prend quant à lui la tête de la 3ème section de la Mission militaire belge. Il supervisera sur le terrain les parquets militaires, les officiers attachés au Haut Commissariat à la Sécurité de l'État (HCSE) et les officiers et agents de l'Administration de la Sûreté de l'État.
Par un arrêté-loi du 27 juin 1944, le gouvernement belge de Londres créée le Commissariat belge au Rapatriement (CBR) qui sera présidé par Paul van Zeeland (99). Le CBR va se charger d'une tâche considérable en organisant le retour au pays de près de 300.000 " personnes déplacées " en Allemagne ou ailleurs : prisonniers de guerre, travailleurs volontaires ou obligatoires en Allemagne, prisonniers politiques, survivants du judéocide, réfugiés de guerre en pays neutre ou allié (100).Peu avant son retour au pays dans les bagages des armées alliées, le gouvernement belge établit le 5 septembre 1944 par le biais d'une convention une union douanière entre les gouvernements exilés de Belgique, du Grand-Duché de Luxembourg et des Pays-Bas qui ne prendra vraiment corps qu'après-guerre avec son entrée en vigueur le 1er janvier 1948 (101).
Depuis son exil londonien, le gouvernement belge va adapter son appareil d'État aux circonstances de guerre en puisant notamment dans le vivier des fonctionnaires et agents de l'État partis " sur ordre " et en réorganisant partiellement la structure administrative d'avant-guerre.
La présence en Grande-Bretagne d'un important contingent de fonctionnaires subalternes est tout à fait fortuite. Elle ne résulte en rien de l'exécution de plans gouvernementaux établis avant-guerre. S'inspirant de la geste de la Grande Guerre, un repli vers l'Hexagone est alors l'hypothèse communément admise. Aux premiers jours de l'invasion, des fonctionnaires et leurs familles se replient " par ordre " avec leurs ministres de Bruxelles vers le littoral. La situation militaire se dégrade rapidement aussi décide-t-on d'évacuer les services ministériels présents vers la France par la route et par la mer. L'embarquement a lieu les 18, 19 et 20 mai sous les bombardements de l'aviation ennemie (102). Cartier estimera à 3.000 le nombre de fonctionnaires d'à peu près toutes les administrations de l'État" qui ont été embarqués à Ostende pour Dieppe mais dont les bateaux ont été détournés vers Folkestone et Southampton " (103). L'objectif de l'ambassade de Belgique à Londres complètement débordée est alors de leur faire retraverser la Manche (104).
En pleine débâcle française, le gouvernement belge envisage dans un premier temps de se replier en Grande-Bretagne " accompagné de services administratifs très restreints " (105). Lorsque la France met bas les armes, un départ pour Londres devient improbable (106). Le gouvernement belge défait procède à la liquidation des administrations repliées en France. Dès le 30 juin, des colonnes de fonctionnaires reprennent la route vers le pays occupé (107). Entre-temps, De Vleeschauwer de passage à Londres s'attelle à la solution des questions financières qui taraudent Cartier, à savoir la gestion matérielle des postes diplomatiques et consulaires mais aussi le financement de l'administration se trouvant sans moyens à l'étranger et sans instructions précises de la part du gouvernement (108). Le 13 juillet, le ministre des Colonies " agissant au nom du gouvernement belge "arrête l'institution d'une commission interministérielle en vue de la liquidation des traitements et salaires des fonctionnaires et agents de l'État " désignés pour accompagner à l'étranger le gouvernement belge " mais aussi en vue du paiement des pensions publiques (109). Le 24 juillet, le ministre des Finances, Camille Gutt, confirme de Vichy les instructions qui ont été données par le ministre des Colonies lors de son premier séjour londonien. " Les fonctionnaires partis sans ordre sont considérés comme réfugiés ordinaires après le 30 juin ". Ils subiront le lot misérable des autres Belgian War Refugees. Seuls les fonctionnaires en fonction ou appelés par le gouvernement sont à payer régulièrement (110). Mais les caisses sont vides (111).
Le 27 août, le secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, Fernand Van Langenhove, arrive à Londres d'où, aux côtés du directeur général du ministère des Colonies, Camille Camu, il reprend son rôle administratif de coordination de la politique extérieure belge (112). " Quand nous sommes arrivés - rapportera Gutt en 1942 - l'État n'avait pas de bureaux, n'avait pas d'argent, n'avait pas de crédit, et n'avait à peu près pas de fonctionnaires, bien qu'il y en eût plus de 1500 en Angleterre. Quand je parle de fonctionnaires, je parle des vrais chefs de département " (113). La première préoccupation des deux ministres sera d'alimenter le Trésor. Ils affectent les sommes rassemblées au service de la dette extérieure et à la gestion des réfugiés, des pensionnés, de l'armée, des marins et des fonctionnaires (114).
Aux côtés des pêcheurs, les fonctionnaires et agents de l'État débarqués en nombre aux premiers jours de l'exode constituent l'autre importante communauté exilée. À partir de ce matériau inespéré, le gouvernement belge va réactiver aux alentours de son ambassade londonienne les rouages essentiel de l'appareil l'État. " Eaton Square, l'un des plus beaux quartiers de Londres, était devenu le Q.G. des services belges - se rappelle Carlo G. Segers - Les bureaux du gouvernement et l'inévitable paperasserie y avaient été rassemblés. Une nouvelle aristocratie était née, celle des petits fonctionnaires et huissiers d'Eaton Square, qui considéraient les réfugiés du haut de leur grandeur. Celui qui avait affaire avec ces services officiels pouvait être assuré d'être accueilli d'une façon peu agréable, par un personnel prétentieux, et bien souvent, il retournait dans sa petite chambre de réfugié sans avoir obtenu satisfaction " (115).
Si le siège londonien du gouvernement belge symbolisera après-guerre son exil combattant, le personnel de rang subalterne qui le peuple durant plus de quatre années restera anonyme. Les rares mentions se retrouvent principalement dans les récits des militaires - et plus particulièrement des évadés de Belgique occupée - qui seront les seuls au sein de cette Belgique du dehors à prendre massivement la parole après-guerre. Après un long et périlleux périple à travers la France, l'Espagne et le Portugal, l'accueil qui leur est réservé à Londres par les ronds-de-cuir nationaux est peu amène. Les souvenirs sont amères et projettent l'image négative d'une bureaucratie londonienne subissant l'exil et manifestant la plus complète incompréhension à l'égard de leur décision de rejoindre les FBGB (116).
Pour reconstruire les rouages de son administration, le gouvernement belge puisera essentiellement dans le vivier du personnel de l'État muni d'un ordre de repli en règle. Sa composition est hétéroclite : beaucoup de personnel subalterne et peu de hauts fonctionnaires des départements clés. Gutt enviera la situation du gouvernement néerlandais exilé " avec quelques bons fonctionnaires et leurs archives " (117). Ses collègues des Colonies et des Affaires étrangères sont les seuls à être entourés d'un " escadron complet de fonctionnaires " (118). Ces lambeaux d'administration évacués seront complétés d'un certain nombre d'agents temporaires belges mais aussi britanniques. L'éventail des fonctions exercées par ces agents temporaires est varié ; de conseiller du gouvernement aux " récureuses " en passant par les secrétaires sténodactylos (119).
Au grand étonnement des officiels britanniques, l'appareil d'État belge occupera quelque 750 personnes (120). Cette administration pléthorique et coûteuse suscitera la réflexion sacarstique d'un parlementaire exilé, le président catholique de la Chambre des Représentants, Frans Van Cauwerlaert : " " Si on nous jugeait exclusivement sur nos dépenses, la Belgique ferait effet de grande puissance " (121). Au mois de mai 1941, en accord avec les autorités britanniques, 77 hauts responsables (fonctionnaires et agents temporaires) bénéficient au même titre que les ministres exilés des privilèges et immunités diplomatiques pour eux et leur famille (122). À vrai dire, l'ambassade avait fait parvenir au Foreign Office une première proposition de 152 noms. Cette proposition témoigne des ambitions bureaucratiques du gouvernement belge pour qui sans doute son prestige et son autorité sont proportionnels à la taille de son appareil d'État. Cette liste surprend les Britanniques ; elle est deux fois plus importante que celle soumise par le gouvernement néerlandais ! Les Belges sont priés de revoir leur copie (123). La nouvelle mouture, qui ne contient plus que 81 personnes y compris les 4 ministres, sera acceptée comme définitive (124). Sur les 77 noms agréés par les Britanniques, se trouve une vingtaine de hauts responsables n'appartenant pas au sérail administratif d'avant-guerre. On relève notamment trois anciens ministres (125), trois avocats (126), quatre professeurs d'université (127), un syndicaliste (128), deux membres de cabinets ministériels londoniens (129), un cadre de la Croix-Rouge de Belgique (130), un journaliste (131) et quatre parlementaires (132). Au sein de l'appareil d'État londonien, certaines promotions seront fulgurantes mais elles constituent l'exception. Ainsi, un substitut du procureur du roi au tribunal de première instance à Bruxelles, Fernand Lepage, exerçant les fonctions d'auditeur général devient administrateur ff. de la Sûreté de l'État. Un caporal évadé de Dunkerque, l'avocat communisant et futur ministre socialiste, Pierre Vermeylen, sera promu greffier au Conseil de Guerre et terminera l'exil à la présidence du Tribunal maritime (133). Le syndicaliste socialiste, José Artus, remplissant en Belgique les fonctions de contrôleur principal au département du Travail et de la Prévoyance sociale devient en exil le directeur de cet important ministère. L'avocat bruxellois Maurice Heilporn, conseiller juridique auprès du ministère de la Justice en exil, présidera le Conseil juridique du Gouvernement (134).
La politique gouvernementale en matière de recrutement consistera en un subtile mélange de pragmatisme et de légalisme. " Mieux vaut travailler avec le personnel que l'on a, quitte à ne pas toujours obtenir un rendement parfait, plutôt que de renoncer à agir. Telle est la règle dont nous nous sommes inspirés en reconstituant nos administrations et je crois que nous avons bien fait ", écrira Pierlot en 1942 (135). Bien que celui-ci ait demandé au mois de juin 1941 de vérifier les conditions dans lesquelles le personnel en service dans les différents départements a été remis au travail et les agents temporaires embauchés, il ne semble pas que le recrutement se soit opéré sans discernement. Au mois de novembre 1944, le Secrétariat permanent de Recrutement du Personnel de l'État constatera à Bruxelles que celui-ci s'est fait " prudemment "en exil (136).
Les services du gouvernement belge vont prendre leurs aises dans les beaux quartiers de l'ambassade de Belgique. " Eh oui, le Bruxelles de l'exil est bien ici - écrit Albert Durant - mais dans un exil imposant, avec des ministères, des drapeaux, des officiers, des soldats, des fonctionnaires " (137). Au mois d'avril 1941, les locaux ministériels se répartissent principalement autour d'Eaton Square et d'Eaton Place et jouissent des privilèges accordés par le droit international aux immeubles occupés par les missions diplomatiques (138). Eaton Square est surnommé par les Britanniques Belgian Square. L'animation et un air de famille avec le siège gouvernemental à Bruxelles, suscitent l'intérêt de Frans Van Cauwelaert. " Quant au monde fonctionnaire, qui anime le quartier que l'on nomme, le quartier de la rue de la loi - Eaton Square, Eaton Place et voisinage - je le vois souvent bavarder sur les pas de porte. J'ai l'impression que tout ce monde est heureux. Les anglais sont frappés par le nombre considérable de poignées de mains que les belges échangent " (139). Le " quartier de la rue de la loi " regroupe en 1941 dans une douzaine d'immeubles la plupart des départements ministériels reconstitués et les services dépendants directement ou indirectement du gouvernement, à savoir les services de la Croix-Rouge, du ministère du Travail, de l'Ambassade, du ministère des Affaires étrangères, de l'Office de Propagande, de l'attaché militaire à l'ambassade belge, du SCR, des ministères de l'Instruction publique et des Colonies, de la Commission interministérielle du Personnel de l'État, de la Caisse belge de Prêts et d'Avances aux Réfugiés (140) et enfin les services du Premier ministre qui partagent le numéro 117 avec le petit noyau de la Justice (141). Au 27 Eaton Place, la Sûreté et la Deuxième Section du ministère de la Défense nationale cohabitent difficilement, tandis que le cabinet des Finances et le vestiaire des réfugiés occupent respectivement les immeubles sis aux numéros 49 et 2 (142).
Tout en participant pleinement à l'effort de guerre britannique, le gouvernement reconstitué s'est préoccupé rapidement du sort du personnel de l'État qui partage " par ordre " son exil londonien. Il est surprenant de constater que le premier point abordé le 31 octobre 1940 par le Conseil des Ministres lors de sa première séance à Londres sous les bombes alors que tout reste à faire, concerne la situation des fonctionnaires de cette catégorie en commençant par l'incontournable " classement ". Le 7 novembre, le Conseil fixe les heures de présence du personnel et décide l'organisation d'un service de sandwichs dans chaque département " de façon que le travail ne soit pas interrompu " (143). Au cours des semaines suivantes, d'autres questions administratives sont abordées aux côtés d'importantes décisions militaires, financières et économiques. Afin d'étoffer le cadre, le Conseil des Ministres marquera son accord de procéder aux promotions auxquelles auraient normalement droit en Belgique les agents tout en donnant un caractère exceptionnel aux commissionnements à des grades supérieurs. Le souci du gouvernement sera de ne pas léser leurs collègues restés en Belgique occupée (144). D'ailleurs un Syndicat des Services publics belges en Grande-Bretagne créé en exil ne manquera de veiller aux intérêts du personnel de l'État qu'il soit parti " par ordre " ou qu'il ait fui l'envahisseur. Il interpellera à de multiples reprises à ce sujet Hubert Pierlot compétent en la matière (145). En effet, s'inspirant du Service d'Administration générale d'avant-guerre, le gouvernement à Londres décide au mois le 29 mai 1941 l'institution auprès du Premier ministre d'un service chargé d'une mission analogue pour la durée de la guerre (146). Le Service d'Administration générale qui sera présidé par Léon Boereboom, inspecteur général ff. de directeur général du ministère des Travaux publics, pourra être consulté lors du recrutement du personnel et pour les questions d'avancement. L'arrêté du 13 mai 1942 règle la discipline de l'administration et établit une Chambre de Recours interdépartementale devant laquelle tout fonctionnaire peut interjeter appel de toute mesure disciplinaire que l'administration entend prendre à son encontre (147).
Bien que les conflits de compétence entre départements ou services ministériels persistent tout au long de l'exil, ceux-ci ne gripperont pas les rouages de l'administration qui assurera efficacement la parenthèse de l'exil. Évoquant avec sa verve habituelle la tâche accomplie, Gutt déclare en 1942 : " [Nous] n'avons pas élevé un monument plus durable que l'airain. Nous ne travaillons pas dans l'airain, qui est contingenté. Nous construisons en briques. J'emploie le mot à dessein. Ce n'est pas une image reluisante, c'est une image réelle. Nous avons construit brique à brique. Si j'étais un adversaire du gouvernement et si j'aimais les jeux de mots faciles, je dirais que nous avons construit de bric et de broc " (148).
Dans sa récente biographie consacrée au comte Hubert Pierlot, l'historien Thierry Grosbois souligne à juste titre la dispersion des archives disponibles relatives au gouvernement belge de Londres - ainsi que celles relatives à son administration - dans différents services d'archives publics et privés du Nord et du Sud du pays (149). Cette dissémination des archives londoniennes est heureusement compensée par leur relative accessibilité et leur abondance. Au nombre de celles-ci figurent les archives des cabinets ministériels du Premier ministre Hubert Pierlot à Londres, qui font l'objet du présent inventaire. À vrai dire, ces archives londoniennes ont connu deux parcours distincts avant d'être à nouveau réunies aux Archives générales du Royaume (AGR) plus de 60 ans après leur arrivée en Belgique.
Dès la libération du pays en septembre 1944, les services administratifs de l'appareil d'État londonien mis en liquidation sont rapatriés par étapes successives. Le personnel et ses archives vont aussi traverser la Manche à partir de septembre 1944 et retournent dans le giron de leurs départements respectifs. Quant aux précieux documents produits par les cabinets ministériels de Hubert Pierlot, ils arrivent à Bruxelles fin 1944 début 1945 et sont sans doute déjà conservés rue de la Loi par les services de la Chancellerie du Premier ministre. Après la chute du gouvernement d'Union nationale qu'il préside, Pierlot s'attache à reconstituer ses archives de guerre éparpillées en Grande-Bretagne et en France en prélevant notamment de ses archives de cabinet londoniennes conservées rue de la Loi différents dossiers ainsi que les seules copies de son abondante correspondance générale qui reprend tant des copies des lettres et télégrammes envoyés que des copies des notes politiques et administratives envoyées ou reçues. L'impression est qu'il s'attache à élaborer un dossier de défense dans l'hypothèse désagréable où il doive sortir un jour de la réserve qu'il s'est imposée afin défendre son honneur et celui de son gouvernement à l'occasion des multiples rebondissements que connaît la Question royale (150). Après 1949, ces archives seront enrichies sporadiquement de quelques correspondances, notes de lecture et autres extraits de presse. Ce " dossier de défense ", ce plaidoyer muet, se mue progressivement en " archives pour l'histoire " qui seront conservées et classées soigneusement par la famille du comte Pierlot après sa mort (151). En 2005, soucieux de garantir la pérennité des papiers de leur père et guidés par le sens de l'État, les enfants du comte Pierlot décident de faire un premier versement sous forme de don aux Archives générales du Royaume et Archives de l'État dans les Provinces (en abrégé : les Archives de l'État) (152).
Le 12 mai 1962, un courrier adressé par l'Archiviste général du Royaume au responsable des inspections détaille l'organisation, sous les auspices du secrétariat du cabinet du Premier ministre catholique Théo Lefèvre, du versement aux AGR des " archives du gouvernement belge à Londres (1940-1944) " ainsi que d'autres documents contemporains produits notamment par le HCSE. Ces archives gouvernementales londoniennes se révèlent être les documents produits par les différents cabinets du Premier ministre Hubert Pierlot en exil (153). Aux côtés de ses papiers personnels dont une première partie a été versée en 2005 aux AGR, ces archives de cabinet de Hubert Pierlot constituent le chaînon manquant des archives du quatuor ministériel des premiers temps de l'exil (154). Elles constituent un matériau précieux pour comprendre et expliquer l'action du gouvernement belge en exil et la part du Premier ministre dans cette dernière. Ces archives se démarquent aussi par la nature de l'organisme versant, à savoir un pouvoir public, la Chancellerie du Premier ministre, alors que l'immense majorité des archives de cabinets ministériels conservées aux Archives de l'État ont fait l'objet d'un versement sous forme de don ou de dépôt (155). Ce fonds est à plusieurs titres une des pièces maîtresses des quelques 3 kilomètres d'archives de cabinets ministériels sauvegardées par les Archives de l'État, c'est-à-dire de fonds ou de séries de fonds composés exclusivement de documents produits par une soixantaine de cabinets ministériels. Les fonds les plus anciens remontent au XIXème siècle, les acquisitions les plus récentes ont été réalisées en 2009 (156).
Si l'on se base sur les dates extrêmes des documents, il semble bien que les archives de cabinet du Premier ministre à Londres rapatriées fin 1944 début 1945 étaient bien destinées à être directement archivées et non pas à retourner dans les rouages de l'administration ni à être exploitées par le cabinet ministériel que Hubert Pierlot constitue en Belgique libérée, de septembre 1944 à février 1945, en tant que Premier ministre. Il nous est difficile d'estimer la proportion de documents détruits ou éparpillés par celui-ci, les membres de ses cabinets ministériels ou les services gouvernementaux londoniens avant les opérations de rapatriement précitées. À l'absence de la correspondance générale signalée plus haut, il faut ajouter aussi celle de l'exemplaire destiné au Premier ministre sortant des procès-verbaux des séances du Conseil des Ministres à Londres. Cette dernière carence est heureusement compensée par l'existence de l'exemplaire de la Chancellerie librement consultable aux AGR (157). Quoi qu'il en soit, les archives de cabinet londoniennes de Hubert Pierlot qui ont survécu constituent un fonds relativement homogène remarquable par sa rareté, la qualité et la diversité des documents qui le composent ainsi que par son importance matérielle.
Le présent fonds rassemble tous les documents produits par les cabinets ministériels du Premier ministre dans le cadre des nombreuses compétences et attributions exercées dans l'exil par ce dernier. Ces archives ont été donc produite par Hubert Pierlot en tant que Premier ministre chargé des attributions ressortissant à l'Administration de la Milice (22.11.1940-3.03.1942), au ministère de l'Agriculture (22.11.1940-20.06.1944), au ministère de la Santé publique (22.11.1940-15.04.1944), au ministère de l'Instruction publique (22.11.1940-3.03.1942), au ministère de l'Intérieur (22.11.1940-1.05.1943), au ministère des Transports, PTT et INR (22.11.1940-26.09.1944), au ministère des Travaux publics (22.11.1940-1.05.1943), au ministère du Ravitaillement (22.11.1940-25.02.1943), au ministère du Travail et de la Prévoyance sociale (22.11.1940-15.01.1941), au Service des Réfugiés (22.11.1940-3.03.1942), au ministère de la Justice (4.03.1942-11.10.1942) et au ministère de la Défense nationale (12.10.1942-26.09.1944). Dans le cas de certaines attributions ressortissant à des départements ministériels embryonnaires lors de leur direction par le Premier ministre entre 1940 et 1942, comme par exemple le ministère de l'Agriculture ou encore celui du Travail et de la Prévoyance sociale, il semble bien que les archives produites par les cabinets ministériels se soient fondues en quelque sorte avec celles de leurs départements respectifs et ne fassent plus qu'un. Cette impression ne fait que souligner l'intérêt de ces archives de cabinet en l'absence d'archives des départements correspondants.
Les quelques 13 mètres linéaires d'archives des cabinets ministériels du Premier ministre Hubert Pierlot pour la période 1940-1944 constituent un matériau unique au sein des archives du monde politique pour appréhender sous un angle nouveau l'histoire du gouvernement belge de Londres et l'action de Hubert Pierlot. Aux côtés des fonds précités conservés aux Archives de l'État ou dans d'autres services d'archives, elles permettent de porter un regard neuf sur la période de l'exil. Ce fonds constitue aussi un matériau de choix pour l'étude institutionnelle de l'appareil d'État belge mis en place à Londres. Ces documents contribuent de plus à une meilleure analyse et compréhension du travail ministériel et celles du processus de décision en matière politique et de son exécution administrative en temps de guerre.
Langues et écriture des documents
La plupart des documents sont rédigés en français. Une minorité est en néerlandais et en anglais.
Les archives sont dans un bon état général. Elles ont fait l'objet d'un plan de classement établi au sein des cabinets ministériels et disposent d'un répertoire faisant office de premier instrument de recherche (158). L'ordre de classement originel des dossiers ayant été préservé avant leur versement aux AGR, le répertoire précité permettra d'établir un premier inventaire sommaire assurant l'accessibilité des documents à partir du milieu des années 1990. Cet inventaire sommaire établi par Marie-Thérèse Polart repose largement sur le plan de classement alphanumérique établi à Londres et distingue grosso modo les différentes attributions du Premier ministre pendant l'exil (159).
Le présent inventaire propose un classement thématique et s'appuie partiellement sur le cadre de classement adopté par l'inventaire sommaire tout en affinant ou complétant les descriptions et en établissant une nouvelle cotation le tout, suivant les règles en vigueur aux Archives de l'État.
L'inventaire distingue deux grandes séries à savoir d'une part, les dossiers relatifs aux compétences exercées par Hubert Pierlot en tant que Premier ministre ainsi ceux relatifs aux attributions des ministres démissionnaires en France échues à celui-ci et d'autre part, les dossiers relatifs aux services attachés au Premier ministre :
I. Dossiers relatifs aux compétences et attributions exercées par le Premier ministre
A. Généralités
B. Attributions ministérielles au sein du gouvernement
C. Conseil consultatif du Gouvernement
D. Conseil de cabinet
E. Conseil juridique
F. Dossiers liés à l'organisation et au fonctionnement de départements ministériels spécifiques
1. Administration de la Milice
2. Affaires économiques
3. Affaires étrangères et relations internationales
4. Agriculture
5. Colonies
6. Communications
a. Aviation civile
b. Marine marchande et gens de mer
7. Défense nationale
8. Finances
9. Information
10. Instruction publique
11. Intérieur
12. Justice
G. Dossiers non directement liés à l'organisation et au fonctionnement de départements ministériels spécifiques
1. Anciens combattants
2. Arrêtés
3. Cérémonies
4. Croix-Rouge de Belgique en Grande-Bretagne (Belgian Red Cross London Committee)
5. Distinctions honorifiques
6. Moniteur belge de Londres
7. Pays libéré (organisation du retour au)
a. Mission militaire belge de liaison près le Commandement du Corps expéditionnaire allié
b. Autres questions
8. Parlementaires belges repliés en Grande-Bretagne
9. Pays occupé (situation au)
10. Persécutions antijuives en Belgique occupée (spoliation)
11. Prisonniers de guerre, prisonniers politiques et internés belges
12. Ravitaillement de la Belgique organisé par le gouvernement belge de Londres
a. Ravitaillement à destination du pays occupé
b. Ravitaillement à destination du pays libéré
13. Réfugiés de guerre belges en Grande-Bretagne
14. Sûreté de l'État et activités clandestines en Belgique occupée
15. Autres questions
II. Dossiers relatifs aux services attachés au Premier ministre
A. Administration comptable
B. Comité de Sécurité
C. Commission pour l'Étude des Problèmes d'Après-Guerre (CEPAG)
D. Service d'Administration générale
Les archives sont publiques. La consultation [et la reproduction] est libre.
Pour la reproduction des documents d'archives, les règles et tarifs en vigueur aux Archives de l'État sont d'application.
Les archives des cabinets ministériels du Premier ministre Hubert Pierlot à Londres ont fait l'objet d'un plan de classement établi au sein des cabinets ministériels en exil (160). Un instrument de recherche sommaire a été établi par Marie-Thérèse Polart. Il repose largement sur le plan de classement alphanumérique établi à Londres (161).
AMARA M., Les Belges à l'épreuve de l'exil : Les réfugiés de la Première Guerre Mondiale en France, en Grande-Bretagne, Pays-Bas 1914-1918, Bruxelles, 2008.
Idem, Het verhaal van een unieke volksverhuizing in België, dans M. AMARA, P. CHIELENS et al., Vluchten voor de Oorlog - Belgische vluchtelingen, 1914-1918, Louvain, 2004, p. 6-37.
BALACE F., Les militaires belges en Grande-Bretagne, dans Jours de Londres, Bruxelles, p. 109-119.
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Bernardo y Garcia L. A., Tenby ou la genèse des Forces de terre belges en Grande-Bretagne, dans Jours de Londres, Bruxelles, 2000, p. 79-107.
Idem, Exil (Les Belges en), dans Dictionnaire de la Seconde Guerre mondiale en Belgique, Bruxelles, 2008, p. 176-180.
Idem, Forces belges en Grande-Bretagne - Armée belge en Grande-Bretagne, dans Dictionnaire de la Seconde Guerre mondiale en Belgique, Bruxelles, 2008, p. 193 et 194.
BONDAS J., De Seraing à Londres par le chemin des écoliers, [Liège], 2005.
BUCK M., Bernardo Y GARCIA L. A., La société belge de l'exil : un essai de synthèse, dans Jours de Londres, Bruxelles, 2000, p. 191-213.
CROMBOIS J.-F., Camille Gutt. 1940-1945. Les finances et la guerre, Bruxelles, 1999.
Idem, Les milieux d'affaires et le gouvernement belge de Londres, dans Jours de Londres, Bruxelles, 2000, p. 235-265.
de BELLEFROID D., La Commission pour l'Étude des Problèmes d'Après-Guerre, dans Jours de Londres, Bruxelles, 2000, p. 337-349.
DEBRUYNE E., Un service secret en exil. L'Administration de la Sûreté de l'État à Londres, novembre 1940-septembre 1944, dans Cahiers d'Histoire du Temps Présent (30/60), 2005, p. 335-356.
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DE KERCHOVE D'EXAERDE F., Quelques questions en droit international public relatives aux fondements juridiques de la présence et de l'activité du gouvernement belge en exil à Londres. Octobre 1940-septembre 1944, Université libre de Bruxelles (ULB), 1988 (mémoire de licence inédit).
DEVLEESHOUWER R., Henri Rolin 1891-1973. Une voie singulière, une voix solitaire, Bruxelles, 1994.
DEVOLDER K., Notulen van de Ministerraad. Procès-verbaux du Conseil des Ministres (1916-1949). II. 10.V.1940 - 23.XII.1949. 1A. Agenda's en aanwezigheidslijsten. Ordres du jour et listes des présences (10.V.1940 - 31.XII.1945), Bruxelles, 1994.
DUMOULIN M., Spaak, Bruxelles, 1999.
Europe in exile. European Exile Communities in Britain 1940-45, édité par M. Conway et J. Gotovitch, New York Oxford, 2001.
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GOTOVITCH J., Camille Huysmans et la Seconde Guerre Mondiale (Londres 1940), s.l., 1971.
Idem, Le gouvernement de Londres, dans Dictionnaire de la Seconde Guerre mondiale en Belgique, Bruxelles, 2008, p. 211-216.
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Législation promulguée par le Gouvernement Belge à l'étranger du 17 mai 1940 au 7 septembre 1944. Publication dite des " Arrêtés de Londres ", Bruxelles, s.d.
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Le gouvernement de Londres, 1941-1944, édité par J. Gotovitch dans Documents diplomatiques belges, 1941-1960. De l'indépendance à l'interdépendance, Bruxelles, tome I, 1998.
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SPAAK P.-H., Combats inachevés. De l'indépendance à l'alliance, Bruxelles, 1969
STENGERS J., Léopold III et le gouvernement : les deux politiques belges de 1940, 2ème édition augmentée, [Bruxelles], [2002].
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Les opérations de tri, conditionnement, classement, description et cotation provisoire des archives des cabinets du Premier ministre Hubert Pierlot à Londres se sont déroulées du mois de janvier au mois de juin 2007. La description générale du fonds a été réalisée au mois d'octobre 2007. La cotation définitive a été réalisée au mois de novembre 2007 après validation du manuscrit par le Chef de la Section 5 : Archives contemporaines, Pierre-Alain Tallier. La conversion vers le nouveau modèle d'inventaire en vigueur aux Archives de l'État a eu lieu en novembre 2009.
Le mode de classement de l'inventaire s'est basé partiellement sur celui de l'instrument de recherche sommaire établi par Marie-Thérèse Polart.
La première version de l'inventaire a été réalisée successivement par Lieve De Mecheleer, chef de travaux près la Section 4 : Fonctionnement public et gestion de collections : Ancien Régime et par Luis Angel Bernardo y Garcia, attaché en charge des archives du monde politique près la Section 5 : Archives contemporaines. Lieve De Mecheleer a réalisé les premières opérations de classement et de description des unités archivistiques en apportant une première cotation, en décrivant le contenu sur base de l'instrument de recherche sommaire et en identifiant les dates ainsi que l'importance matérielle et la forme matérielle. Luis Angel Bernardo y Garcia a rédigé la description générale du fonds, établi un nouveau mode de classement ainsi que la cotation définitive correspondante. Il a approfondi l'analyse des descriptions archivistiques et identifié toutes les personnes citées.
La conversion de l'inventaire a été réalisée par Luis Angel Bernardo y Garcia en tant que assistant stagiaire près la Section 7 : Archives de l'État à Bruxelles II (Haseldonckx) dans le cadre des tâches définies par sa fiche de fonction.
Le présent inventaire a été élaboré conformément aux directives, recommandations et conseils en vigueur aux Archives de l'État compilés dans les ouvrages suivants :
- PETIT R., VAN OVERSTRAETEN D., COPPENS H. et NAZET J., Terminologie archivistique en usage aux Archives de l'État en Belgique. I. Gestion des archives, Bruxelles, 1994 ;
- COPPENS H., De ontsluiting van archieven. Richtlijnen en aanbevelingen voor de ordening en beschrijving van archieven in het Rijksarchief, Bruxelles, 1997 ;
- Directives relatives au contenu et à la forme d'un inventaire, Bruxelles, juin 2008.
Commentaire : Les fardes qui constituent ce dossier disposent chacune d'un relevé détaillé de toutes les pièces conservées. | 1 | Généralités. 1940 - 1943. | 1 liasse | ||||||
2 | Gouvernement belge de Londres.1941 - 1943. | 1 chemise |