Histoire institutionelle/Biographie/Histoire de la famille

Marcel-Henri Jaspar, né à Schaerbeek le 23 juin 1901, est décédé à Bruxelles, le 14 mai 1982. Son père, le baron Ernest Jaspar (1876-1940) fut notamment l'architecte d'Héliopolis en Égypte, de l'université musulmane d'Osmania, dans l'État d'Hyderabad aux Indes, du ministère de la Justice et de la Fondation Universitaire à Bruxelles. Par sa mère, Marguerite Coopman-Dillens, Marcel-Henri Jaspar est apparenté à la famille Dillens, plus particulièrement à Julien Dillens, sculpteur renommé de la seconde moitié du XIXe siècle. Il est aussi le neveu d'Henri Jaspar (1870-1939), avocat, homme politique, ministre d'État et Premier Ministre de 1926 à 1931.

Marcel-Henri Jaspar fit ses études secondaires au Lycée français du Caire et au Lycée Lakanal à Paris. Bachelier de l'Université de Paris en 1918, il continue ses études à l'Université de Bruxelles, y conquiert le grade de docteur en droit en 1923 et devient avocat à la Cour d'Appel de Bruxelles. Déjà pendant ses études, Marcel-Henri Jaspar se lance dans la vie politique active. Dès 1921, il adhère au parti libéral, puis fonde à Uccle, où il a sa résidence, une section des Jeunesses Libérales qui devient rapidement une des mieux organisées de la région bruxelloise.

En 1923, année de son mariage avec Marguerite Mignot, petite-fille d'un sénateur libéral de Bruxelles, Marcel-Henri Jaspar entre en stage chez Albert Devèze qui venait de quitter son poste de ministre de la Défense Nationale. Son passage chez cet homme d'état libéral qui joua un rôle important en Belgique entre les deux guerres mondiales, marque profondément Marcel-Henri Jaspar. Il profite de ses leçons, entre de plus en plus dans la vie politique du pays et est élu président des Jeunesses Libérales de l'arrondissement de Bruxelles ainsi que délégué au " Conseil National ", la plus haute instance du parti. Dès ce moment, Jaspar partage son temps entre le cabinet de Devèze et la politique. Il a aussi sa propre clientèle et prépare la rédaction d'un livre sur les Sociétés anonymes en droit belge. Sur le plan de la politique, Marcel-Henri Jaspar représente l'aile radicale, celle des " Jeunes Turcs " du parti libéral.

Le gouvernement catholique-libéral qui gouverne la Belgique depuis 1921, sous la houlette de Georges Theunis, est battu aux élections du 5 avril 1925. Marcel-Henri Jaspar, qui avait participé activement à la campagne électorale, obtient son premier mandat politique le 10 octobre 1926 : il devient conseiller communal à Uccle, tandis que le socialiste Paul-Henri Spaak occupe la même fonction à Forest, une commune voisine.

En mai 1929, Marcel-Henri Jaspar participe aux élections comme candidat à la Chambre des Députés pour l'arrondissement de Bruxelles. Il est élu député suppléant et devient à la même époque secrétaire général de la Fédération bruxelloise du parti libéral. De 1931 à 1932, Marcel-Henri Jaspar est professeur de législation financière à l'École Supérieure des Sciences commerciales à Bruxelles. Suite aux élections du 27 novembre 1932, il est élu député de Bruxelles ; le 20 juillet 1933, il prend pour la première fois la parole à la Chambre au nom du groupe libéral, sur des questions relatives à la situation économique. Le 9 juin 1932, Marcel-Henri Jaspar s'est remarié : il épouse Betty Halpern-Becker. L'année 1934 est fertile événements. Elle commence tragiquement par la mort accidentelle du roi Albert Ier, le 17 février ; le duc de Brabant lui succède sous le nom de Léopold III. La politique étrangère est dominée par le redressement rapide de l'Allemagne depuis l'arrivée au pouvoir du chancelier Adolf Hitler. La situation ne cesse de s'aggraver : le 27 juillet 1934, le chancelier autrichien Dollfuss est assassiné à Vienne ; le 2 août meurt le vieux maréchal von Hindenburg, laissant les mains libres à Hitler, désormais seul maître du Reich. Il agit avec rapidité : le 13 janvier 1935, la Sarre redevient allemande et, le 16 mars 1935, l'Allemagne rétablit le service militaire ; enfin le 7 mars 1936, l'armée allemande réoccupe la rive gauche du Rhin. La Belgique, pour sa part, traverse une crise morale grave avec la montée du rexisme dont le chef, Léon Degrelle, puise son inspiration dans les idéaux nazis. Les élections du 24 mai 1936 se soldent par un échec du parti catholique au profit du nouveau groupement " Rex " et des nationalistes flamands. Un nouveau gouvernement est formé par Paul van Zeeland. Marcel-Henri Jaspar en fait partie en obtenant le ministère des Transports.

Pendant les années qui précèdent son entrée au gouvernement, Marcel-Henri Jaspar a une activité parlementaire bien remplie qui se traduit par de nombreuses propositions de lois dues à son initiative : il est membre du Comité consultatif de la Caisse centrale du Petit Crédit professionnel (14 mars 1935), membre de la Commission de Patronage chargée d'encourager et de favoriser la participation des producteurs belges à l'Exposition de Bruxelles en 1935, membre de la Commission des Affaires Étrangères et des Affaires Économiques et de la Commission des Colonies, rapporteur du budget du ministère des Affaires Étrangères pour l'exercice 1936 et d'une proposition de loi d'amnistie pour des infractions commises à l'occasion de faits de grève (1933).

Marcel-Henri Jaspar succède à la tête du ministère des Transports à Paul-Henri Spaak, devenu ministre des Affaires Étrangères. Il occupe ce poste du 13 juin 1936 au 24 novembre 1937. Pendant cette période, il joue un rôle de premier plan dans l'élaboration de la législation sociale accordant à la classe ouvrière la semaine de quarante heures et un régime de congés payés.

La situation internationale ne cesse de se dégrader. Le 13 mars 1938, Hitler entre à Vienne et annexe l'Autriche au Troisième Reich ; le 15 mars, il est à Prague. En Belgique, le Parlement est dissout le 6 mars. Le sort de l'Autriche et de la Tchécoslovaquie pèse sur la campagne électorale. Le mouvement rexiste est pulvérisé car l'opinion publique belge se rend compte que Léon Degrelle est en Belgique le porte-parole des dictateurs allemand et italien. Le 18 avril 1939, Hubert Pierlot forme un gouvernement catholique-libéral dans lequel Marcel-Henri Jaspar prend le portefeuille de la Santé publique. Les premiers temps du nouveau gouvernement sont dominés par la menace de guerre qui se précise de semaine en semaine ; le 24 août 1939, il apprend la conclusion du pacte germano-soviétique auquel la presse allemande donne un retentissement extraordinaire. Il n'y a plus que de faibles espoirs de sauver la paix et ils s'amenuisent chaque jour. L'Allemagne mobilise, envoie ses armées à la frontière polonaise et garnit la ligne Siegfried de troupes de forteresse. Le gouvernement belge mobilise à son tour et prend des mesures destinées à la protection et au ravitaillement des populations civiles. Il fait approuver deux projets d'arrêtés créant un comité central instituant une organisation de secours pour les prisonniers et un service d'information remplissant le rôle de bureau de renseignements prévu par l'article 77 de la Convention Internationale de Genève du 27 juillet 1929. Le 1er septembre 1939, les Allemands attaquent la Pologne. La France mobilise. Les cabinets de Paris et de Londres délibèrent. Le 3 septembre 1939, la Grande-Bretagne déclare la guerre à l'Allemagne ; la France fait cause commune avec la Grande-Bretagne. Dès le 3 septembre, Hubert Pierlot décide de transformer l'équipe gouvernementale en gouvernement d'union nationale en y faisant entrer un certain nombre de personnalités socialistes, dont Paul-Henri Spaak au ministère des Affaires Étrangères. D'un moment à l'autre, on s'attend à une attaque allemande. Le 10 novembre, le Conseil des Ministres décide de se jeter dans la guerre si la Hollande est envahie. Cette prise de position surprend Berlin qui avait cru fermement que la Belgique resterait absolument neutre tant que son propre territoire ne serait pas violé. Quant à la France, elle fait savoir à la Belgique qu'elle respecterait sa neutralité, mais qu'elle souhaite pouvoir se porter au secours des Pays-Bas.

L'Allemagne n'attaque pas, mais devant la gravité de la situation, Marcel-Henri Jaspar, le ministre de la Santé publique, devenu pratiquement celui des Réfugiés, dresse des plans d'évacuation de la population civile. Nouvelle alerte en avril 1940 : l'attaque de l'Allemagne contre la Belgique paraît de nouveau imminente. La véritable invasion n'éclate qu'à l'aube du 10 mai 1940. Le Conseil des Ministres est immédiatement convoqué et l'appel aux garants de la Belgique est aussitôt adressé aux gouvernements britannique et français. Rapidement, la situation devient critique : le gaz, l'eau, l'électricité, les vivres commencent à manquer ; l'évacuation des réfugiés pose des problèmes presque insolubles ; le 15 mai, enfin, le gouvernement belge apprend la capitulation de l'armée hollandaise et le départ de la reine Wilhelmine. Partout, la supériorité allemande est écrasante et la Luftwaffe a la maîtrise du ciel.

Dès le 16 mai, le départ des ministres et des départements ministériels est envisagé de même que celui du Roi Léopold III pour l'étranger. Le désaccord entre le souverain et ses ministres est total. La position du Roi est la suivante : si l'armée belge doit capituler, mais s'il existe une certitude que les Français et les Anglais continuent à se battre, le Roi poursuivra la lutte à leurs côtés ; il faut aussi prévoir l'éventualité d'une fin rapide des hostilités ; dans ce cas, le Roi estime que sa présence dans le pays est indispensable, passant ainsi outre aux avis de son gouvernement qui l'exhortait à quitter le sol national.

Pendant ce temps, les ministres, leurs chefs de cabinet, leurs familles arrivaient sur la côte belge en ordre dispersé. En fait, le gouvernement belge avait demandé au gouvernement français de s'établir à Sainte-Adresse, comme en 1914. A Sainte-Adresse, Marcel-Henri Jaspar, les membres de son cabinet et les hauts fonctionnaires de son département prennent des dispositions pour la mise en marche des services dans le plus bref délai. Il quitte rapidement Sainte-Adresse pour se rendre à Paris, à l'ambassade de Belgique où on lui fait part de ce qui a été réalisé au cours des derniers mois dans le domaine des secours et de l'hébergement. Il était entendu qu'une fraction des administrations belges s'établirait à Poitiers, mais Marcel-Henri Jaspar, sur le conseil du ministre français des Travaux Publics et des Communications, Anatole de Monzie, fixe le siège du ministère de la Santé publique à Cahors, située à proximité des six départements d'accueil assignés aux réfugiés belges sans ressources (Hérault, Saône-et-Loire, Allier, Ardèche, Haute-Garonne, Lot-et-Garonne). A Cahors, le ministère belge de la Santé publique est installé dans les locaux de l'École Nationale. Marcel-Henri Jaspar quitte Paris et, après un bref séjour à Poitiers, rejoint Cahors le 24 mai 1940.

Le spectre de la capitulation est dans l'air dès le 25 mai. L'intention du Roi est de ne plus poursuivre la lutte et de partager le sort de ses troupes. Le souverain s'en tient à cette position malgré les objections qui lui sont faites que le gouvernement légal était en France et qu'il combattrait la politique d'une équipe gouvernementale formée à Bruxelles, sous contrôle allemand. De hautes personnalités estiment qu'en agissant contre la volonté de ses ministres, le Roi sort de la Constitution et que son geste n'a aucune autorité légale. Le 28 mai 1940, l'armée belge capitule.

De nombreux députés et sénateurs belges s'étaient également réfugiés en France, la plupart d'entre eux résidaient à Limoges. Le gouvernement estime qu'il faut leur communiquer officiellement les nouvelles qu'ils connaissent par la presse et par la radio. Pour donner plus de solennité à la séance, il est décidé que tous les ministres se rendraient à cette assemblée prévue pour le 30 mai 1940. La réunion se tient à l'hôtel de ville de Limoges. Une motion y est votée disant que les sénateurs et représentants belges résidant en France, condamnent la capitulation dont le Roi a pris l'initiative, qu'ils se déclarent solidaires du gouvernement dans sa volonté de continuer la lutte jusqu'à la libération du territoire national. Le 2 juin, Marcel-Henri Jaspar regagne Cahors où la vie administrative s'organise.

Sur les routes, les cortèges de réfugiés deviennent de plus en plus importants ; ils se dirigent vers le sud fuyant l'invasion, tandis que Paris, menacé d'encerclement, se vide. Le 13 juin, Paul Reynaud, qui avait été particulièrement sévère lorsqu'il s'était agi de la capitulation belge, prononce un discours qui ne laisse aucun doute sur l'issue de la lutte. Devant la gravité de la situation, Marcel-Henri Jaspar expose au Premier Ministre Hubert Pierlot l'urgence de passer en Grande-Bretagne pour continuer la lutte aux côtés des Alliés. Après bien des hésitations, le gouvernement belge décide d'abord de se rendre en Grande-Bretagne, puis adopte finalement une position diamétralement opposée : le 18 juin 1940, Hubert Pierlot annonce que le gouvernement belge, ne se rendra pas en Angleterre. La France, vaincue, ne poursuivant plus la guerre, il faut abandonner la lutte comme elle. Cette prise de position pousse Marcel-Henri Jaspar à agir seul : il décide de gagner l'Angleterre. Par son départ, il rompt la solidarité qui, depuis avril 1939, le lie au gouvernement.

Le 21 juin 1940, Marcel-Henri Jaspar et son épouse, après une traversée assez difficile, arrivent à Londres où l'ambassadeur de Belgique, le baron de Cartier de Marchienne, mis au courant par les autres membres du gouvernement, lui fait un accueil glacial, presque hostile. Quelques heures plus tard, il rencontre le général de Gaulle. L'après-midi du 23 juin, sur les ondes de la B.B.C., Marcel-Henri Jaspar lance un appel à ses compatriotes :
" Des agences de presse ont annoncé que le gouvernement belge, exilé au Portugal, avait décidé en fait de cesser la guerre ; c'est faux ! La guerre pour la libération de notre Patrie continue et continuera jusqu'à la victoire.
Je suis arrivé en Angleterre dans ce but : j'y attendrai ceux de mes collègues qui tenteront et qui réussiront à leur tour le voyage que j'ai fait.
En attendant, ministre en fonction - et dont personne ne peut contester le mandat dont j'ai été légalement investi - je continue la guerre. L'article 82 de notre constitution nationale est formel : je ne suis le prisonnier de personne. A ce titre, j'exercerai seul les responsabilités du pouvoir. Ma tâche est lourde. Je ne l'ai pas choisie ; les circonstances me l'imposent. J'accepte les responsabilités qui m'échoient avec la volonté ardente de poursuivre la guerre aux côtés de nos alliés, Anglais, Français, Hollandais, Norvégiens et Polonais. Ce mandat, je le détiens au même titre que mes collègues : je n'y renoncerai qu'au jour de la victoire.

Le 10 mai, à Londres, attaquée par l'Allemagne, la Belgique a fait appel à ses garants : la France et l'Angleterre ont répondu à cet appel.

Malgré l'héroïsme de ses enfants, la France a succombé. L'empire britannique, que nous avons appelé à notre aide, continue la lutte. Les lois élémentaires de l'honneur nous dictent notre devoir. Il est clair : notre devoir est aux côtés de ceux qui luttent pour l'indépendance et la liberté des peuples. Nous leur apporterons les ressources considérables dont nous disposons encore en Europe et au Congo sur lequel flotte encore le drapeau de Liège et le drapeau de l'Yser. Belges, nous avons accepté l'héritage colonial du roi Léopold II. Ce patrimoine nous saurons le conserver intact : les Belges du Congo tiennent leur sort entre leurs mains. Aux Belges de Belgique, je demande d'avoir confiance en nous : Anciens combattants héroïques de 1914-1918, fiers de vos drapeaux, de vos sacrifices, détenteurs de l'honneur national, je suis à vos côtés.

Combattants d'hier, compagnons d'exil, je fais appel à vous, je viendrai à votre aide.
Officiers, sous-officiers, soldats, venez me rejoindre.

Détruisez vos armes et vos munitions s'il le faut. Ne laissez rien aux mains de l'ennemi, rien qu'il puisse utiliser contre ceux que nous avons nous-mêmes appelés à l'aide. Ne faites rien qui puisse favoriser un ennemi implacable au détriment de ceux qui rendront à notre pays son indépendance et sa liberté.

Capitaines de navires, officiers et marins, quittez les ports français et gagnez un port de l'empire britannique. N'abandonnez pas notre flotte aux mains ennemies, n'ajoutons pas à la défaite la honte de la trahison.

Aux Belges de France, je demande ardemment d'être aux côtés de nos amis Français, dans les jours sombres que traverse notre grande amie la France.

La France ne peut périr : elle ne peut être asservie ; elle ne peut être domptée. La France impériale subsiste : elle sera demain à nos côtés.
L'heure n'est pas aux larmes mais à l'action. La douleur et l'épreuve fortifient les âmes fortes et suscitent l'héroïsme : plutôt la mort que l'esclavage ! Dieu protège la Belgique et ses alliés ! "

Deux jours plus tard, le gouvernement belge, par la radio de Bordeaux, accuse Jaspar d'avoir abandonné son poste et son administration. Il le désavoue complètement, l'exclut du gouvernement et rattache les services du ministère de la Santé publique à ceux de l'Intérieur. Diverses personnalités socialistes rejoignent Londres : l'ancien président de la Chambre et bourgmestre d'Anvers Camille Huysmans, le député de Thuin Max Buset et Isabelle Blume-Grégoire, député de Bruxelles. Quant à Marcel-Henri Jaspar, il s'installe dans un appartement de l'hôtel Dorchester, à Park Lane, en face de Hyde Park. C'est dans cet appartement qu'est décidé, le 5 juillet 1940, la constitution d'un organisme gouvernemental chargé de diriger l'effort de guerre de la Belgique aux côtés des Alliés. La présidence en est attribuée à Camille Huysmans. Les buts de cette organisation sont les suivants :

poursuivre la guerre aux côtés de la Grande-Bretagne et de ses Alliés ;
mobiliser les forces militaires belges pour la cause commune et créer une armée motorisée ;
faire participer militairement à la guerre le Congo, dont la position stratégique en Afrique est de première importance pour empêcher la pénétration des forces ennemies au cœur du continent africain ;
mobiliser les forces économiques et la flotte, actuellement en Angleterre et inemployée et sans directives ;
effectuer la mobilisation économique de la colonie tandis qu'une délégation permanente anglo-belge surveillerait sur place l'exécution des accords qui devraient être conclus avec la Grande-Bretagne.

Divers départements ministériels sont organisés à Londres : Finances, Affaires Étrangères, Communications, Santé publique, Justice et Sûreté publique, Colonies, Propagande (notamment à destination des territoires occupés) et Défense Nationale. Le 22 juillet 1940 est créé l'Office Parlementaire Belge (6, Arlington street), afin d'établir un lieu de réunion et de consultation pour les Belges réfugiés en Angleterre parmi lesquels, en plus des personnalités politiques déjà arrivées auparavant, figuraient les députés libéraux de Bruxelles Victor de Laveleye et Roger Motz, le sénateur libéral d'Anvers et ancien ministre Léon Dens, Georges Truffaut, député socialiste de Liège et l'ancien ministre Arthur Wauters.

Des démarches sont faites auprès du gouvernement Pierlot pour qu'il vienne se fixer à Londres. Fin octobre 1940, Hubert Pierlot et Paul-Henri Spaak arrivent en Angleterre ; les autres ministres ne les ont pas imités pour des raisons personnelles.
Le gouvernement belge à Londres assure la représentation politique, économique et diplomatique de la Belgique dans le monde. En reprenant la direction des Affaires Étrangères, Paul-Henri Spaak leur donne une impulsion nouvelle, il est l'un des premiers à reconnaître l'autorité du général de Gaulle sur les Français Libres. Opportunément, il se souvient qu'un jour, Marcel-Henri Jaspar lui avait dit qu'il abandonnerait volontiers la politique pour la diplomatie. Il lui propose de représenter les autorités belges de Londres auprès du président Bénès qui a constitué un gouvernement tchécoslovaque en exil. Marcel-Henri Jaspar est accrédité en qualité de chargé d'affaires auprès du gouvernement tchécoslovaque à Londres, le 5 décembre 1940 ; le 10 janvier 1941, il remet ses lettres de créances au président Bénès. Grâce à ce poste, Marcel-Henri Jaspar occupe, dans l'entourage du président Bénès et de Jan Masaryk, son ministre des Affaires Étrangères, un poste d'observation de premier ordre sur le déroulement des opérations. Dès lors, et jusqu'à la fin de sa carrière, Marcel-Henri Jaspar ne quittera plus le terrain de la diplomatie. Le 30 juin 1942, il fut accrédité en qualité d'envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire auprès du président de la République tchécoslovaque. Il occupa ce poste à Londres jusqu'en 1945. Dès la libération d'une partie du territoire tchécoslovaque par l'armée soviétique, le président Bénès et son gouvernement entreprennent des démarches avec Moscou afin de pouvoir se transporter sur la fraction de territoire sur lequel ils entendent exercer leur autorité. Par ce geste, Bénès et ses ministres veulent mettre fin le plus rapidement possible à leur statut de gouvernement en exil. Aussi, dès le mois de mars 1945, Marcel-Henri Jaspar se prépare-t-il à suivre le président Bénès. Le 7 juin 1945, il est nommé ministre de Belgique à Prague et ce n'est qu'à la fin du mois de juin qu'il peut se rendre dans la capitale tchécoslovaque. Il reste en poste à Prague jusqu'en juin 1946. Pendant son séjour en Tchécoslovaquie, il peut constater que la politique étrangère du pays s'oriente vers une collaboration de plus en plus étroite avec l'U.R.S.S. et les pays slaves sans pour autant rompre avec l'Occident.

Le 27 juin 1946, Marcel-Henri Jaspar est nommé ministre de Belgique à Buenos Aires. Ce poste est très important car la Belgique avait investi des sommes énormes en Argentine. Le rôle du représentant diplomatique est d'éviter la nationalisation et de veiller au ravitaillement de la Belgique en blé et en viande à des prix supportables pour l'économie belge encore chancelante. Pour arriver à ces résultats, Marcel-Henri Jaspar négocie avec le gouvernement présidé par le général Juan Domingo Perón.

Marcel-Henri Jaspar représente les intérêts belges en Argentine pendant cinq ans. Le 27 mars 1951, il est nommé ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire à Rio de Janeiro. Il quitte Buenos Aires pour le Brésil le 24 mai 1951 et le 5 juin, il présente ses lettres de créance au président Getulio Vargas.

De 1954 à 1959, Marcel-Henri Jaspar dirige l'ambassade de Belgique à Stockholm, avant d'être nommé, le 23 avril 1959, en qualité d'ambassadeur de Belgique à Paris, poste qu'il occupe jusqu'au 30 juin 1966. A Paris, Marcel-Henri Jaspar fut un ambassadeur brillant qui y représenta dignement la Belgique. Il y fréquenta le Tout-Paris qui, souvent, se trouvait aux réceptions et cocktails organisés dans les salons de l'ambassade de Belgique. On y rencontrait les représentants les plus connus de la vie mondaine de la capitale française, mais aussi de grands noms de la politique, des lettres et des arts.

Avocat, diplomate, homme d'État, Marcel-Henri Jaspar est aussi journaliste et écrivain. À côté de nombreux articles et essais dans les journaux, il collabora régulièrement à diverses revues dont Le Flambeau. Avec son épouse, il fit un brillant reportage sur la Russie soviétique qui parut dans le journal La Dernière Heure. Avant la deuxième guerre mondiale, Marcel-Henri Jaspar était le correspondant en Belgique de l'hebdomadaire français Marianne. A Londres, il collabora pendant la guerre, à la revue Message, dirigée par Paul Weyemberg ainsi qu'à La France Libre d'André Labarthe. À partir de 1961, Marcel-Henri Jaspar publia plusieurs études historiques appréciées dans la Revue des Deux Mondes à Paris.

Juriste de formation, Marcel-Henri Jaspar fit paraître un Traité des Sociétés Anonymes en droit belge (Bruxelles, 1933). Toutefois, l'essentiel de l'œuvre de Marcel-Henri Jaspar fait surtout apparaître ses qualités d'écrivain et d'historien. Dans ce domaine, il publie Ernest Renan et sa République (Paris, 1934), Le Génie libéral de la France. Un Essai sur Renan (New York, 1942), William Pitt, comte de Chatham, fondateur de l'Empire britannique (Bruxelles, 1949). Marcel-Henri Jaspar a couronné son œuvre littéraire par la publication de deux volumes de mémoires : Souvenirs sans retouche (Paris, 1968) et Changement de décors (Paris, 1972) (1)
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